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Dans le Trentin, le retour en grâce d’un cépage historique : le schiava !

ItalieŒnologieVin

Martin Boonen

16 October 2025

Dans les vignobles escarpés du Trentin-Haut-Adige, là où l’Italie hésite entre ses racines latines et l’influence germanique de ses voisins, un cépage ancestral connaît une véritable résurrection : le schiava. Après des décennies de déclin face aux variétés internationales, ce cépage autochtone s’inscrit désormais au cœur d’une tendance mondiale qui redécouvre les vertus des vins rouges légers, rafraîchissants et élégants.

Le Trentin-Haut-Adige occupe une position géographique privilégiée sur le versant méridional des Alpes. Cette région de contrastes s’étend sur à peine 5 850 hectares de vignes (moins d’un pour cent de la superficie viticole italienne) mais produit annuellement 40 millions de bouteilles, dont 96% bénéficient de l’appellation DOC (“Denominazione di Origine Controllata“, l’équivalent de l’AOC, chez nous), proportion exceptionnelle témoignant d’une exigence qualitative méconnue.

© Mint Mediahouse

Les vignes s’accrochent aux pentes entre 200 et 1 000 mètres d’altitude, formant ces “montagnes de vin” caractéristiques de la région. La vallée de l’Adige constitue la porte d’entrée pour les courants d’air chaud méridionaux, tempérés par les vents réguliers comme l’Ora qui souffle chaque après-midi depuis le lac de Garde. Au nord, la chaîne alpine protège la province contre les courants froids, créant des conditions quasi idéales : étés chauds, hivers modérés, près de 1 946 heures d’ensoleillement annuelles et une amplitude thermique diurne considérable favorisant acidité élevée et arômes délicats.

La richesse géologique constitue le fondement de la diversité viticole de la région. Plus de 150 types de roches différents caractérisent les sols : porphyre rouge volcanique dans la vallée de l’Adige conférant aux blancs un caractère minéral distinctif (il faut voir les orgues basaltiques apparentes sur les versants exposés des sommets !), roches calcaires et dolomitiques au sud, sols de roche primaire au nord. Cette mosaïque explique pourquoi une vingtaine de cépages coexistent sur un territoire aussi restreint. Cette richesse géologique explique en partie pourquoi les vins de la région, tant en rouge qu’en blanc, se démarquent par une minéralité très pure qui les rend particulièrement digestes et agréables à boire.

© Mint Mediahouse

Le vignoble se caractérise par 4 800 vignerons cultivant ces 5 850 hectares, soit à peine 1,2 hectare par exploitant. Cette fragmentation reflète la tradition des exploitations familiales transmises de génération en génération. Depuis 2007, l’ensemble des acteurs (douze caves coopératives, trente-deux domaines privés et cent neuf vignerons indépendants) est réuni au sein du Consorzio Vini Alto Adige.

Le schiava, un cépage historique…

L’histoire du schiava remonte à l’époque médiévale, avec des mentions documentées dès 1370. L’étymologie révèle sa richesse historique : “schiava” (“esclave” en italien) fait référence au palissage où les vignes étaient attachées à des poteaux. En effet, les vignes de schiava poussent sur des pergolas en bois dressées sur les terrasses creusées sur les flancs escarpés des montagnes du Trentin. Ces structures permettent de faire circuler l’air entre les rangs, de réguler l’humidité (et donc de prévenir les maladies) et d’abriter les baies du soleil pour les protéger des excès de chaleur que notre époque connaît de plus en plus. D’étroits escaliers de pierres traversent les rangs de vignes en une pente vertigineuse et les relient entre eux. Pendant des siècles, le cépage représenta l’épine dorsale de la viticulture régionale. Jusqu’aux années 1970, il couvrait plus de 80% du vignoble. En 1941, le Santa Maddalena (vin emblématique élaboré principalement de schiava) fut même classé parmi les trois plus grands vins d’Italie, aux côtés du barolo et du barbaresco.

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À partir des années 1980, le cépage subit un déclin spectaculaire. Le tournant qualitatif assumé par l’appellation favorisa l’implantation de variétés internationales (pinot grigio, sauvignon blanc, chardonnay) considérées plus rentables. Les chiffres témoignent de l’effondrement : de 3 572 hectares en 1973 à seulement 467 hectares en 2024. Le schiava n’occupe plus que la huitième place parmi les cépages régionaux, reflétant la transformation d’un vignoble passé de 80% de rouges à 65% de blancs aujourd’hui.

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Le schiava se distingue par sa couleur rubis électrique, aux vibrantes notes de fruits rouges frais et acidulés (fraise, framboise, cerise…) ou florales (violette, rose). Il permet de produire des vins qui offrent des plaisirs immédiats, en prise directe avec le palais. En cela, c’est un proche cousin des gamays du Beaujolais.

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Depuis les années 2000, une nouvelle génération de vignerons a révolutionné la vinification : macération pelliculaire prolongée de deux à quatre semaines, fermentation à température contrôlée, élevage en grands fûts neutres pendant six à douze mois. La cave Girlan a démontré que certains millésimes des années 1970 demeurent magnifiques, prouvant que le schiava peut rivaliser avec les grands pinot noir de Bourgogne.

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Le cépage est vinifié sous plusieurs appellations. Le Santa Maddalena DOC Classico, sur les collines nord de Bolzano, demeure le plus prestigieux : assemblage de 85-95% schiava avec 4-15% lagrein, sur des sols morainiques sur porphyre, qui donnent les vins les plus structurés et complexes de ce cépage. Le Lago di Caldaro DOC Classico Superiore, bénéficiant de l’influence modératrice du lac, produit des vins subtils et gracieux élaborés à 100% schiava. Des cuvées comme le “Gschleier Alte Reben” de la Cantina Girlan, issu de vignes centenaires, ou le “Quintessenz Kalterersee Classico Superiore” de la Cantina Kaltern, ont rehaussé le prestige du cépage. Le domaine Manincor, avec sa cuvée “Seeperle”, ou encore la Kellerei St. Michael-Eppan, complètent ce renouveau qualitatif.

… mais bien dans son époque !

La renaissance du schiava s’inscrit dans un mouvement transformant profondément les habitudes de consommation. Dans les bars à vin internationaux, les “chillable reds” (rouges à rafraîchir) sont devenus l’un des mouvements les plus dynamiques du monde du vin. Loin des cabernet puissants des années 1990-2000, les consommateurs recherchent des rouges légers, juteux, rafraîchissants.

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Plusieurs facteurs convergents expliquent ce succès. Les Millennials et la Gen Z privilégient l’expérimentation, les régions non traditionnelles, les pratiques durables. Le mouvement vers la modération favorise les rouges légers. 53% des jeunes générations considèrent les vins à faible alcool (sous 13%) comme l’avenir. La polyvalence gastronomique constitue un autre atout : ces vins s’accordent avec poissons grillés, viandes blanches, cuisine asiatique, sans prétention ni formalité excessive. Le changement climatique contribue également : face à des températures élevées, les consommateurs recherchent naturellement des vins rafraîchissants.

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Aux côtés du schiava, plusieurs cépages incarnent cette tendance : le gamay du Beaujolais déjà évoqué, le pinot noir de climats frais, le frappato sicilien (qui un véritable boom), le pineau d’Aunis de Loire, les cépages jurassiens poulsard et trousseau, ou encore le zweigelt autrichien.

Un vin d’avenir ?

Après des décennies de déclin, le schiava bénéficie d’un contexte favorable inédit. Si une nouvelle génération redécouvre son profil raffiné et ancré dans le terroir, les défis demeurent cependant : ceux des prix des raisins encore faibles (1,50 à 3 euros le kilo), d’un système pergola exigeant en main-d’œuvre, et d’une image négative persistante auprès de certains consommateurs internationaux.

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Pourtant, les atouts sont considérables. Face au réchauffement climatique, la capacité du schiava à produire des vins élégants même dans des conditions plus chaudes, combinée au palissage en pergola protégeant les raisins de la surchauffe, en fait un cépage potentiellement résilient. Le tourisme œnologique se développe : l’Alto Adige Wine Summit, événement bisannuel majeur accueillant 87 participants de 11 pays en 2025, offre une vitrine internationale exceptionnelle avec visites de vignobles, dégustations de plus de 360 vins de 98 producteurs.

En octobre 2024, 86 Unités Géographiques Additionnelles (UGA) ont été officiellement reconnues, renforçant l’approche terroir et permettant d’identifier précisément l’origine des vins sur l’étiquette. Cette classification stricte (rendements réduits de 25% par rapport au DOC standard, raisins provenant à 100% de l’UGA désignée) valorise le travail des vignerons engagés dans la qualité.

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Le schiava incarne l’âme viticole millénaire du Trentin-Haut-Adige. De cépage dominant représentant 80% du vignoble dans les années 1970, il a failli disparaître. Aujourd’hui, il connaît une renaissance portée par des vignerons passionnés révélant son véritable potentiel : vins élégants, complexes, aptes au vieillissement, tout en conservant délicatesse et buvabilité caractéristiques. Le schiava rappelle qu’en matière de vin, légèreté n’est jamais synonyme de simplicité, et que l’élégance peut rivaliser avec la puissance.

Photo de couverture : © Mint Mediahouse

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