Martin Boonen
17 December 2025
Le Théâtre de la Toison d’Or, qui célèbre ses trente ans d’existence cette saison, propose un spectacle de fin d’année résolument singulier. Love, Love, Love !, s’empare de la figure iconique de Barbara Cartland pour mieux en déconstruire les représentations. Cette écrivaine britannique prolifique, autrice de 723 romans traduits en trente-huit langues et vendus à plus d’un milliard d’exemplaires, a durablement marqué l’imaginaire collectif avec ses romances historiques victoriennes, peuplées de jeunes filles chastes et d’hommes virils.
La pièce est née d’une commande de Nathalie Uffner aux deux créateurs belges. Emmanuel Dell’Erba, comédien et metteur en scène, et Aurelio Mergola, artiste de théâtre visuel cofondateur de la compagnie Still Life, ont relevé le défi avec enthousiasme. “Avec Emmanuel, on aime tout ce qui est univers du ‘Cœur a ses raisons’, des films comme La mort vous va si bien, où les personnages sont vraiment dans une espèce d’excentricité, de surjeu”, confie Aurelio Mergola.
Si Barbara Cartland demeure une figure familière du paysage culturel, son influence dépasse largement la sphère littéraire. “Elle a quand même laissé des marques dans notre inconscient de l’amour, de la place de l’homme, de la place de la femme”, souligne Aurelio Mergola.
Mais que reste-t-il de cet édifice romanesque en 2025 ? Pour Emmanuel Dell’Erba, le constat est sans appel. “C’est complètement désuet. C’est une vision de l’amour tellement éculée et qui n’existe plus, que c’est une matière à jeu et à comédie superbe pour le TTO.” Ce décalage temporel transforme l’œuvre de Cartland en “matière à rire”, offrant aux créateurs un terrain idéal pour explorer les excès du sentimentalisme.
© LOU VERSCHUEREN
Le spectacle ne se contente pas de tourner en dérision l’esthétique flamboyante de la “Pink Lady”, il s’attaque à l’héritage idéologique d’une femme dont la portée politique reste méconnue. “En 2025, son esthétique paraît excentrique, un peu grotesque, presque drag queen. Mais, sur l’amour, sur la place de la femme, sur l’homosexualité, elle a une position assez rétrograde”, estime Emmanuel Dell’Erba. Les deux créateurs assument pleinement leur volonté critique. “On avait envie de l’écorcher au maximum et de pouvoir dénoncer chez elle tout ce qu’on n’aimait pas.”
Pour incarner ce personnage à multiples facettes, les metteurs en scène ont fait appel à Marie-Paule Kumps, qui “enfile la somptueuse toilette et les faux-cils de la Pink Lady”. La comédienne belge évolue dans une scénographie conçue par Charly Kleinermann et Florence Lecoq, qui plonge le spectateur dans l’espace mental de Barbara Cartland. Les costumes de Chandra Vellut et les lumières de Sébastien Mercial complètent ce dispositif.
Loin de Mrs Jenkins, la précédente création d’Emmanuel Dell’Erba, plus tendre, les deux metteurs en scène assument ici une approche au vitriol qui promet néanmoins un spectacle où “on veut que les gens sortent de là en ayant ri, en ayant eu plein les yeux” conclu Aurelio Mergola.
Photo de couverture : © LOU VERSCHUEREN
Pièce de théâtre
Love, Love, Love !
Dates
Du 11 décembre au 15 janvier 2026
Adresse
TTO Théâtre
396 – 398 Galeries de la Toison d’Or
1050 Ixelles
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