• HLCÉ

Généalogie : Nicolas de Potter, l’art de relier les générations

Martin Boonen

09 October 2025

Et si la généalogie n’était pas qu’une science des noms et des dates, mais un fil vivant entre les générations ? Depuis plus de vingt ans, Nicolas de Potter retrace les trajectoires de ses ancêtres pour mieux comprendre les siennes. À travers ses recherches (qu’il couche dans son dernier ouvrage Généalogie de la famille Potter & Pottère), il interroge les mémoires familiales et le pouvoir de l’histoire quand elle suscite des questions autour d’une table, entre générations.

Il y a des livres qui dorment sur des étagères, et d’autres qui réveillent des mondes. En 2000, Nicolas de Potter (re)découvre Histoire généalogique des Potter au croissant et aux trois roses, publié en 1964 par la princesse Elisabeth de Merode, sa tante par alliance, avec la collaboration d’Hervé Douxchamps, figure majeure de la généalogie belge. Ce volume de 317 pages, désormais rare, établissait pour la première fois une vaste cartographie de la famille de Potter, ancienne lignée issue des Pays-Bas bourguignons au XIVe siècle, dont plusieurs branches s’illustrèrent en Flandre, en Artois et dans le Hainaut. Le dernier livre de Nicolas de Potter, Généalogie de la famille Potter & Pottère (2025, Edi-Pro), reprend, enrichit et actualise l’entreprise entamée en 1964 par Elisabeth de Merode. Mais ce livre n’est, au fond, que l’émanation visible d’une démarche plus profonde : comprendre d’où l’on vient pour mieux se situer dans le présent.

Eventail.be – Qu’est-ce qui vous a donné envie d’écrire ce livre ?
Nicolas de Potter – J’ai senti comme une sorte d’appel lorsque j’ai (re)lu le livre qu’Elisabeth de Merode et Hervé Douxchamps avaient consacré à l’histoire de la famille. C’était en 2000. J’ai redécouvert quelque chose que l’on n’évoquait pas facilement en famille alors : la décapitation de Liévin de Potter et l’exil d’une partie de la famille en Allemagne, fuyant les guerres de religion qui opposaient protestants et catholiques. Ça m’a donné envie de creuser, de chercher. Elisabeth de Merode et Hervé Douxchamps ont été assez discrets à ce sujet dans leur ouvrage : c’était alors considéré comme un épisode un peu honteux de l’histoire familiale. Dans les années soixante, on n’était pas si fier d’avoir des ancêtres protestant. Je pense que nous sommes, à notre époque, un peu plus ouverts à ces questions-là et j’avais envie de pouvoir expliquer, réexpliquer cette partie de l’histoire familiale à nos jeunes. Ce second livre est, en quelque sorte, la suite de celui d’Elisabeth de Merode.

Nicolas de Potter © DR

– L’histoire familiale, l’importance de la lignée, c’est quelque chose dont on vous parlait beaucoup dans votre enfance?
Oui, ma grand-mère, Claire Davignon, était très branchée généalogie, elle disait : “Tu as des racines à Verviers dans le textile. Il faut respecter les ancêtres, il faut en parler, il faut les étudier.” Ce sont des choses qui se font dans les vieilles familles. J’ai essayé de communiquer ça à mes enfants, mais je me rends compte que la jeunesse voit ça d’une autre manière que nous. Eux, ce qu’ils aiment, c’est la cartographie, les illustrations héraldiques, les images anciennes qui sont clairement décrites. Ils ont envie de voir des choses vivantes et parlantes. Il y a donc une sorte de rupture entre les générations et j’ai voulu combler le vide.

© DR

© DR

– Votre livre est, en effet, remarquablement illustré. C’était nécessaire pour capter l’attention d’autres générations ?
Oui, je me suis rendu compte que les livres de généalogie que j’avais tâché de transmettre auparavant, ils ne les lisaient pas, ils les mettaient de côté. Les longs tableaux généalogiques en noir et blanc n’attirent plus. En revanche, quand mes enfants ont vu des cartes anciennes, des blasons, des tableaux de famille, ils ont commencé à poser des questions. L’image provoque la parole. On me demande pourquoi tel blason, pourquoi telle œuvre d’art, pourquoi ce village. Et à chaque fois, cela ouvre sur un récit, un fragment de mémoire, un épisode de vie. L’iconographie aide à rendre le travail généalogique plus ludique et invite au partage.

© DR

– Toutes les familles entretiennent des mythes familiaux plus ou moins légendaires, difficiles à vérifier et rarement remis en question (parce que souvent à l’avantage du récit familial). Plonger dans l’histoire de sa famille et les racines de son arbre, c’est prendre le risque de mettre en péril ce récit bienveillant ou glorieux. Avez-vous vécu cette situation, et si oui, comment l’avez-vous géré ?
J’ai toujours eu à cœur de travailler avec des professionnels reconnus : chercheurs, scientifiques, historiens, héraldistes, généalogistes… Mon but, c’était d’avoir une démarche historique, et pas fantaisiste ou hagiographique. C’est la raison pour laquelle le livre comporte 200 ou 300 notes de bas de page qui citent mes sources. De cette manière, on se prémunit et se protège de la critique. D’autre part, les histoires de famille comportent toutes leurs parts d’ombre et de lumière. Remettre l’une et l’autre à leur juste place est une façon forte et saine de réconcilier les générations. Lorsque Hervé Douxchamps a recueilli la généalogie allemande en 1955, mes cousins avaient émigré depuis dix ans. Ce retour de Californie en 2025 et nos travaux conjoints furent un atout pour relier les branches catholique et protestante.

© DR

– Comment votre famille a-t-elle accueilli ce regard critique ?
Plutôt bien, étonnamment. J’ai reçu beaucoup de retours positifs, notamment de l’association familiale. Certains se demandaient pourquoi je “recommençais” le travail d’Elisabeth de Merode, qui faisait autorité. Mais au final, le livre a créé des ponts : nous partons prochainement en Allemagne avec des membres des quatre branches familiales. Ce projet, loin de raviver des tensions, a été l’occasion d’une réconciliation intergénérationnelle.

Sur la trace de son histoire familiale, même à vélo ! © DR

– En quoi est-ce important à notre époque, la généalogie ?
C’est une branche de l’histoire intéressante parce qu’elle connecte la grande histoire à la petite. Les grands conflits, les événements majeurs, quand on les apprend à l’école, peuvent avoir un côté abstrait, évanescent. En revanche, quand on les met en parallèle de la vie des grands-parents, des arrières-grands-parents, alors, d’un coup, ils s’ancrent plus facilement, ils se concrétisent en quelque sorte. C’est une voie royale vers la compréhension de l’histoire en général.

– Ce travail s’adresse-t-il d’abord à vos proches (enfants, parents, cousins) ou espérez-vous toucher un public plus large, au-delà du cercle familial ?
J’espère que ce livre dépassera les frontières familiales stricto sensu. Actuellement, avec mon éditeur, Edi Pro, nous avons relancé un tirage de mille exemplaires supplémentaires. Cette deuxième édition sera d’ailleurs traduite en 27 langues sur SoundCloud par Audible.fr à Paris. L’idéal, ce serait d’arriver à en tirer 3000 exemplaires. Cela ne m’effraie pas, une de mes précédentes publications, sur Armand de Potter, parue chez MacMillan et Lannoo, avait atteint les 25 000 copies. Une autre sur Louis de Potter avait aussi atteint les 3000 exemplaires. Mon dernier livre sera distribué en Belgique, évidemment, mais plus largement en Europe et même au Québec. J’en ai distribué 700 exemplaires à vélo les dernières semaines dans les bibliothèques, à Amiens, Arras, Douai, Valenciennes et Boulogne-sur-Mer. Dans toutes les villes où j’avais trouvé un ancêtre, j’ai offert un livre. Mais, je pense qu’un public non-institutionnel existe aussi. Les histoires de nos familles, ce sont les histoires de notre pays, de notre société, que l’on suit sur plusieurs siècles. Ces familles sont les témoins de l’évolution de la société.

Guillaume, nouveau grand-duc de Luxembourg

Chroniques royales

Le grand-duché a vécu trois jours intenses pour marquer l’intronisation du grand-duc Guillaume. Après son père, le grand-duc Jean, et sa grand-mère, la grande-duchesse Charlotte, le grand-duc Henri a décidé d’abdiquer en faveur de son fils aîné après 25 ans de bons et loyaux services. Il a donc annoncé ses intentions à la population, voici quelques mois et a nommé Guillaume Lieutenant-Général, dans l’attente de la transmission effective des prérogatives de chef d’état, un acte officiel qui s’est concrétisé ce vendredi.

Extra informatie

Livre

Généalogie de la famille Potter & Pottère

Auteur

Nicolas de Potter d’Indoye

Éditeur

Edi Pro

Sortie

Septembre 2025

Advertentie

Alle artikels

Advertentie

Alle artikels