La reine Victoria-Eugénie mise à l’honneur

Le parcours met en valeur une personnalité méconnue, perçue à l’époque comme une femme un peu trop moderne qui a tenté un rapprochement avec la population à travers de nombreuses activités sociales et humanitaires sans négliger pour autant ses obligations officielles. Différents chapitres survolent cette vie qui a pris un tournant tout autre lors de l’exil, alors qu’Alphonse XIII est déposé le 14 avril 1931.

Élevée à la cour britannique durant les dernières années du règne de sa grand-mère, Victoria-Eugénie, filleule de l’impératrice Eugénie comme de sa royale aïeule dont elle porte les prénoms, est née à Balmoral le 24 octobre 1887. Elle est affectueusement surnommée Ena par ses parents, la princesse Béatrice de Grande-Bretagne et le prince Henri de Battenberg issu d’une branche cadette de la maison de Hesse. Elle reçoit une éducation soignée et, en 1905, elle rencontre Alphonse XIII lors de la visite d’État que le monarque effectue au Royaume-Uni. En quête d’une épouse, on lui destinait la princesse Patricia de Connaught mais son choix s’est porté sur sa cousine, la jeune Ena. Les fiançailles sont annoncées en 1906 et la jeune Princesse se convertit au catholicisme. Le mariage sera marqué par un attentat sanglant, ce qui, pour certains, sera un présage de mauvais augures. Et de fait, les malheurs ne vont pas épargner les souverains avec la naissance d’un infant sourd et des problèmes liés à l’hémophilie dont est porteuse Victoria-Eugénie.

Toujours élégante, la Reine a laissé l’image d’une femme raffinée, toujours impeccable, avec un goût sûr tant pour la toilette que pour la parure. Un de ses diadèmes réalisé par le joaillier madrilène Ansorena pour ses noces sera d’ailleurs exposé. Orné de fleurs de lys, emblème des Bourbons, il fait partie des “Joyas de pasar” qui se transmettent de reines en reines. Le joyau est d’ailleurs toujours porté par la reine Letizia. Les nombreux portraits de la Reine dont ceux peints par Philip Alexius de Laszlo illustrent à merveille ce port majestueux qui sera parfois mal interprété par les détracteurs de la monarchie.

Le couple aura six enfants : Alphonse, comte de Cavadonga, Jaime, duc de Ségovie, Juan, comte de Barcelone, Beatrix qui épousera Alexandre Torlonia, prince de Civitella-Cesi, Cristina qui s’unit à Enrico Cinzano, comte Marone, et Gonzalo qui meurt en 1934, à l’âge de vingt ans. Victoria-Eugénie et Alphonse XIII vivent principalement au palais royal de Madrid même s’ils disposent de nombreuses résidences comme les palais d’Aranjuez, de Riofrio, de La Granja, de San Sebastian ou même de l’alcazar de Séville. Après 1931, le Roi s’installera en Italie alors que la Reine choisira la Suisse où elle acquiert la Villa Belle Fontaine, près de Lausanne.

Tout deux ont pu emporter bien des souvenirs mais, dans la hâte, ils en ont laissé quantité derrière eux dont la majorité fait aujourd’hui partie intégrante du Patrimonio Nacional. Ils sont ici exposés pour la première fois aux yeux du public : robes du soir, photographies, argenteries, cadeaux de mariage, carrosse… Mais au-delà de ces précieux témoignages de la vie de cour, des documents montrent que la Reine joua un rôle important dans la modernisation de la cour, assouplissant le protocole en vigueur sous la régence de Marie-Christine de Habsbourg-Lorraine. Soucieuse de se tenir éloignée de la vie politique, elle se consacre pleinement à la promotion d’institutions caritatives, à la réorganisation de la Croix-Rouge espagnole, à la lutte contre la tuberculose et le cancer, ou encore à la création de centres de formation pour les professionnels de santé. L’exposition “Victoria Eugenia” offre au public l’opportunité de redécouvrir la figure d’une femme qui a su allier la tradition à l’air du temps, marquant profondément l’histoire de la monarchie espagnole.