Jean Hélion, la prose du monde

Équilibre : tel est le titre d’une de ses toiles, datée de 1934, montrant des formes abstraites flottant sur une imbrication de quadrilatères colorés. Ce sont ces mêmes formes élémentaires que l’on retrouve, dix ans plus tard, disséminées sur un portrait stylisé intitulé L’Homme à la joue rouge. Ces deux œuvres résument à elles seules le parcours “syncrétique” d’Hélion qui, après ses débuts abstraits reviendra à la figuration pour opérer, dans la seconde partie de sa carrière, une étonnante synthèse de ces deux courants présumés antinomiques.

Un parcours d’autant plus étonnant que l’ami de Théo van Doesburg, Piet Mondrian et Marcel Duchamp avait été l’un des acteurs les plus importants de l’abstraction, tant en France – où il participe en 1930 au groupe Art concret, puis à la création du collectif Abstraction-Création –, qu’aux États-Unis, où il s’installe de 1934 à 1940… C’est en 1939, au moment où l’abstraction commence à s’imposer sur la scène internationale, que l’artiste s’en détourne pour se faire, peu à peu, peintre de scènes quotidiennes où la réalité, hiératique et schématisée, semble comme contaminée par une abstraction latente. En découlent un style singulier et une atmosphère éminemment énigmatique où les personnages et les objets figurés (qu’il s’agisse des toits de Paris, d’un banc public, d’un parapluie ou d’une simple citrouille), sont dotés d’une présence équivoque.

Photo de couverture : Figure tombée, 1939, Huile sur toile, 126,2 x 164,3 cm © Centre Pompidou, MNAM-CCI, Dist. RMN-Grand Palais / Georges Meguerditchian © ADAGP, Paris 2024