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Deux films, du côté des vivants

CinémaFilm

Corinne Le Brun

15 October 2025

Voici nos deux coups de cœur du mois : “L’intérêt d’Adam” de notre compatriote Laura Wandel et “Nino” le premier long métrage de la Française Pauline Loquès. Il y est question de maladie, de retour à la vie.

L’intérêt d’Adam

Lucy, infirmière en chef d’un service pédiatrique s’occupe d’Adam, 4 ans, hospitalisé pour malnutrition. Il est accompagné de sa maman, Rebecca qui refuse d’être séparée de son fils, et les soins qui lui sont prodigués. Après avoir filmé avec force le harcèlement scolaire à hauteur d’enfant dans son premier long métrage “Un Monde“, Laura Wandel hisse sa caméra, à hauteur d’adultes, pour une immersion dans le milieu hospitalier. Pour écrire le scénario de “L’intérêt d’Adam”, quatre années ont été nécessaires à la cinéaste belge, qui a passé trois semaines en observation dans un hôpital. Une plongée intense, portée par Léa Drucker (et Anamaria Vartolomei), époustouflante. À 53 ans, Léa Drucker enchaîne les rôles forts. Infirmière sous tension, elle incarne avec justesse et conviction les fractures de notre époque. Rencontre.

Eventail.be – Comment avez-vous rencontré Laura Wandel ?
Laura Wandel –
Elle m’a contactée en m’envoyant son scénario. Avant de la rencontrer, j’ai vu Un Monde son premier film et j’ai été subjuguée par son talent, par sa force, sa radicalité, son parti pris de faire ses plans séquences avec des enfants, toujours à leur hauteur. Je me suis dit mais comment elle a fait pour diriger les enfants comme ça ? Avant le tournage de L’intérêt d’Adam, pour bâtir le personnage de Lucy, Laura m’a montré ce film magistral, La Mort de Dante Lazarescu, filmé en plan séquence dans un hôpital. C’était génial.

Laura Wandel

– Ce qui vous a plu dans le scénario ?
L’univers hospitalier, en premier. L’histoire se passe dans un espace-temps très court, au cœur d’un service de pédiatrie. Je me disais que c’était déjà un vrai défi. Ensuite, comment ce personnage de Lucy, une infirmière d’expérience, dans ce cas précis, refuse les injonctions administratives et judiciaires. Lucy entre en relation avec cette jeune mère qui est menacée de séparation avec son enfant puisqu’elle est défaillante. Et je trouve intéressant d’essayer de résoudre cette énigme.

– Le milieu hospitalier vous a-t-il motivée ?
Ce milieu résonne beaucoup pour moi parce qu’il est très présent dans mon existence. Mon papa était pédiatre dans un hôpital public dans les années 70-80. Mon grand-père était médecin de campagne, ma tante, infirmière en dialyse. J’ai grandi dans le milieu médical. Petite, j’allais à l’hôpital, voir mon père qui travaillait. Donc j’étais familière avec l’hôpital mais je n’y ai jamais travaillé. Et puis personne n’a jamais envie de passer trop de temps à l’hôpital mais c’est vrai que la médecine est un sujet qui m’intéresse beaucoup parce que ça me rapproche de mon père aussi. Il m’a toujours dit que l’avenir de ce métier était compliqué parce qu’il trouvait que justement on ne prenait pas assez soin de l’hôpital. En fait, les conditions de travail étaient meilleures dans les années 70-80. Et, en effet, aujourd’hui, les hôpitaux publics se retrouvent dans des difficultés énormes.

  • L’intérêt d’Adam de Laura Wandel.
  • Avec : Léa Drucker, Anamaria Vartolomei, Laurent Capelluto.
  • En salles le 15 octobre 2025

Nino

Âgé de vingt-neuf ans, Nino (Théodore Pellerin) pensait être fatigué et souffrir d’un simple mal de gorge. Il apprend qu’il est atteint d’un cancer et doit commencer une chimiothérapie. Dans trois jours, il fera face à la grande épreuve. Rude journée. Nino a perdu ses clés. Le week-end risque de lui paraître interminable. Il rend visite à sa mère. Il traverse Paris. Comment annoncer l’impensable à ses proches ? Il n’arrive pas à se confier. L’annonce de sa maladie va bouleverser le regard qu’il porte sur les gens qui l’entourent, et bien sûr sur sa vie. S’inspirant d’un deuil familial, la réalisatrice Pauline Loquès signe un film lumineux sur un jeune homme malade. Un premier long métrage sensible, délicat, présenté à La Semaine de la Critique à Cannes, où Pauline Loquès capte l’élan de vie malgré la maladie. L’acteur québécois Théodore Pellerin interprète le rôle de Nino avec beaucoup de justesse. Rencontre.

Eventail.be – Comment avez-vous rencontré la réalisatrice Pauline Loquès ?
Théodore Pellerin – Elle ne me connaissait pas. Youna De Peretti, la directrice de casting avec qui j’avais déjà fait La dérive des continents de Lionel Baier (2022) lui a parlé de moi. En premier, il y a eu une rencontre avec l’écriture de Pauline que je trouvais fine, très juste. Puis, on s’est retrouvés pour l’audition, avec la bienveillance de Pauline, son amour, son écoute dans l’approche, le travail du personnage. Pauline m’a beaucoup guidé dans cette préparation. Elle m’a conseillé des lectures comme La Nausée (1938) de Sartre ou Un homme qui dort (1967) de Georges Perec, qui ont nourri ma compréhension du personnage.

Blue Monday Producties

– Ce qui vous a plu dans le personnage de Nino ?
Il m’a touché tout de suite par sa solitude, son errance, par son incapacité à dire, à parler, par le fait qu’il y a aussi, j’ai l’impression, beaucoup de choses qui sont restées non dites toute sa vie par rapport à son père. Donc la parole semble être un vrai défi pour lui. Pauline avait aussi en tête que Nino était un peu anesthésié, comme si l’énergie ne circulait pas bien dans son corps, mais, au fur et à mesure, il se réveille. Je trouvais intéressante l’idée que les personnages se touchent plus qu’ils ne se parlent. Finalement, cette déambulation dans un Paris écrasant, anonymisant, finalement, amène ce personnage-là à atterrir dans les sens, dans la vie.

Blue Monday Producties

– Nino a du mal à parler de son cancer. Comment l’expliquez-vous ?
Avant le début du film, je crois que Nino était un jeune homme très déconnecté, extrêmement seul qui semblait marcher vers la non-vie. Cette annonce-là, je pense, tombe comme une espèce d’ovni. Le personnage est un peu en dissociation. Il a une incapacité à ressentir cette mauvaise nouvelle, vraiment. Il lui est impossible aussi de dire ce qui lui arrive parce que ça le fait tanguer dans le réel. Il est un peu en dehors de la réalité. L’annonce d’un cancer force à ressentir les choses. Or, Nino s’est un peu coupé de ses émotions, quelque part. Forcé d’arpenter Paris pendant trois jours, il retrouve ses proches comme son meilleur ami, son ex et sa mère dans un tête-à-tête envoûtant. Il croise aussi une ancienne connaissance du collège et un inconnu dans les bains douches. Ces échanges déterminants, à touches imperceptibles, ramèneront Nino doucement du côté de la vie.

  • Nino, de Pauline Loquès.
  • Avec : Théodore Pellerin, Jeanne Balibar, William Lebghil, Salomé Dewaels.
  • Bayard du Meilleur scénario au 40e Festival International du Film Francophone de Namur.
  • En salles le 15 octobre 2025.

Photo de couverture : L’intérêt d’Adam, de Laura Wandel © Maxence Dedry

Alexandre Lacroix : « On devient écrivain par les autres »

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