Salué comme une des dix personnalités les plus influentes du théâtre européen actuel, Hermanis s'est fait connaître depuis des années à Vienne, Edimbourg, Avignon ou Berlin, mais sa production de Jenufa à Bruxelles s'avère tout simplement magistrale et nous donne l'occasion de découvrir un talent singulier, qui se situe en marge ou à rebours d'une certaine esthétique contemporaine. Dans ses interviews, Hermanis se définit – avec peut-être une pointe de provocation – comme un artiste «conventionnel» qui appartient à l'ancienne école. Entendez que pour lui, le théâtre n'est pas le véhicule d'un message politique ou social, et que - comme le disait Janacek lui-même - la vérité et la beauté peuvent aller de pair. Les décors, qui se réfèrent à la fois à l'art 1900 (Mucha et autres) et au folklore morave, tout comme les fabuleux costumes (un an de travail pour les ateliers de la Monnaie), transposent dans une sphère magique ce qui pourrait être vu au départ comme un sombre drame d'amour et de mort dans un village tchèque au tournant du XXe siècle.
Mais surtout, la mise en scène d'Hermanis rend justice à l'extraordinaire intensité émotionnelle de Jenufa, une œuvre qui se termine par le duo d'amour le plus poignant qu'on puisse voir sur une scène lyrique (NDLR: Acte III, scène 12, Odesli... Jdi take - écoutez en cliquant ici). Tous les interprètes seraient à citer pour leur engagement dramatique et la beauté du chant. Direction inspirée du chef Ludovic Morlot.
Allez-y sans délai, c'est un des spectacles majeurs de l'année 2014.
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