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Basilique 2030 : Maredsous investi dans son patrimoine et croit en l'avenir de sa communauté

ImmobilierMaredsousPatrimoineRénovation

Martin Boonen

30 October 2025

Édifiée entre 1876 et 1891 dans la vallée de la Molignée, la basilique Saint-Benoît de Maredsous n’avait jamais connu de rénovation d’envergure. Aujourd’hui, fissures, humidité et toitures centenaires imposent un chantier de restauration de 2,5 millions d’euros. Un défi patrimonial d’autant plus complexe que l’édifice, non classé, ne bénéficie pour l’heure d’aucun subside public, même si des pistes de financement sont actuellement explorées.

L’apparence trompe. Vue de l’esplanade, la basilique Saint-Benoît dresse ses tours de 59 mètres avec une majesté intacte. Mais il suffit de franchir le portail pour mesurer l’ampleur des dégâts. « Quand on regarde la basilique de l’extérieur, elle semble en bon état. Mais dès qu’on entre, on découvre un bâtiment abîmé, humide, dont la peinture tombe, et les briques apparaissent par endroits », confie le Père François Lear, élu 9ᵉ abbé de Maredsous en décembre 2024.

Het klooster van de abdij van Maredsous © Philip Reynaers/Foto News

Conçue par l’architecte Jean-Baptiste Bethune et achevée en 1891, cette réalisation néogothique de 72 mètres de longueur cumule près de 150 ans sans intervention majeure. Les ardoises d’origine couvrent encore 3 500 m² de toitures. Les 6 000 m² de façades en petit granit de Denée se lézardent. L’humidité s’infiltre, fragilise les maçonneries, ronge les enduits. Les 62 fenêtres, les 136 lancettes, les trois portes monumentales requièrent une restauration d’urgence. L’architecte Freddy Paquet, qui connaît intimement le site, tempère : « Ce n’est pas le chantier de Notre-Dame de Paris, mais l’intervention est nécessaire pour pérenniser les lieux ». L’édifice n’est pas au bord de l’effondrement, mais le seuil critique approche et différer davantage entraînerait des coûts exponentiels et mettrait en péril un patrimoine régional de premier plan.

Un cahier des charges monumental

Le projet baptisé “Basilique 2030” déploie un programme de travaux en deux temps. À l’extérieur d’abord : la réfection intégrale des toitures, le remplacement de la zinguerie, la restauration des corniches et descentes pluviales, la rénovation des lucarnes et des vitraux. Les façades en petit granit seront traitées sur 6 000 à 6 500 m². Les trois portes monumentales retrouveront leur apparence d’origine. À l’intérieur ensuite : traitement contre l’humidité, remplacement des mastics des 136 lancettes qui percent les murs du sanctuaire, puis réaménagement du chœur, de ses bas-côtés et de ses chapelles latérales pour restituer une esthétique conforme aux intentions initiales de Bethune.

Apostolische Brief waarbij de abdijkerk tot basiliek wordt verheven, 13 oktober 1926 - © Abbaye de Maredsous

Les travaux débuteront au printemps 2026 et s’étaleront jusqu’en 2030. Calendrier serré, mais symboliquement cohérent : en 2026, l’abbaye célébrera le centenaire du titre de basilique, octroyé par le pape Pie XI le 13 octobre 1926 en raison de l’important pèlerinage à saint Benoît. La basilique restera accessible au public pendant toute la durée du chantier. Sébastien Salvato, sculpteur-ébéniste des ateliers de l’abbaye, en assumera la responsabilité technique. Les entreprises de construction sollicitées seront locales.

Une gouvernance inédite face à l’impératif patrimonial

Vader François Lear, 9e abt van Maredsous © Diocèse de Namur

Lancer un tel programme n’allait pas de soi. L’abbaye de Maredsous emploie quelque 200 personnes (80 permanents et de nombreux saisonniers) et génère des revenus substantiels via ses partenariats avec le fromager Bel (dont le montant des dividendes versés à l’abbaye ont fuité dans la presse récemment, engendrant une polémique. Charles d’Orjo, premier CEO de l’asbl qui gère les activités et le patrimoine de l’abbaye, n’a pas désiré faire de commentaire à ce sujet, ndlr) et le brasseur Duvel Moortgat. Mais l’équation financière reste fragile. « L’ASBL Abbaye Maredsous a un équilibre fragile en raison de coûts d’entretien devenus faramineux ces dernières années. Il faut prévoir 1,7 million d’euros chaque année pour entretenir le site », explique Charles d’Orjo, nommé en 2024 au poste inédit de directeur général de l’ASBL.

Charles d'Orjo, eerste CEO van Maredsous © DR

Ancien cadre chez Unilever pendant 12 ans, passé par la Suisse, la Suède et les Pays-Bas, cet ancien élève du collège Saint-Benoît a accepté de prendre les rênes d’une structure atypique : une ASBL patrimoniale qui s’apparente à une PME, avec ses contraintes de gouvernance, de ressources humaines et de rentabilité, mais dont la mission première n’est pas le profit. « L’objectif social de l’ASBL, c’est d’entretenir le patrimoine de l’abbaye et de permettre à la communauté de subsister », résume-t-il. Le Père François Lear l’avait anticipé : « Parce que je suis convaincu que le Père Abbé ne peut pas tout faire. Il n’est pas formé pour ça. Le monde financier devient complexe. Je ne suis pas formé pour cela. Donc il y avait besoin de cette nouvelle gouvernance confiée à un professionnel ». Une lucidité qui traduit l’ampleur du défi : gérer 17 hectares, accueillir 600 000 visiteurs par an, assurer la pérennité d’un site qui constitue le plus gros employeur local.

Mais le principal obstacle reste ailleurs. La basilique Saint-Benoît n’est pas classée monument. Conséquence : aucun subside public n’est pour l’heure disponible, même si l’abbaye explore actuellement différentes pistes de financement public. En attendant, les 2,5 millions d’euros doivent être levés par l’abbaye elle-même. « Maredsous a la mauvaise réputation d’être riche, mais ce n’est évidemment pas le cas », précise Charles d’Orjo. Aux 1,7 million de frais d’entretien annuels s’ajoutent 300 000 euros de coûts énergétiques. Les recettes touristiques permettent tout juste d’atteindre l’équilibre. Un chantier exceptionnel de cette ampleur nécessite donc une stratégie de financement entièrement nouvelle.

Het oorspronkelijke hart van de abdijkerk © Philip Reynaers / Photo News

Lever 2,5 millions : l’innovation solidaire

En l’absence de subside public immédiatement mobilisable, l’abbaye a opté pour un modèle participatif et entrepreneurial. Premier levier : un partenariat avec la Fondation Roi Baudouin, qui permet d’offrir un avantage fiscal dès 40 euros de dons. Des bornes seront installées sur le site. « Si chaque personne qui passe à Maredsous donnait un euro, la Basilique serait sauvée ! », lance le Père Abbé avec un mélange d’espoir et de pragmatisme. Avec 600 000 visiteurs par an, l’équation paraît simple. Reste à convaincre.

Het Saint-Joseph onthaalcentrum in Maredsous trekt toeristen aan © Christophe Vandercam/Vandercam/Photo News

Deuxième levier : une bière caritative baptisée  “Basilique”. Produite en collaboration avec Duvel Moortgat, partenaire historique de l’abbaye depuis 1963, cette blonde à 7,3% d’alcool est brassée dans la microbrasserie du site. Particularité : elle est enrichie d’un distillat à base de baies de genévrier, d’aubépine, de chatons de noisetier et de berce, produit par la distillerie de l’abbaye (un clin d’œil au gin Invictus, distillé pour Maredsous par Adrien Desclée de Maredsous, descendant direct des fondateurs de l’abbaye). La gamme comprend également une triple et une fruitée aux fraises. L’intégralité des bénéfices est reversée au projet de restauration. « Les moines ont toujours fait de la bière pour survivre, pour remplacer la viande à l’époque. Aujourd’hui, on ne brasse plus pour les vitamines, mais pour soutenir un projet de restauration », sourit le Père François.

L’abbaye multiplie par ailleurs les initiatives culturelles : une exposition bilingue “Maredsous, hier et aujourd’hui”, commissionnée par l’historien de l’art Gérald Decoster, retrace l’histoire de l’édifice dans le cloître jusqu’en janvier 2026. Un festival de concerts de Noël, du 22 novembre au 12 décembre 2025, réunira des ensembles prestigieux dont Laus Aeterna, le chœur Imagine de Mettet, le Studio Baroque de l’IMEP dirigé par Sophie Karthäuser, les Augsburger Domsingknaben accompagnés du B’Rock Orchestra. Des visites guidées gratuites sont proposées tous les deuxièmes et quatrièmes dimanches du mois.

Ce financement hybride (mécénat, économie solidaire, événementiel) traduit une conviction : celle que le patrimoine ne se sauve pas seulement par décret, mais par adhésion collective. « On doit le faire pour le bâtiment, pour le patrimoine en premier lieu. Mais aussi parce que j’y vois, à travers l’obligation de protéger un patrimoine, un signe, un symbole de bien pour ma communauté et autour de nous », confie le Père François Lear.

Bisdom Namen

Transmettre un patrimoine vivant

Le projet “Basilique 2030” dépasse la seule question technique. Il interroge la notion de transmission. Maredsous n’est pas un site fossilisé : une communauté d’une vingtaine de moines y vit selon la règle bénédictine, de nouvelles vocations émergent, 200 personnes y travaillent, des centaines de milliers de visiteurs y passent chaque année. Restaurer la basilique, c’est affirmer que ce lieu a encore quelque chose à dire, à offrir, à incarner. « Ce n’est pas un sprint, c’est un marathon », rappelle le Père Abbé. Un marathon qui s’achèvera en 2030, lorsque la basilique Saint-Benoît, débarrassée de ses fissures et de son humidité, retrouvera l’éclat que Jean-Baptiste Bethune lui avait donné il y a près de 150 ans. Un éclat qui, cette fois, aura été reconquis grâce à la mobilisation d’une communauté qui refuse de laisser le temps effacer ce qu’elle a reçu en héritage.

Le collège Saint-Benoît, œuvre historique de l’abbaye, lève aussi des fonds

Fondé en 1881, le collège Saint-Benoît est la plus ancienne œuvre de l’abbaye de Maredsous. Établissement d’enseignement catholique qui jouxte l’abbaye, il occupe une place centrale dans l’histoire de Maredsous depuis près de 150 ans.

Le Père François Lear y a enseigné la religion pendant 20 ans avant son élection comme abbé. « Mon plus grand sacrifice au moment d’accepter cette mission à la tête de ma communauté, ce fut de devoir abandonner ma responsabilité de professeur. Une mission que j’ai remplie pendant 20 ans et que j’ai profondément dans la peau », confie-t-il. Malgré ses nouvelles fonctions, il reste président du Pouvoir Organisateur, administrateur délégué et aumônier du collège.

Parallèlement au projet “Basilique 2030”, les anciens élèves du collège ont lancé leur propre campagne de rénovation. « Cela pourrait donner l’impression que l’abbaye et le collège ne collaborent plus. Ce n’est pas le cas du tout, au contraire », insiste le Père Abbé. « J’admire ce que les anciens ont fait et font pour le collège. On voit leur attachement à notre collège qui a été leur maison, et de mon côté, je le soutiendrai jusqu’au bout ».

Charles d’Orjo, le nouveau directeur général de l’ASBL Abbaye de Maredsous, est lui-même un ancien élève du collège Saint-Benoît. Un ancrage qui illustre les liens profonds entre l’institution monastique et son œuvre éducative. « L’abbaye et le collège continueront à avancer main dans la main », assure le Père François Lear.

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