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En direct de Cannes : Anatomie d’une Palme d’or

Corinne Le Brun

30 May 2023

Ruben Östlund récompense la Française Justine Triet et son polar sur fond d’un couple en crise

Dix jours de films. Dix jours d’émotions. Et une Palme d’or. Rien pour les deux documentaires Jeunesse du Chinois Wang Bing et Les filles d’Olfa de la Tunisienne Kaouther Ben Henia, toutefois Œil d’or du meilleur documentaire, en ex æquo avec le film La Mère de tous les mensonges de Asmae El Moudir.

Les Américains dont Wes Anderson repartent bredouille. Les Italiens Marc Bellocchio (L’Enlèvement), Nanni Moretti (Vers un avenir radieux), Alice Rohrwacher (La Chimère) sont les grands absents du palmarès. Che disgrazia ! Pas de troisième Palme d’or pour l’installé Ken Loach. Cette fois, Cannes honore une Française, Justine Triet pour Anatomie d’une chute. Une page se tourne. Une troisième palme au féminin en trente ans.

La 76e édition annonçait le retour des femmes. Six réalisatrices étaient en lice pour une Palme d’or, et onze femmes figuraient dans la sélection officielle dont Catherine Breillat pour L’été dernier et Catherine Corisini avec Le retour et Justine Triet

Justine Triet, une joie très politique

Au cours d’une cérémonie traditionnelle plutôt lisse et sans éclat, entrée en scène de Jane Fonda: « il faut célébrer le changement quand il se produit » proclame la star américaine très en forme alors qu’elle remet le trophée à la cinéaste française. Justine Triet profite du coup de projecteur pour terminer sur une note beaucoup plus politique, fustigeant avec virulence « les manières du gouvernement néo-libéral lors de la réforme des retraites, la marchandisation de la culture qui est en train de casser l’exception culturelle » et « un monde hostile où il est de moins en moins possible de rater et de recommencer.»

Anatomie d’une chute a plu tout de suite aux festivaliers. Beaucoup imaginaient Sandra Hüller repartir avec le Prix d’interprétation féminine. Le jury préfère récompenser un vrai film de procès, brillamment mené: une forme, un style, un sens. Une écrivaine à succès (Sandra Hüller) est accusée du meurtre de son compagnon, retrouvé mort au pied de la maison, le crâne explosé après une chute d’une fenêtre. Ou du balcon. L’absence de témoin sème le doute. Samuel s’est-il jeté ou Sandra l’a-t-il poussé ? Un an plus tard, Sandra se retrouve sur le banc des accusés et son fils assiste à l’audience. Commence la crue et cruelle autopsie d’un couple en crise.

Merve Dizdar © Piero Oliosi/Polaris

The zone of Interest, à côté de la Palme d’or

Le Prix d’interprétation féminine revient à la merveilleuse actrice turque Merve Dizdar, jeune professeure d’art revenue dans son village natal, dans le très beau Herbes sèches de Nuri Bilge Ceylan. À la veille du second tour des élections présidentielles en Turquie, l’actrice dédie son prix « aux femmes qui luttent », mentionnant au passage « savoir très bien ce qu’est d’être une femme de cette région du monde.» Julia Ducournau annonce, sous les auspices de l’immense cinéaste américain Roger Corman, bon pied, bon œil, le Grand prix à The Zone of Interest de Jonathan Glazer qu’on aurait bien vu récolter la Palme d’or.Le cinéaste britannique a du mal à cacher sa déception. Son quatrième long métrage glaçant adapte le roman de Martin Amis, consacré à Rudolf Höss, le commandant d’Auchwitz.

Jonathan Glazer © Piero Oliosi/Polaris

Le comédien japonais Kōji Yakusho reçoit des mains de Denis Ménochet, le prix d’interprétation masculine pour son rôle en tête d’affiche de Perfect Days, le nouveau Wim Wenders.

La cinéaste japonais Hirokazu Kore-eda, quant à lui, obtient le Prix du scénario, en l’absence du lauréat, Yuji Sakamoto. L’histoire du film porte sur un enfant victime de harcèlement dont le comportement soudainement différent interpelle puis inquiète sa mère. À défaut du réalisateur Aki Kaurismäki, ses comédiens des Feuilles mortes, une histoire d’amour tendre, caustique et mélancolique, reçoivent le Prix du jury. Twist and shout!, lance la comédienne finlandaise Alma Pöysti, ivre de joie. Le jury de la Caméra d’or récompense  “l’expérience sensorielle” de L’Arbre aux papillons d’or de Thien Am Pham, premier film du réalisateur vietnamien.

Hirokazu Kore-eda © Piero Oliosi/Polaris

Les Belges récompensés

Il n’y a pas que la Palme d’or et ses dauphins. “Un Certain regard” qui célèbre un cinéma d’auteur, attribue son prix à la fresque adolescente How to have sex, premier film de la Britannique Molly Manning Walker. Dans la même section, le premier long métrage de l’artiste belge Baloji, Augure, reçoit le Prix New Voice. Tandis que la première fiction de la Namuroise Paloma Sermon-Daï, Il pleut dans la maison, remporte le prix “French Touch” du Jury à la 62e Semaine de la Critique.

Comme à la fin d’une fête inoubliable, les festivaliers promettent de se revoir. Les grandes marques enlèvent leurs logos des plages, faisant réapparaître le bleu du bord de mer. Au lendemain de la Cérémonie, le Festival affiche encore un vif parfum de découvertes, d’émotions et de rêves éveillés. Comme le dit si bien Chiara Mastroianni, « Viva il cinema !»

Le grand-duc Henri honoré lors d'une fête nationale pas comme les autres

Chroniques royales

On l’avait prédit, cette fête nationale ne serait pas comme les autres. Et de fait, cette année jubilaire marquée par les 25 ans de règne du grand-duc Henri verra aussi son abdication programmée en octobre. Le souverain qui, voici peu, a passé le cap des 70 ans méritait bien quelques célébrations.

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En direct de Cannes : Kristen Stewart, Léa Drucker, Hafsia Herzi en haut des marche

Cinéma

L’un des films les plus attendus du Festival est “The Chronology of Water” (sélection Un certain regard), le premier long métrage réalisé par Kristen Stewart et produit par Ridley Scott himself. Le film, basé sur les mémoires du même nom de Lidia Yuknavitch (interprétée par Imogen Poots), suit Yuknavitch alors que sa carrière prometteuse déraille à cause de la drogue et de l’alcool. Elle finit par s’en sortir, devenant une écrivaine remarquée et collaborant avec Ken Kesey pour son roman « Caverns » ( Jim Belushi, parfait). Quasi expérimental, truffé d’images cérébrales et de réminiscences sonores, “The Chronology of Water” nous plonge dans les douleurs et des traumatismes indicibles.

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