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Noémie Lvovsky : « Il faudrait accepter que l’instinct maternel n’existe peut-être pas »

CinémaFilmInterview

Corinne Le Brun

19 November 2025

Dans le film d’Alice Douard, un couple de femmes est sur le point de voir naître son enfant. “Des preuves d’amour” part d’une situation médicale. Paris, 2014. Nadia (Monia Chokri) s’apprête à accoucher d’un bébé conçu par procréation médicale assistée (PMA). Sa compagne, Céline (Ella Rumpf) doit se lancer dans des démarches très longues pour adopter cet enfant. Au-delà de l’aspect quasi-documentaire, Alice Douard (césarisée pour son court « L’Attente » en 2024) signe un très beau premier film ce que cela fait d’être parent et la co-maternité, à la croisée de l’intime et du politique. Des doutes, des préjugés, des injonctions dont nous parle Noémie Lvovsky que nous avons rencontrée.

Le film s’ouvre sur une archive sonore du vote à l’Assemblée (en France) du « mariage pour tous » et montre, dans les détails, toutes les difficultés pour les « deuxièmes mères » à exister devant l’administration. Les deux compagnes doivent se marier, constituer un dossier avec photos de leur quotidien et une quinzaine de lettres de leurs proches. Céline et Nadia sont pionnières. L’avocate est formelle : il est important que les témoins soient variés et qu’ils comprennent des membres des deux familles. Céline se voit obligée de se rapprocher de sa mère, Marguerite (Noémie Lvovsky), pianiste célèbre qui ne s’est jamais occupée d’elle.

Eventail.be – Dans quelles circonstances avez-vous rencontré Alice Douard ?
Noémie Lvovsky- Le plus habituellement du monde, via mon agent. Puis, j’ai lu et beaucoup aimé le scénario. La rencontre avec Alice a été déterminante. Comme actrice, je vais sur un projet avant tout pour le réalisateur ou la réalisatrice, plus que pour l’histoire. Pourtant, c’est le premier film d’Alice, et je ne la connaissais pas. Mais j’ai senti tout de suite, et ça ne s’est pas démenti par la suite, qu’Alice est quelqu’un de très intelligent, très fin, qui regarde et qui écoute vraiment. Et puis j’avais trouvé dans le scénario la finesse, la délicatesse, l’intelligence et l’humour d’Alice dans la vie.

– Participer à un premier film vous séduit, ou vous arrête ?
J’aime travailler avec des gens qui font leur premier film. Parce que, d’abord, il y a un enjeu énorme pour eux, ils jouent leur tête. Après, peut-être qu’à chaque film, on joue sa tête, probablement plus encore pour un réalisateur ou une réalisatrice que pour un acteur ou une actrice. Un premier film est souvent très, très travaillé. Ce sont des années de travail. Je me mets à la place de la réalisatrice, ce que je suis également. Ceci dit, chaque film, que ce soit le premier, le dixième ou le quinzième, c’est souvent comme si c’était le premier. Cela n’a rien à voir avec un examen de passage. Il s’agit de cette histoire-là, à ce moment-là, ces personnages-là, ce désir-là de mettre en scène.

© DPA Photogramme

– Quel regard portez-vous sur la mère de Céline, que vous incarnez ?
D’abord, elle est totalement dévouée à son piano. Tout le reste passe après. Elle aime sa fille mais elle ne sait pas le lui dire et encore moins le lui montrer. Elle est toute maladroite. Et elle se sent coupable de l’enfance qu’elle a fait passer à sa fille. Pendant les tournées, la gamine était toute seule dans une chambre d’hôtel pendant que sa mère était ovationnée. Elle était avec sa mère dans le monde entier, mais comme une petite enfant suiveuse. J’étais vraiment plongée dans l’histoire d’amour entre Céline et Nadia et dans le rapport qu’il y a entre la mère et la fille, qui est tellement plein à la fois de délicatesse, de rancœur, de culpabilité. C’est très complexe et très profond. Parce qu’il y a aussi beaucoup d’amour entre elles.

– Dans beaucoup de vos films, vous jouez le rôle de mère
Maintenant, évidemment, à mon âge, on me propose plutôt des rôles de mère que de jeunes premières amoureuses de 16 ans. Je me suis offert un rôle de jeune fille dans Camille Redouble (2011) où je jouais les deux âges, 45 ans et 16 ans. C’était un bonheur. Dans Demain et tous les autres jours (2017) que j’ai réalisé, je joue la mère de ma fille de 9 ans. J’ai aussi incarné la maman de Félix Moati dans Si tu vois ma mère de Nathanaël Guedj (2020) et je viens d’interpréter la mère de Hakim Jemili dans Tout va super de Patrick Cassir (sortie à venir).

© DPA Photogramme

– La relation entre mère et enfant vous inspire ?
Ah oui ! Parce que la maternité, c’est tellement vaste, tellement riche, tellement complexe. Elle est tellement contradictoire aussi, à investiguer, à penser, à incarner. C’est passionnant car elle est faite de sentiments. Etre mère est un amour unique, je pense. Je me souviens qu’à la naissance de mon fils, je ne connaissais pas cet amour-là. Cette forme d’amour est autre que tous les amours qu’on a pu connaître avant. Est-ce qu’on peut aimer autant ? Est-ce qu’on en a le droit même ? Aimer autant n’est-il pas étouffant pour l’enfant ? N’y a-t-il pas aussi une part de détestation qu’on ne s’autorise pas, mais qui serait là ? Ce savoir aimer que je crois avoir existe-t-il ? On ne peut pas être une bonne mère, on peut être une moins mauvaise mère. Je pense que le fait d’avoir une mère pour un enfant, est quelque chose de tellement fou. C’est forcément un vertige de regarder sa mère, biologique j’entends, de se dire, mais je suis sorti de ce corps. Nous avons pu ressentir cela aussi avec notre propre mère. Sans parler de toutes les questions sociétales.

– L’injonction à être une bonne mère ?
En effet. Je ne pense pas que l’instinct maternel existe, comme si on était obligé d’aimer ses enfants. On l’est un peu, quand même. Mais, cependant, on n’est pas obligé d’avoir cet instinct maternel dont on nous rabat les oreilles. Il faudrait accepter qu’il n’existe peut-être pas.

– Que vous inspire la loi Taubira ?
Je vais enfoncer des portes ouvertes mais le déferlement de violence et de haine qu’il y a eu contre le projet de loi mariage pour tous et donc le mariage pour des personnes du même sexe, était ahurissant. Pour moi, il n’y avait même pas de discussion, pas de débat. Cela allait de soi. Je ne comprenais pas. Et après, j’ai appris, par Alice, d’ailleurs, que la loi demande à la personne du couple lesbien qui n’est pas enceinte, d’adopter son propre enfant et qu’il faut être marié pour pouvoir le faire. Un couple hétérosexuel marié, pacsé, ou en union libre n’a pas à adopter son propre enfant. Pourquoi un couple homosexuel aurait à le faire ? Je ne comprends pas. Heureusement, la loi a évolué.

Mélanie de Jamblinne de Meux

Le Luxembourg de Mélanie de Jamblinne de Meux

Voyage, Évasion & Escapade

Son environnement familial – des parents amateurs d’art qui l’ont emmenée dès l’enfance visiter de nombreux musées et expositions – a sans doute été une source d’inspiration sinon le terreau de sa vocation. Co-fondatrice des Young Friends of Museums, membre du conseil d’administration des Amis des Musées Luxembourg ainsi que de Lët’z Arles, qui décerne chaque année le Luxembourg Photography Award, un programme complet d’accompagnement des artistes lauréats, Mélanie de Jamblinne de Meux est depuis le mois de mars le nouveau visage de Luxembourg Art Week, la foire d’art contemporain de Luxembourg qui a lieu chaque année en fin novembre et qui réunit près de 18 000 visiteurs durant quatre jours.

Extra informatie

Film

Des preuves d’amour

Réalisation

Alice Douard

Distribution

Ella Rumpf, Monia Chokri, Noémie Lvovski

Sortie

En salles le 19 novembre 2025

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Suzanne Lindon, en femme libre au 19e siècle

Cinéma

Dans “La Venue de l’avenir”, Cédric Klapisch fait le récit d’une aventure familiale qui navigue entre aujourd’hui et le Paris du 19ème siècle. Il suit quatre cousins éloignés (Vincent Macaigne, Julia Piaton, Abraham Wapler, Zinedine Soualem) ayant hérité d’une vieille maison. Leurs recherches les conduisent à leur ancêtre Adèle (Suzanne Lindon). Celle-ci quitte la Normandie pour retrouver sa génitrice à Paris. Elle fait la connaissance de deux artistes en devenir (Paul Kirscher et Vassili Schneider). Suzanne Lindon habite avec une belle sincérité son personnage, dans le milieu artistique de la fin du 19ème siècle. Rencontre sur la Croisette.

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