Monica Nève publie "L'Alphabet de l'Âme" : un testament spirituel aux accents grégoriens

À 94 ans, Monica Nève de Mévergnies de compose une nouvelle partition. L’Alphabet de l’Âme, sous-titré “Dictionnaire amoureux”, paraît aux éditions Saint-Léger comme un précieux héritage offert à ses descendants et aux innombrables bénévoles de Nativitas. Loin des autobiographies conventionnelles, ce recueil de réflexions spirituelles se présente comme un abécédaire philosophique où chaque mot-clé devient prétexte à une méditation sur l’existence.

Quand la musique devient prière

L’originalité de l’ouvrage tient dans sa structure même : organisé comme un dictionnaire, il invite à une lecture non linéaire, une promenade contemplative plutôt qu’un parcours imposé. Comme l’écrit l’abbé Éric de Beukelaer dans sa préface, l’auteure suggère aux lecteurs de “ne pas forcément tout lire du début à la fin, mais de le prendre et picorer une pensée, ici et là“. Cette approche fragmentaire reflète la liberté d’esprit qui caractérise Monica Nève depuis toujours.

Cheffe de chœur et pédagogue du chant grégorien, la nonagénaire a toujours considéré la musique sacrée comme un langage universel, capable de transcender les barrières sociales. “Servir par la beauté” : telle est la maxime qui traverse l’ensemble de son témoignage. Dans ces pages, la foi n’apparaît jamais séparée de la musique, ni la musique de l’amour. Le livre révèle comment, de Bruxelles à Lubumbashi, Monica Nève a enseigné le chant grégorien comme un “langage secret” porteur d’une “paix contagieuse“.

Un esprit de Nativité permanent

Fondée en 1975 au cœur des Marolles, Nativitas célébrera bientôt ses cinquante ans d’existence. L’association, dont Monica Nève demeure présidente-fondatrice, incarne ce triple engagement spirituel, social et culturel qui structure également le livre. Dans L’Alphabet de l’Âme, l’auteure partage sans fard les épreuves traversées, notamment la maladie d’Alzheimer qui emporta son époux Noël, mais toujours avec cette “incroyable fraîcheur de ton et de regard” soulignée par le préfacier.

Le mystère de la Nativité imprègne profondément ces réflexions. Même consciente de la croix qui attend l’Enfant-Dieu, Monica Nève choisit de le contempler “tout petit dans les bras de la Vierge, sous le regard protecteur de Joseph“. Cette posture d’émerveillement face à la vie, malgré ses aspérités, traverse l’ensemble de l’ouvrage.

Un testament entre générations

Dédié à ses cinq enfants, douze petits-enfants et vingt-cinq arrière-petits-enfants, mais aussi “aux innombrables bénévoles et amis” de Nativitas, le livre se veut transmission. Docteure Honoris Causa de l’Université catholique de Louvain depuis 2008, gratifiée du Haut Patronage de la Princesse Astrid de Belgique pour son œuvre sociale, Monica Nève demeure pourtant d’une humilité désarmante. Son véritable honneur, écrit-elle implicitement, réside dans “une présence” plutôt que dans les distinctions académiques.

L’exhortation qui parcourt le livre comme un leitmotiv résonne avec une force particulière : “Garde ta lampe allumée. Flamme qui transmet joie, amour et enthousiasme.” Reprochant à certains chrétiens leur “manque d’enthousiasme“, Monica Nève livre ici un appel vibrant à la vie pleine, à l’engagement sans réserve, à l’amour inconditionnel.

Pour qui sonne le glas grégorien

L’Alphabet de l’Âme s’adresse autant aux proches de l’auteure qu’aux lecteurs en quête de ressourcement spirituel. Sa forme de dictionnaire le rend accessible par fragments, propice à une consultation régulière plutôt qu’à une lecture exhaustive. Les amateurs de chant grégorien y trouveront des réflexions substantielles sur cette forme musicale médiévale que Monica Nève a contribué à maintenir vivante. Ceux qui s’intéressent à l’action sociale découvriront le socle spirituel d’une œuvre cinquantenaire.

Coordonné par Marie Dominicy avec la collaboration d’Émily Zurstrassen, Marthe Mahieu et Agnès Potjes, l’ouvrage bénéficie d’un appareil iconographique soigné. À travers ces pages se dessine le portrait d’une femme qui, toute sa vie, a su réconcilier la beauté et le service, la contemplation et l’action, le chant et la charité.