Erwin Blumenfeld, la photographie en soi

Des expérimentations photographiques les plus modernistes développées au cours des années 1930 aux révolutionnaires couvertures de mode créées dans les années 1950, en passant par ses magnifiques portraits de gitans, ses somptueux nus ou ses glaçantes visions prémonitoires (Gueule de l’horreur, 1933), Les Tribulations d’Erwin Blumenfeld présentées au Musée d’art et d’histoire du Judaïsme, nous font redécouvrir l’œuvre, magnifique, du photographe juif berlinois.

“J’espère que vous ne prenez rien au tragique parce qu’il n’y a pas de tragique”, écrivait-il à sa famille depuis l’un des camps où il fut interné et dont il réchappa, selon lui, par le seul fait du hasard. Un optimisme et une élégance dont il semble ne jamais s’être départi. Dans ses photographies, on les voit partout à l’œuvre : dans le regard taquin de son Double Autoportrait à la Linhof semblant vouloir nous rappeler la duplicité de l’image et de son orchestrateur ; dans les yeux clos et le visage flottant de Marianne Tischler noyée dans un fond solarisé ; dans le regard tombeur de son célébrissime Œil de biche surgissant, au-dessus d’une bouche écarlate ponctuée d’une mouche “gourmande”, d’une page blanche ayant fait la une du Vogue US en 1950… Audace et élégance sont bien les maîtres mots de cet “art pour l’art” que Blumenfeld n’aura de cesse de rechercher, y compris dans ses collaborations avec le monde de la mode – cette “foire aux vanités” dont il sut habilement détourner ou outrer les codes.