Ariane Theunissen, liberté et expressivité !

L’Éventail – Quels ont été vos débuts dans la mode ? Était-ce un rêve de toujours ?
Ariane Theunissen – Quand j’étais petite, j’accompagnais mon père, antiquaire, chez les tapissiers. Je récupérais leurs chutes de tissus pour confectionner des vêtements pour mes poupées. À dix ans, j’ai acheté ma première machine à coudre. J’ai ensuite étudié à l’École de la Chambre syndicale de la Couture parisienne, aujourd’hui l’IFM. Lors de mon stage de fin d’études chez Esteban Cortazar, en 2019, j’ai été contactée par Florence Deschamps, une “chasseuse de talents” renommée. Elle avait découvert mon travail sur Instagram et, pensant qu’il s’agissait d’une marque déposée, m’a proposé de présenter ma collection dans son show-room pendant la Fashion Week de Paris. Je n’avais ni collection ni société, mais l’opportunité était trop précieuse ! En deux semaines, avec l’aide d’amis, de modélistes et de couturières, nous avons créé la collection. Ce travail, qui nécessite six mois, a été réalisé en un temps record, tout en mettant en place ma société en express. Florence n’a su la vérité que deux ans plus tard, et je ne suis pas certaine qu’elle m’ait crue. Faire carrière dans la mode n’était pas un rêve, plutôt une évidence. Je n’ai jamais envisagé une autre voie.

– Être une créatrice de mode belge à Paris, atout ou embûche ?
– Atout ! La Belgique a une longue histoire de créativité et d’innovation dans divers domaines, y compris la mode. Elle possède une tradition artistique riche et diversifiée. Les peintres flamands, tels que Jan van Eyck, ont laissé un héritage durable qui continue d’inspirer les créateurs belges. Les concepts de couleur, texture et composition présents dans l’art flamand se retrouvent souvent dans les créations de mode belges, ajoutant une dimension unique et expressive à notre travail. La Belgique est aussi reconnue pour son ouverture à la diversité culturelle, ce qui se reflète dans la variété des styles et des approches dans la mode belge.

– Crée-t-on différemment un vestiaire féminin quand on est une créatrice ou un créateur ?
– En tant que femme créant pour les femmes, j’ai la volonté de mettre en valeur le corps féminin, en connaissant les parties que l’on souhaite souligner ou non. Notre pièce phare, le pantalon Fonda, en est un parfait exemple. Il allonge la jambe, marque la taille avec sa ceinture courbée, laisse juste apparaître le nombril tout en gainant le bas du ventre. Je souhaite créer une garde-robe confortable et qui donne confiance.

– Les volumes maîtrisés signent la “patte” de votre collection printemps/été 2024. Façon de mettre le corps en valeur ou de l’escamoter parfois pour mieux libérer la femme ?
– Dans cette collection monochrome, mon objectif était de mettre en lumière la coupe, plaçant au premier plan le travail de la forme plutôt que l’ornementation. En optant pour une palette de couleurs restreinte mais percutante, j’ai cherché à éviter toute distraction – motifs, effets de matière ou détails superflus. Mon intention était que l’attention se concentre sur la sublimation du corps féminin à travers la structure des vêtements.

– Quelle pièce de mode auriez-vous rêvé d’inventer ?
– Le smoking d’Yves Saint Laurent, une une pièce iconique qui a révolutionné la garde-robe féminine, introduisant une silhouette androgyne et élégante. Il incarne la sophistication et l’audace, permettant aux femmes de s’approprier un vêtement masculin en affirmant leur féminité.

– Vous tenez-vous à l’affût de l’air du temps ou privilégiez-vous une approche intemporelle ?
– Je m’inspire de l’intemporel pour créer du contemporain. Mes sources d’inspiration proviennent de ma nostalgie des périodes que je n’ai pas connues, dont les années 1980, une référence en termes de coupe et de volumes : taille marquée, épaulettes XXL de Grace Jones, tailleurs de Lady Di. J’aime conjuguer ces références avec des jeux de découpe plus actuels et sexy.