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Calvinisme, capitalisme et la quête d'un cadre éthique équilibré

Bruno ColmantCalvinismeFiscalitéSociété

Bruno Colmant

12 February 2024

En moins de trois décennies, nos économies européennes ont plongé dans un nouvel ordre capitaliste. Celui-ci est axé sur le juridique et tente d’individualiser les incertitudes de la vie, tout en limitant la protection collective. Le choc des modèles est profond : les communautés européennes recherchent des certitudes réglementaires et une uniformité, tandis que le modèle anglo-saxon soumet les individus aux aléas de l’économie.

Le professeur Dr. Bruno Colmant est membre de l’Académie royale de Belgique. © DR

Cependant, nous devons localiser la divergence entre ces deux modèles. Mais où ? Inévitablement, presque inexorablement, le chercheur est confronté à la profonde division qui a opposé les catholiques et les protestants au XVIe siècle. En effet, un facteur transcende l’évolution de nos communautés : c’est l’attitude  religieuse par rapport au matérialisme financier. La rupture confessionnelle du XVIe siècle entre les catholiques et les protestants aurait catalysé, chez ces derniers, des prédispositions socio-économiques qui auraient conduit à l’émergence du capitalisme moderne. L’émancipation religieuse et l’essor économique se sont d’ailleurs entrelacés au cours des siècles écoulés. Au travers du déploiement du libre-échange, on retrouverait aujourd’hui une très lointaine opposition entre les modèles catholiques et protestants. L’ouverture des frontières agirait alors comme le révélateur de différences sociologiques dissimulées.

Le sociologue allemand Max Weber (1864-1920), qui spéculait sur les affinités électives entre la Réforme et le capitalisme dans son ouvrage L’Éthique protestante et l’esprit du capitalisme, considérait le manque de scrupules, l’intérêt personnel, la cupidité et la quête inlassable du profit comme des traits caractéristiques d’un capitalisme qui avait “pris du retard”. Dans son Histoire économique, il révélait une perspective pessimiste en suggérant que “l’éthos était né sur le sol de l’idéal ascétique [mais que] maintenant, on lui ôtait sa signification religieuse. Les conséquences étaient graves…” Weber voyait dans la dilution du puritanisme calviniste une “triste déviation de notre culture”. Mais alors, où l’esprit de Calvin flotte-t-il encore dans nos économies ? Jean Calvin a soustrait le travail et l’argent au domaine de la pure nécessité pour leur donner une acception religieuse, mais il n’aurait aucunement approuvé les excès récents du capitalisme. Fidèle à l’idéal de pauvreté de saint Paul, le théologien préconisait la sobriété et le renoncement aux gloires terrestres afin de se plier à la volonté divine et de se faire le champion de la vérité évangélique. Il exécrait l’avidité et la passion du gain.

Dans l’éthique réformée, la sobriété et la tempérance dans la consommation construisent l’homme magnanime. Cela a d’ailleurs conduit au puritanisme ascétique, bien loin des  excès du capitalisme sauvage. Mais la doctrine calviniste a peut-être été un prétexte à la libération théologique du commerce et à la déculpabilisation de l’intérêt financier. Sous cet angle, l’éthique théologique calviniste aurait été remplacée par une éthique mercantile, formulée, à l’instar de Benjamin Franklin, comme un instrument de commerce. L’idéal de pauvreté de Calvin aurait donc été dénaturé.

C’est pour cette raison probable que le calvinisme a sans doute muté en capitalisme désenchanté, alors que Calvin rappelait que la rémunération du travail doit passer avant celle du capital : “C’est une chose fort étrange, et inique, cependant que chacun gagne sa vie avec grand’peine, cependant que les laboureurs se lassent à faire les journées, les artisans à grande sueur servent aux autres, les marchands non seulement travaillent, mais s’exposent à beaucoup d’in-commodités et dangers, que messieurs les usuriers assis sur leur banc sans rien faire reçoivent tribut du labeur de tous les autres”.

La Réforme était, à l’origine, une force spirituelle et ecclésiastique révolutionnaire, mais elle a décliné en un dépérissement que Max Weber avait identifié et que nous associons à un capitalisme désillusionné. À la fin de L’Éthique protestante et l’esprit du capitalisme, Weber suggère que “le souci des biens extérieurs devrait peser sur les épaules des saints comme un manteau léger qu’on peut rejeter à tout moment. Mais le destin a transformé ce manteau en une cage de fer”. Peut-être que la sécularisation des communautés anglo- américaines, associée à la montée du néolibéralisme, a conduit à leur anomie, c’est-à-dire à la désintégration de leurs valeurs sociales.

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