Inutile de dire que je suis ravi en voyant que le jury a attribué l'Ours d'or à Black Coal, Thin Ice de Diao Yinan. Comme je l'ai écrit dans ces chroniques, c'était un de mes deux favoris (l'autre étant Kreuzweg de Dietrich Brüggemann, film austère et d'une écriture totalement maîtrisée, qui n'aura certes qu'une audience limitée, même si sa description glaçante d'un certain fanatisme catholique peut aussi s'appliquer à d'autres intégrismes...). Ce long métrage qui nous vient de Chine continentale (et qui, chose étonnante pour un récit aussi pessimiste, a été financé avec de l'argent officiel) s'apparente à certains classiques hollywoodiens des années 40 et 50 (Hawks, Wilder, Siodmak, etc.), mais il va bien au-delà de l'hommage à un genre codé. Diao Yinan, qui a 45 ans et est connu dans son pays comme auteur dramatique et metteur en scène de théâtre, a une personnalité bien à lui, tant dans l'écriture (il est l'auteur du scénario) que dans la direction d'acteurs. Le comédien Liao Fan, qui incarne un ex-flic râleur et sans illusions, a d'ailleurs obtenu le prix de la meilleure interprétation masculine. Black Coal, Thin Ice nous révèle une Chine du Nord hostile et glacée, dont les paysages urbains atteignent par moments à une dimension surréelle grâce à un formidable travail sur la couleur. Vite ! Qu'un distributeur prenne le film et l'amène chez nous : je me précipiterai pour le revoir.
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Black coal thin ice se démarque entre autre par un remarquable jeu de sublimation des couleurs... |
Ce qui m'étonne le plus, c'est qu'on ait donné un prix spécial, le Prix Alfred Bauer, récompensant « un film qui ouvre des nouvelles perspectives » à la dernière production d'Alain Resnais (92 ans) Aimer, boire et chanter. L'autre jour, participant à une émission de France Culture qui rassemblait des critiques internationaux, j'ai scandalisé mes chers collègues en disant que l'opus ultime (à ce jour, car il paraît qu'il en prépare un nouveau) de l'auteur d'Hiroshima mon amour me paraissait terriblement vieillot et guindé, sans parler des comédiens dont le style théâtral m'insupporte (Sabine Azéma est imbuvable). Il y a davantage d'alacrité, de fantaisie, de désinvolture même dans les films tournés depuis dix ans par le vétéran portugais Manoel de Oliveira (qui a aujourd'hui 104 ans au compteur).
Je quitte toujours Berlin à regret, car à mon sens - outre que c'est une ville très agéable à vivre – c'est sans doute la capitale la plus vivante d'Europe culturellement. Bien plus stimulante que Paris, qui somnole et s'enlise dans l'autosatisfaction.