Ariane Loze : dictatures numériques, dérives identitaires

Vidéaste et performeuse, Ariane Loze (Bruxelles, 1988) maîtrise intégralement la production de ses vidéos. Devant l’objectif, elle campe tous les rôles, multipliant les identités au rythme des accessoires qu’elle emploie. “Je mets le costume et je me lance. Pendant le tournage, je doute. Je m’interroge sur le manque de différences entre les personnages que je compose… Dans les rushes, j’observe que les voix, les attitudes, les postures sont dissemblables. Cela se passe à mon insu, peut-être que ça s’inscrit dans mon inconscient…” (Ariane Loze)

En coulisse, l’artiste gère tous les aspects techniques, se glissant tour à tour dans les fonctions de réalisatrice, scénariste, monteuse, costumière, régisseuse son et lumière… Une démarche vidéographique qu’elle mène en toute autonomie et qui ne s’encombre d’aucun artifice. La mise en scène est minimaliste, les plans sont fixes et le décor réduit à sa plus simple expression. Ses vidéo-performances dans lesquelles elle incarne tous les protagonistes partagent d’autres constantes. Notamment l’incongruité de la situation et la dérision décalée des dialogues. Soit une forme d’absurde qu’elle ménage afin de questionner les travers de nos modes de vie et de pointer une société nous mettant toujours plus sous contrôle. “L’artiste cherche à rendre compte d’une psychologie collective caractérisée par des tendances schizophréniques. Elle suscite chez le public un regard distancié, aussi amusé que critique.” (Anne Dressen, commissaire d’exposition à l’ARC)

En ce mois d’avril, Ariane Loze présente chez Michel Rein (Bruxelles et Paris) et au Cultuurcentrum Strombeek deux films réalisés en 2022. Le premier, intitulé If you didn’t choose A, you will probably choose B, met en scène une trentenaire active qui ne cesse d’être épiée, analysée par des algorithmes dont l’intelligence artificielle sert des fins mercantiles. Cette œuvre, dont le titre évoque directement le caractère binaire propre aux algorithmes, nous place face à notre propre réalité : toutes nos données – en fonction de nos géolocalisations, de nos comportements sur les réseaux sociaux, de nos modes de consommation… – sont échangées et monnayées. Flippant ! Une réalisation imaginée en étroite collaboration avec la sociologue Jessica Pidoux et HestiaLabs (site web qui milite pour un écosystème numérique plus éthique et transparent). La seconde vidéo, Our Cold Loves, met en scène vingt-deux personnages (le CEO, le romantique, l’immigré sans papiers…) qui recherchent l’amour en utilisant des applications de rencontre. Ariane Loze met notamment en évidence l’algorithme utilisé pour apparier les candidats. Seule certitude : application rime le plus souvent avec désillusion.