Julie Ruquois : Masterclass & conseils

Le créneau actuel de Julie Ruquois se situe principalement dans le résidentiel privé haut de gamme. Elle s’occupe aussi de la décoration des espaces qu’elle orchestre pour accompagner ses clients jusqu’au bout du processus. Après une phase très minimaliste, elle conserve des lignes pures, mais ses réalisations se réchauffent avec des matières, des couleurs, des rondeurs… Les volumes restent en harmonie avec les ambiances, car on ne peut pas séparer l’architecture et l’architecture d’intérieur !

L’Éventail – Comment bien choisir son architecte ?
Julie Ruquois – Le choix d’un architecte est lié à une connexion humaine : c’est une longue aventure à vivre ensemble et il faut bien se comprendre pour que cela reste une bonne expérience mutuelle ! Un(e) architecte, surtout dans le résidentiel privé, entre dans l’intimité d’une famille, d’un couple, mais il est important qu’il (elle) garde sa place. Son écoute et sa capacité à faire preuve de psychologie pour créer une relation de confiance sont primordiales. Le client doit aussi adhérer à la méthode de travail, aux principes architecturaux et à la recherche d’une esthétique commune. Je pense qu’être une femme architecte est un atout. Je suis sensible à une architecture esthétique, mais aussi au confort et à l’esprit pratique. Je me mets à la place d’une maman qui rentre avec ses courses et son Maxi-Cosi, des parents qui cuisinent pendant que les enfants jouent à proximité… Les mêmes enfants s’enferment et se vautrent sur le grand lit à l’adolescence ! Les espaces doivent évoluer au même rythme que les enfants grandissent.

– Quels conseils donneriez-vous pour débuter une rénovation ?
– Tout d’abord, je demande à mes clients de définir leur programme, pour garder une trace tout au long du processus de création. Cet exercice leur demande de se concentrer autour d’une réflexion commune et de déterminer des choix qui ne sont pas toujours évidents. Par exemple, se mettre d’accord sur le nombre de chambres et de salles de bain, avec douche ou baignoire ? Pour la cuisine, un îlot central ou un coin déjeuner ? Ils doivent aussi préciser le budget, car celui-ci va déterminer le degré de finition, les mètres carrés rénovés, la faisabilité d’une annexe… Le choix d’un entrepreneur est également primordial. Une entreprise générale est indispensable en cas de grosse rénovation, car la gestion des équipes est un métier en soi. Ce n’est ni le rôle de l’architecte, ni celui des clients !

– Y-a-t-il des postes à privilégier ?
– Le gros œuvre et la technique sont prioritaires. On peut facilement changer le carrelage de sa salle de bain ou refaire une cuisine, mais ouvrir les murs, les chapes et les plafonds se révèle plus compliqué ! La réussite d’un projet réside d’abord dans ce qui est invisible. La vraie qualité d’un projet est la face cachée de l’iceberg… On peut être séduit par une belle décoration, mais ce n’est pas pour cela que la maison sera agréable à vivre.

– Quels sont les matériaux que vous préconisez ?
– Les matières nobles et naturelles, comme le bois, la pierre, la chaux… Des textures intemporelles, élégantes et audacieuses. On ne prend jamais de risque à mélanger les matières naturelles car, dans la nature, elles se mélangent toujours de façon harmonieuse. La visite d’une marbrerie, c’est comme la visite d’une galerie d’art : le projet d’une cuisine ou d’une salle de bains naît souvent d’un coup de cœur avec une pierre naturelle. J’aime aussi les matières plus souples et malléables qui permettent d’éviter les joints, comme les enduits. J’aime les matières vivantes, lumineuses, nuancées et accrochant la lumière pour rendre les espaces chaleureux et accueillants.

– Quelles sont vos recettes pour optimiser l’espace ?
– La lumière, le rangement et le jeu des pleins et des vides, des ouvertures et fermetures doivent être étudiés dans les petits espaces… Les meubles sur mesure intégrés, les panneaux coulissants, qui bougent en fonction des besoins et des moments de la journée, permettent de résoudre de nombreux problèmes de manque de place. Avant tout, il faut privilégier l’ouverture de la luminosité.

– Comment rénover durablement ?
– En Belgique, il n’est plus possible de rénover autrement que de manière durable, car les normes PEB s’intensifient d’année en année ! Cela n’est plus un choix, c’est une réalité : chaque bien doit être rénové et transformé suivant des normes. Il faut également soigner la technique, l’étudier en profondeur pour choisir la bonne option, celle qui va durer et offrir une polyvalence, car la maison évolue avec ses habitants et il faut pouvoir se projeter dans l’avenir.

– Que retenez-vous des tendances d’aujourd’hui ?
– S’adapter aux familles d’aujourd’hui, c’est la tendance ! Il faut rester curieux et s’intéresser aux jeunes créateurs. La capacité de décrypter les tendances et capter celles qui pourraient potentiellement rester, cela fait partie, à mes yeux, des qualités d’un bon architecte. Dans mes réalisations actuelles, je valorise toujours des propositions intemporelles auxquelles j’intègre aussi la douceur des courbes, le retour de la couleur et le mélange des matières.

– Quelles sont les pièces de design iconiques faciles à intégrer chez soi ?
– Les canapés d’Edra ou de Living Divani, où l’on peut s’asseoir des deux côtés du dossier, sont bien adaptés aux salons d’aujourd’hui. Mais ces belles pièces nécessitent de l’espace et un gros budget. La chaise longue avec son repose-pieds de Charles et Ray Eames est très facile à intégrer, notamment dans une grande cuisine, un endroit convergeant où l’on se pose en participant à la vie de famille ou encore dans une chambre, pour la sieste. Il n’est pas aisé de choisir des chaises hautes confortables, faciles à nettoyer et à la bonne hauteur pour accompagner un îlot… Les tabourets Obumex ou les chaises hautes de Harry Bertoia, avec leur galette d’assise, font souvent l’unanimité !

– Comment concilier décoration existante et nouvelles envies ?
– Je trouve que les plus beaux intérieurs sont ceux qui racontent des histoires. En enrichissant son intérieur avec des coups de cœurs, de beaux objets chinés, de jolis meubles hérités mélangés à des pièces contemporaines et à du mobilier sur mesure, on peut construire un univers personnel, intéressant à observer, à décrypter… L’ambiance d’une pièce peut varier avec l’ajout d’un objet ou d’un meuble. J’aime les endroits qui peuvent être dérangés, qui évoluent avec nous et peuvent mélanger styles et époques.

– Comment savoir si un projet est réussi ?
– S’il vous ressemble et que vous vous y sentez bien, si vous êtes heureux de rentrer chez vous, que la fluidité des circulations vous facilite la vie, que chaque pièce est bien utilisée, peu importe l’ampleur du projet, le challenge a été relevé ! Le retour positif des clients reste ma plus belle récompense. Comme dans la haute couture, un projet est réussi lorsque la maison épouse parfaitement le mode de vie des clients.

Photo de couverture : © Gilles Van Den Abeele