François Didisheim
30 September 2025
Bill Gates, fondateur de la plus célèbre fondation privée au monde, s’est engagé à donner 99% de sa fortune, soit plus de 100 milliards de dollars, pour soutenir la santé, la vaccination et l’éducation. D’autres figures ont suivi : MacKenzie Scott, ex-épouse de Jeff Bezos, a distribué près de 20 milliards de dollars à plus de 2 000 associations en cinq ans ; Mark Zuckerberg et Priscilla Chan financent la recherche médicale et l’éducation ; George Soros défend la démocratie et les droits humains ; Michael Bloomberg lutte contre le tabagisme et le changement climatique. L’ancien PDG de Microsoft, Steve Ballmer, et son épouse Connie investissent pour leur part dans l’éducation et le sport pour la jeunesse.
Aux États-Unis, les fondations doivent redistribuer au moins 5% de leurs actifs chaque année, tandis que les 95% restants continuent de fructifier à l’abri de l’impôt. Si ce mécanisme permet un financement régulier, il confère aussi aux philanthropes un rôle quasi souverain dans la définition des priorités sociales et sanitaires. La professeure Brigitte Alepin, de l’Université du Québec, n’hésite pas à parler de « farce caritative », estimant qu’il faudrait des décennies pour que les dons compensent réellement les avantages fiscaux.
Le siège de la Bill & Melinda Gates Foundation, à Seattle © DR/Shutterstock.com
Les Patriotic Millionaires, un collectif de milliardaires partisans d’une fiscalité plus stricte, vont dans le même sens : selon eux, confier la redistribution uniquement aux dons privés n’est ni démocratique ni efficace.
Même les philanthropes les plus actifs ne sont pas exempts de critiques. Bill Gates est régulièrement attaqué pour l’influence de sa fondation sur les politiques de santé mondiale et pour ses choix jugés sélectifs, voire contradictoires, face à certains investissements contestés dans le pétrole ou l’agriculture. Warren Buffett, autre figure majeure de la finance, défend pour sa part l’idée que son argent est « plus utile employé par des gens intelligents dans la philanthropie que s’il sert à réduire la dette fédérale », tout en reconnaissant que la philanthropie privée ne peut se substituer à l’action publique.
Ce mouvement illustre une réalité ambivalente. D’un côté, il finance la recherche, soutient l’innovation et contribue à sauver des millions de vies. De l’autre, il concentre une part croissante du pouvoir de décision dans les mains de quelques individus, capables de redessiner les priorités globales selon leurs convictions. Certaines approches, comme celle de MacKenzie Scott, qui laisse aux associations une totale liberté d’utilisation des fonds, visent à corriger ce déséquilibre, mais elles demeurent minoritaires.
Alors, faut-il applaudir cette générosité ou s’inquiéter de son influence ? Si les milliards investis changent indéniablement le monde, ils posent aussi une question essentielle : qui doit décider des priorités collectives, les États ou une poignée de philanthropes ?
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