Manok Dedoncker
27 October 2025
L’Éventail – Votre premier geste le matin ?
Hans Op de Beeck – Après la douche et le petit-déjeuner pour mon épouse, j’écris toujours : une fiction, une pièce ou une chanson. Les mots inaugurent ma journée avant que je rejoigne l’équipe aux ateliers. Je traite quelques messages, puis je fais le point sur l’avancement des sculptures. Ensuite, je m’installe à l’aquarelle ou je reprends une pièce en cours, dans la lumière douce du matin.
– Quelles sont les senteurs qui dominent chez vous ?
– Le bureau-bibliothèque, lumineux et végétalisé, embaume café, thé et bouquets frais. L’espace est à la fois chaleureux et studieux. La salle obscure voisine, feutrée et paisible, accueille des projections et des conférences. Les ateliers ont leurs parfums distincts : bois, peinture,colle, métal poli. L’ensemble respire une atmosphère délicate et inspirante.
Hans Op De Beeck Anderlecht Stijn De Cock 1057064
– Un objet, un talisman ?
– Aucun objet précis, sinon une tasse à café. Mais je porte un tatouage : un crâne entouré de lys sur la poitrine, un memento mori, présent au plus près du cœur, rappel discret et constant.
– Quels sons vous entourent ?
– En journée, un éclectisme musical choisi par l’équipe. La nuit, seul, j’écoute Bach ou Chopin, ou encore Chet Baker, Rickie Lee Jones et Lauryn Hill. La musique accompagne mes gestes et façonne un espace intime où la pensée circule librement.
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– Une influence cinématographique ?
– Les frères Coen pour leur ironie subtile, Lars von Trier pour sa noirceur radicale, David Lynch pour sa perception distordue du temps. Mon œuvre croise leur regard, sans imitation. J’ai réalisé une vingtaine de films, de la fresque muette à l’animation à l’aquarelle, une manière d’explorer la temporalité et l’espace intérieur avec intensité et précision.
– Pensée. Quelle idée revient ?
– La gratitude. Pouvoir créer, penser à mes enfants ou à ma mère m’émeut profondément. Chaque jour, c’est un privilège à mesurer et à savourer pleinement.
– Qui inviteriez-vous à dîner ?
– Philippe Van Snick, mon mentor disparu. Nous partagions des spaghettis aux crevettes grises, dans la simplicité qui reflétait son œuvre. Aujourd’hui encore, je crois porter quelque chose de sa manière singulière de voir le monde.
© Studio Hans Op de Beeck
– Si les murs pouvaient parler, que diraient-ils ?
– Ils témoigneraient de mes élans et de mes doutes, de mes nuits à peindre à l’aquarelle, de mes destructions et recommencements. Ils évoqueraient le succès du KMSKA : 250 000 visiteurs, une énergie collective qui nourrit le travail et stimule la création.
– Comment vos expositions se répondent-elles ?
– Chez Templon, certaines œuvres d’Anvers se découvrent autrement, dans une intimité renouvelée. J’y présente aussi le film Vanishing Point, réalisé à partir d’aquarelles et porté par la musique de Sam Vloemans. Chaque exposition ouvre un nouveau chapitre : en novembre, Vienne avec des œuvres cinétiques ; puis une grande installation éphémère in situ en Italie.
– Quelle est la question qu’on ne vous pose jamais ?
– On me demande rarement d’évoquer l’actualité. Pourtant mes œuvres traitent d’inégalités, d’exil, de pouvoir, toujours avec une distance poétique et sans ton pamphlétaire. Je préfère rester un compagnon de route pour le spectateur, pas voix surplombante. Aujourd’hui, indépendamment de mon œuvre, j’aimerais être interrogé sur les foyers de crise dans le monde.
Photo de couverture : Hans Op De Beeck © Lieven Geuns
Exposition
On vanishing
Dates
Du 13 septembre au 31 octobre 2025
Adresse
30 rue Beaubourg
75003 Paris, France
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