François Didisheim
02 December 2025
Depuis bientôt un siècle, les Grandes Conférences Catholiques (GCC) constituent à Bruxelles un lieu rare, où se rencontrent les esprits les plus brillants de notre époque. Chefs d’État, prix Nobel, écrivains, scientifiques ou cardinaux s’y succèdent dans un même rituel : prendre le temps d’exposer des idées, d’en débattre et, parfois, d’en bousculer d’autres. Une respiration précieuse dans un monde qui semble parfois manquer d’oxygène intellectuel.
Fondées en 1931, les GCC ont immédiatement cultivé un esprit pionnier. Leur vocation n’était ni de prêcher ni de convaincre, mais d’ouvrir la discussion, d’abattre les cloisons et de confronter les certitudes. Dès les années 1930, elles invitaient l’archevêque anglican de Canterbury, anticipant d’une génération l’œcuménisme de Vatican II. L’audace, déjà, comme fil rouge.
Lech Walesa, het soort gast dat de CCG's weten aan te trekken © Michael Brochstein/Polaris
À leur tête depuis seize ans, Emmanuel Cornu incarne cette exigence avec une élégance tranquille. Avocat de profession, désormais anobli par S.M. le Roi Philippe pour ses contributions à la société, il défend une vision fidèle aux origines : offrir une tribune où les analyses les plus fines rencontrent un public avide de compréhension. Sous sa présidence bénévole, les GCC ont su préserver l’équilibre unique qui les caractérise, entre tradition intellectuelle et curiosité contemporaine. Les coulisses révèlent d’ailleurs un esprit bien loin des postures. Emmanuel Cornu aime rappeler que « les personnalités les plus brillantes sont souvent les plus accessibles ». Comme Lech Wałęsa, qui l’accueillit d’un surprenant « Êtes-vous catholique pratiquant ? », avant de se montrer d’une simplicité désarmante. Derrière la solennité des grandes conférences, l’humanité continue donc de circuler.
De prachtige Henry Le Boeuf zaal in Bozar is zeven keer per jaar gastheer van de GCC. Met haar 2.000 zitplaatsen is ze voor elke conferentie uitverkocht, een duidelijk bewijs van het succes en belang van de Grandes Conférences Catholiques. DR
À 95 ans, les GCC n’ont rien perdu de leur éclat, bien au contraire. Chaque saison, sept conférences rassemblent près de 2 000 auditeurs dans la majestueuse salle Henry Le Bœuf du Bozar, systématiquement remplie. Les enjeux y sont vastes : humanisme, Europe, démocratie, crises technologiques, géopolitiques ou sociétales. Les présidents de la Commission européenne y sont régulièrement invités, jusqu’à Ursula von der Leyen en 2021, preuve de l’aura internationale de cette tribune bruxelloise. Ce succès repose sur une exigence rare : offrir une pensée complète, sans interruption ni simplification. Pendant 75 à 90 minutes, on écoute, on réfléchit, on met son téléphone en sourdine — une discipline presque héroïque dans un monde structuré par le scroll permanent. Ici, aucune punchline, aucun raccourci algorithmique : seulement des idées, patiemment déroulées.
L’avenir des GCC se dessine dans la continuité. Fidélité aux valeurs fondatrices, à la nuance, au dialogue, à cette forme de lenteur choisie qui devient soudain un geste presque subversif. Alors que l’espace public est parfois déformé par les excès populistes et la généralisation des certitudes rapides, les GCC revendiquent une résistance : penser avant de juger. Débattre plutôt que s’indigner. Écouter avant de répondre.
Einstein affirmait que « le problème aujourd’hui, ce n’est pas l’intelligence, c’est la vitesse ». Aux Grandes Conférences Catholiques, on ralentit volontairement, comme pour remettre l’intelligence à l’endroit. Et si réfléchir est un sport de haut niveau, Bruxelles offre ici un terrain unique et ouvert à tous, pourvu que l’on accepte l’épreuve : tenir 90 minutes sans vérifier son téléphone.
Article inspiré par la newsletter de Lobby du 28 novembre 2025 écrite par Françoise Wallyn et François Didisheim, fondateur de Lobby. Retrouvez la revue des cercles du pouvoir, ici
Photo de couverture : Emmanuel Cornu est président bénévole des Grandes Conférences Catholiques depuis 2009. Cette année, il s’est vu concéder le titre de baron par S.M. le Roi Philippe, en reconnaissance de ses contributions professionnelles et sociétales. © DR/GCC
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