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Christophe Vachaudez

29 August 2018

© Frédéric Ducout

 Ici, la Renaissance se mêle à l'art gothique et au style classique pour former l'un des ensembles architecturaux les plus intéressants d'Arles, composé du Grand Prieuré de l'Ordre de Malte et de la Commanderie de Saliers où le peintre Jacques Réattu vivait et avait installé son atelier. Vendus comme biens nationaux à la Révolution, les bâtiments avaient séduit l'artiste qui s'en était porté acquéreur, les sauvant ainsi d'une possible destruction.

Dans ces beaux espaces d'où il pouvait tutoyer le Rhône, ce natif d'Arles exposait sa collection d'oeuvres d'art, acquise au fil de ses voyages.

 
© Frédéric Ducout 

En 1833, sa fille Élisabeth hérite de la demeure familiale et y tient bientôt salon, recevant les artistes de la région et ceux, de passage, aimantés par les charmes de l'antique cité.

Des années plus tard, sans enfant de son union avec Pierre Grange, elle léguera contenant et contenu à la ville tout en continuant à vivre sur place. Il lui est simplement demandé d'ouvrir les salles au public une fois par mois. Quand elle décède en 1872, on assiste à la naissance officielle du musée des Beaux-Arts d'Arles. Outre de nombreuses oeuvres signées de l'ancien maître de céans, la collection comprend un étonnant portrait masculin dû au pinceau de Simon Vouet ou encore un ensemble de toiles exécutées par Antoine Raspal, un autre enfant d'Arles.

 
La façade qui s'ouvre sur le Rhône © Frédéric Ducout

Au début du XXe siècle, on recense près de 495 peintures, dessins et sculptures. Les bombardements alliés de 1944 endommagent fortement les bâtiments et les collections, déménagées d'urgence, vont aussi souffrir de conditions précaires de conservation. L'arrivée d'un nouveau conservateur en 1956 va insuffler un dynamisme salvateur à l'institution moribonde. Jean-Maurice Roquette va initier des expositions temporaires d'artistes vivants et Jean Lurçat va être le premier à répondre à l'invitation. Ossip Zadkine suivra, offrant au terme de l'événement l'odalisque que le musée expose aujourd'hui non sans fierté. En 1957, Picasso présente une sélection de dessins et renoue avec Arles, une cité qui exerce une certaine fascination sur l'artiste. Il reviendra en 1971 et cédera au musée 57 dessins, aujourd'hui connus sous le vocable des 'Picasso d'Arles'.

 

L'odalisque d'Ossip Zadkine offerte par l'artiste © Frédéric Ducout 

En 1963, c'est un hommage à Germaine Richier qui anime les salles du musée avec sa statuaire si caractéristique. Cadeau de la famille de l'artiste, Le Griffu entrera au Réattu en 1967.

D'habiles acquisitions ne cessent d'enrichir le fonds d'art contemporain mais, en 1965, sous l'impulsion de Lucien Clergue, le conservateur amorce un tournant décisif. Il s'attèle à créer le noyau d'une collection photographiques, une première pour un musée des Beaux-Arts en France. Sensibles à l'intérêt porté à leur art, près de quarante grands noms donnent gracieusement une ou plusieurs oeuvres. Parmi les généreux mécènes, citons Ansel Adams, Willy Ronis, Edward Weston, Robert Doisneau ou Cecil Beaton.

 
Andy Neyrotti, artisan du programme culturel au musée Réattu © Frédéric Ducout 

Cette initiative va rapidement imposer Arles comme un centre dédié à la photographie et la création du festival des Rencontres Internationales en 1970 ne fera que confirmer ce statut. L'installation de la seule école nationale supérieure de photographie en France sera ressenti comme une consécration.

 
Les Clairs-Obscurs de Véronique Ellena : des plans-films argentique tirés en négatif © Frédéric Ducout 

Véritable pionnier, le musée Réattu, à l'origine de cette belle histoire, poursuit son cheminement, tissant des liens forts avec nombre d'artistes et de photographes contemporains.

En 2008, il a donné carte blanche à Christian Lacroix pour habiller temporairement le musée de nouveaux atours. Pour son jubilé, il a convié la photographe Véronique Ellena pour ses trente ans de carrière, une façon de retracer un parcours plutôt singulier. Il débuta à l'École Nationale Supérieure des Arts Visuels de La Cambre, à Bruxelles, avec des premières séries sur la Vie quotidienne, grandes fresques qui mettent en scène des moments clefs de journées vécues au sein de la classe moyenne. Á partir de 1998, elle produira Les Classiques cyclistes, immortalisant les coureurs, héros et martyrs de cette épopée des Temps Modernes. Les Suites italiennes naissent du séjour que l'artiste effectue à l'académie de France à Rome, à partir de 2007.

 
Les Classiques cyclistes de Véronique Ellen © Frédéric Ducout

Sorte de Memento Mori géants, ces natures mortes mêlent le monumental à l'intimisme. La nuit, ce sont d'autres natures mortes que son objectif captent au fil des rues de Rome, fixant sur la pellicule la présence silencieuse des sans-abris au petit matin, avant que la Ville éternelle ne s'éveille. Puis, ce sera Gênes et Turin, autant d'instantanés pudiques de ces corps suggérés par le drapé des couvertures, qui se fondent avec l'architecture. Á partir 2004, Véronique Ellena herborise, se ressourçant entre deux séries, à la recherche de paysages modestes qu'elle ennoblit.

 
Les Suites italiennes de Véronique Ellena © Frédéric Ducout 

Les Clairs-obscurs voient le jour à partir de 2016 quand l'artiste procède au tirage en négatif de plans-films argentique, autant d'instants fugaces inscrits dans l'éternité, un peu comme les natures mortes des maisons qui ont marqué son existence. Avec cette rétrospective, le musée Réattu soutient avec panache la ligne directrice qui préside depuis plusieurs décennies au choix de ses expositions, un cadeau photographique pour 150 ans d'un itinéraire aussi passionnant qu'atypique.

www.museereattu.arles.fr

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Arts & Culture

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