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Martin Boonen

28 September 2023

Cela faisait dix ans que Joseph d’Ursel travaillait dans l’agroalimentaire. De la grande multinationale à la startup, il en avait déjà beaucoup vu quand il décide de rejoindre le projet agricole familiale : une ferme mixte (élevage et culture) en agriculture extensive (qui repose sur des techniques respectueuses de l’environnement et qui ne cherche pas à augmenter la productivité à tout prix, par opposition à l’agriculture intensive, ndlr). “J’ai trouvé une formation adaptée à un public qui n’est pas du sérail et orientée bio et biodynamie : Landwijzer, à Gent ou Leuven. Je m’y suis formé pendant deux ans et demi, notamment à travers de nombreux stages pour apprendre sur le terrain. J’ai ensuite pu me lancer en reprenant à mon compte une partie de l’élevage familial” explique le jeune entrepreneur agricole.

Joseph d'Ursel, entrepreneur agricole et éleveur © DR

La ferme de Hex avait un élevage tout à fait classique de blanc bleu belge comme on en trouve partout dans notre pays. “Mon grand-père avait, à titre personnel, quelques Angus, dans des prairies, près de chez lui. Il les trouvait beaucoup plus jolies que les triple B.” se souvient Joseph d’Ursel. D’abord décorative, cette race bovine se révéla particulièrement adaptée à l’agriculture extensive défendue par la ferme. Alors en 2016, la famille de Joseph décide de se passer des blanc bleus pour se concentrer sur les vaches d’origine écossaise. Ils en agrandissent la taille pour le porter à septante mères reproductrices et ainsi continuer à gérer le cheptel de la façon la plus extensible possible.

Un nouveau modèle économique

Lors de ma formation, j’ai appris qu’en dessous de 150 ou 200 têtes de bétail, il est difficile de dégager de la rentabilité dans un modèle d’élevage pur et dur, il a donc fallu réfléchir à un nouveau modèle économique pour notre élevage.” Joseph d’Ursel ne le cache pas : abandonner l’élevage était une des solutions envisagées : “Cela aurait été très triste car conserver des animaux dans le paysage est très important pour conserver un terroir de qualité qui profite aux cultures, notamment pour fertiliser le sol.” D’autant plus que le ferme de Hex se trouve dans une situation particulière : un quart environs de la superficie de l’exploitation est constitué de prairies permanentes classées dans un parc Natura 2000 (Natura 2000 est un réseau de sites naturels ou semi-naturels de l’Union européenne protégé en raison de leur grande valeur patrimoniale, par la faune et la flore exceptionnelles qu’ils contiennent, ndlr). Pas question d’en faire ce qu’on veut donc. Maintenir un élevage semblait alors malgré tout la meilleure solution pour la ferme de Hex. Mais, pour persévérer dans cette philosophie d’agriculture extensive, comment générer du profit avec si peu d’animaux ? Le réponse de Joseph d’Ursel à cette équation sonne comme une évidence : se rapprocher du consommateur final et raccourcir le plus possible la chaîne de production, ou en tout cas, d’en englober la plus large partie. “De cette façon, détaille Joseph d’Ursel, nous prenons toute la valeur ajoutée possible sur la vente d’un animal. Depuis un an, nous faisons des colis de viande d’Angus de Hex. Cela nous permet d’une part, évidemment, de renouer avec la rentabilité, mais aussi, et ça me tient particulièrement à cœur, moi qui passe mes journées avec mes vaches, de veiller au bien-être animal (et par extension, au bien-être du consommateur) ainsi qu’à la préservation du climat.

Les pâtures d'Hex sont en partie classée Natura 2000 © Hex Angus

Une question d’alimentation

Le désastre écologique des élevages bovins réside essentiellement dans l’alimentation qui leur est réservée. Alors de ce constat, Joseph d’Ursel a fait son cheval de bataille : “Je fais la promesse à mes clients, et je suis intransigeant sur ce point, que mes vaches ne sont nourries qu’à l’herbe, et uniquement à l’herbe. Toute l’année, je fais en sorte d’avoir des pâtures les plus naturelles possibles, avec une grande variété de plantes dans les pâtures.” Dans les prairies de Hex on trouve en effet plusieurs espèces de graminés et de trèfle, du plantain, du pissenlit, du grateron, et même de la chicorée sauvage et du persil. ”Ce sont des pâtures que j’ai en partie ressemée et beaucoup d’entre-elles n’ont jamais été pulvérisées d’engrais chimique, ce qui a contribué à conserver une biodiversité exceptionnelle.” tient à préciser le jeune éleveur.

Évidemment, engraisser une vache à l’herbe, cela prend plus de temps qu’avec des céréales (il faut compter 1 ou 2 mois de plus, une éternité dans l’industrie intensive) mais elles sont aussi plus saines et tombent moins malades. Elles ne nécessitent donc pratiquement pas de soins ou de médicaments, notamment des antibiotiques. “Le label bio nous autorise des traitements antibiotiques uniquement s’ils sont curatifs. Mais, ici, en deux ans, nous n’en avons jamais eu besoin, témoigne Joseph d’Ursel. C’est quelque chose dont je suis très fier.

Les pâtures d'Hex sont en partie classée Natura 2000 © Hex Angus

Bien être animal et diététique

Un autre des grands principes de Hex Angus : ne jamais sevrer les veaux prématurément. “Mes veaux restent 8 mois au pis de leur mère. Les vaches vivent en troupeau et un maximum dehors. Et du coup, le fait qu’elles soient nourries à l’herbe les rend plus intéressantes diététiquement à consommer.” Le problème diététique de la viande rouge réside dans son important taux d’oméga 6, des acides aminés qui sont responsables du cholestérol et de problèmes cardiovasculaires. Or il a été prouvé qu’une vache nourrie seulement d’herbe a un taux d’oméga 3 beaucoup plus élevé, ce qui en fait, au contraire, une graisse assez essentielle. ”Le bien être animal rejoint toujours le bien être du consommateur.” assène, comme un prêche, Joseph d’Ursel.

Impact climatique… positif !

Outre l’alimentation en céréale, la production de méthane des élevages bovins est également une menace pour l’environnement. Or le lien entre la production de méthane par les bovins et leur alimentation est entendu depuis longtemps. Il se trouve qu’une vache nourrie à l’herbe plutôt qu’aux céréales émet beaucoup moins de méthane. Joseph d’Ursel explique : “en prairies, les vaches ont accès à de l’herbe, des arbres, des arbustes et des buissons… Cela couvre leurs besoins en minéraux et certaines essences sont antiparasitaires et contiennent des tanins qui vont vraiment neutraliser la production de méthane des vaches. Elles en produisent encore, évidemment, mais beaucoup moins.”

Le biodiversité des pâtures d'Hex profite à l'alimentation de leurs angus et donc à la qualité de leur viande mais réduit aussi leur impact sur l'environnement © Hex Angus

Pour garantir un accès quasi permanent de leurs vaches à l’herbe, Hex Angus a recours au pâturage dynamique (ou pâturage rationnel) : de cette façon l’herbe n’est jamais, ni sous-broutée, ni sur-broutée. “Cela nous garantit un renouvellement optimal de nos ressources en herbe et nos animaux ont donc un accès continu à de la jeune herbe, particulièrement intéressante en termes d’énergie et de protéine”. Cette régénération optimisée des pâtures à un autre avantage déterminant, pour la planète celui-ci : elle permet de séquestrer beaucoup plus de carbone dans le sol.

Un souci du végétal étonnant pour des éleveurs de vache à viande : “Nous avons à cœur de travailler avec la nature et pas de la contraindre, explique Joseph d’Ursel. Par exemple, on plante énormément de haie autour des pâtures pour recréer des barrières naturelles. Nous réfléchissons beaucoup en termes d’agro-foresterie aussi : nous plantons d’anciennes variétés de fruitiers dont les fruits nous servent à faire du jus et nous allons également planter des noyers pour presser de l’huile.

Un modèle décroissant ?

Alors que le modèle économique de Hex Angus commence à faire ses preuves, la question de la croissance de l’activité économique n’est pourtant pas à l’ordre du jour. “Actuellement, on dénombre dans notre élevage 55 mères allaitantes. Ce qui correspond plus ou moins à l’équivalent d’un animal et demi adulte par hectare. Dans notre modèle, c’est vraiment le maximum. Notamment sur la question de la régénération des pâtures sur lequel mon modèle est basé. Les bonnes années, ça va, mais les saisons plus sèches, avoir plus d’animaux pourrait être préjudiciable. Le cheptel idéal serait composé de 45 mères allaitantes, d’une vingtaine de vaches de 1 an, d’une vingtaine de vaches de 2 ans et d’une dernière vingtaine de vaches de 3 ans. Si mon modèle est en fait légèrement décroissant pour le moment, c’est principalement pour améliorer la qualité de la viande de nos animaux en leur garantissant une alimentation plus saine, variée et en quantité généreuse.” Une situation étonnante dans le monde de l’entrepreneuriat, mais qui n’est pas un problème pour Joseph d’Ursel, car les leviers de croissances sont ailleurs : “L’idée, c’est de reprendre l’activité de la ferme familiale dans sa globalité, pour renforcer les synergie et les économies d’échelle. Cela permettra à terme aussi de développer l’agritourisme en jouant sur l’image de la ferme, reconnue dans la région. L’élevage, c’était la première étape mais le projet final est beaucoup plus large.

Du bifteck d'angus aberdeen © DR/Shutterstock.com

Pour l’instant, Hex Angus distribue ses produits sous forme de colis à livrer : “Ils permettent d’écouler une grande diversité de morceaux de viande et pas seulement les parties les plus nobles. Une fois que nous aurons plus de roulement, nous serons prêts à travailler avec la restauration et les commerces locaux. Les pièces du puzzle sont en train de se mettre en place.” Et ce puzzle, si Joseph d’Ursel arrive a en rassembler toutes les pièces pourrait bien aboutir à une exploitation vertueuse et consciente qui réconcilie le bien être animal, celui du consommateur et les enjeux environnementaux.

© Domaine de Bruant

Gastronomie & Oenologie

Informations supplémentaires

Sur internet

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jdursel@gmail.com
+32 (0)472/67.04.89

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