Les “Partenaires particulaires” de la Fondation CAB

Des murs blancs et de vastes baies qu’illumine le soleil généreux du Midi, un toit plat et de doux arrondis, voilà qui illustre à merveille le style épuré typique du début des années cinquante. À l’intérieur, les beaux espaces magnifient encore les œuvres présentées au regard des amateurs. Les galeristes ne s’y sont pas trompés, puisque le lieu a abrité Alexandre de la Salle à partir de 1974 et le belge Guy Pieters dès l’an 2000. Conseillée par Bernar Venet, la Fondation CAB y emménage, non sans avoir fait rénover l’ensemble par l’architecte Charles Zana dont l’érudition et le goût sûr ont fait merveille. François Laffanour, spécialiste du design des années 1950, a lui aussi participé à cette renaissance. De nos jours, l’art minimal et l’art conceptuel y triomphent au fil d’expositions propices à valoriser ces courants.

Apparu au début des années 1960 aux États-Unis, le minimalisme naît en réaction au lyrisme pictural de l’expressionnisme abstrait et en opposition à la tendance figurative et ironique du pop art. Héritier du modernisme, et surtout du Bauhaus, il correspond à la perfection à cette maxime de Ludwig Mies van der Rohe : “Less is more”. Les artistes qui adhèrent à ce mouvement préconisent le dépouillement formel, le réductionnisme et la neutralité. Quant à l’art conceptuel, ses origines remonteraient aux ready-made de Marcel Duchamp, début XX^e, mais il s’épanouit, lui aussi, durant les années 1960. Il se définit non par les propriétés esthétiques des objets ou des œuvres, mais seulement par le concept ou l’idée d’art.

Phare culturel de Saint-Paul-de-Vence

Outre la collection permanente présentée en roulement, la Fondation CAB organise des expositions mises sur pied par des commissaires extérieurs qui travaillent en étroite collaboration avec la directrice Éléonore de Sadeleer. Ces événements ont pour but principal d’instaurer un dialogue entre les œuvres. Ils mettent aussi en lumière certains artistes en résidence car, durant la saison hivernale à Saint-Paul-de Vence et toute l’année à Bruxelles, les fondations accueillent quelques élus. Ils y trouvent une atmosphère favorable à la création, une vraie tradition dans cette bourgade des Alpes-Maritimes qui compte aussi la Fondation Aimé et Marguerite Maeght, située en surplomb, à quelques encablures d’ici. Giacometti, Braque et Miro y étaient des invités réguliers.

Ce principe de l’hospitalité, cher aux initiateurs de la Fondation CAB, s’étend aussi au plus grand nombre, qu’ils soient amateurs d’art, collectionneurs avertis, esthètes, passionnés ou simples curieux. En effet, on y compte quatre chambres d’hôtes, une façon unique de s’imprégner de la magie de l’endroit. Dans la première, des luminaires du vénitien Gino Sarfatti et de Gaetano Sciolari complètent une décoration qui rend hommage à l’architecte et designer suisse Pierre Jeanneret (1896-1967). La deuxième associe des créations du même et de Jean Prouvé, éclairées par des luminaires du Finlandais iconique Alvar Aalto et d’Angelo Lelli, fondateur d’Arredoluce en 1947. Dans la troisième, on retrouve aussi le Français Jean Prouvé, le Danois Fritz Hansen, le Brésilien Sergio Rodrigues, les Américains Peter Downsbrough et Tessa Perutz, bref une vraie tour de Babel créative où tout le monde semble se comprendre. Enfin, la quatrième chambre aligne des créations de l’Italien Paolo Buffa, du Danois Poul Kjærholm et des luminaires de Max Ingrand et de Hans J. Wegner, autant d’ensembles cohérents, en adéquation totale avec le message que veut faire passer la Fondation CAB. Certaines chambres disposent même d’une vue plongeante sur la péninsule du cap d’Antibes, un panorama d’anthologie !

Les jardins contribuent, eux aussi, à l’ambiance du lieu avec leurs sculptures de Richard Long, Bernar Venet, Charlotte vander Borght, Jonathan Monk ou encore Fabrice Samyn, une ode à l’art minimal et conceptuel. On y découvre la maison démontable de Jean Prouvé imaginée en 1944 – qui peut également accueillir des hôtes pour une ou plusieurs nuits – un exemple de construction provisoire destinée aux sinistrés de l’époque. Ce vestige historique de six mètres sur six montre toute l’ingéniosité du concepteur qui a débuté ses recherches en 1938. Tout en respectant sa structure d’origine, elle a été adaptée en chambre avec un mobilier signé, lui aussi, Jean Prouvé, un vrai saut dans le passé grâce à cette maison datée, parangon du design. Et le confort n’a pas été oublié, puisque l’architecte Charles Zana y a ajouté une salle de bains dans l’esprit d’origine et qu’une climatisation réversible y a été installée.

La Fondation propose un restaurant, le Sol, baptisé en référence à la sculpture en bois de Sol LeWitt (1928-2007) qui le décore. Sous la fraîcheur des orangers et des citronniers, les convives apprécient tout autant l’art minimal et le design de Charlotte Perriand que les talents culinaires du chef Jean-Luc Adam. Cet été, la Fondation CAB (qui fait partie du réseau Plein Sud comprenant près de 70 adresses fédérées par la passion de l’art et ancrées sur un même territoire, de Céret à Menton), héberge une exposition consacrée aux artistes historiques du mouvement Supports/Surfaces et à d’autres artistes de la scène contemporaine. “Partenaires Particulaires (supports, surfaces, dissémination)” animera l’endroit jusqu’au 2 novembre. Une belle idée d’excursion !

Photo de couverture : © Fondation CAB