François Didisheim
28 October 2025
Pendant des décennies, la finance fut perçue comme un domaine d’hommes, dominé par la compétition, la prise de risque et la rapidité de décision. Les femmes, elles, furent souvent cantonnées à un rôle d’épargnantes prudentes, rarement d’investisseuses. Cette différence n’était pas une question de compétence, mais de socialisation. Dès leur plus jeune âge, les femmes sont encouragées à la prudence, rarement à la prise de risque. Cette culture de la réserve, couplée au syndrome de l’imposteur, a longtemps nourri une méfiance vis-à-vis des marchés financiers.
Résultat : une sous-représentation persistante. En Belgique, seuls 37% des particuliers investissent, et les hommes demeurent largement majoritaires. En France, les femmes ne représentent qu’un tiers des investisseurs actifs. Pourtant, cette absence n’est pas due à un manque de savoir, mais à un manque de confiance et de visibilité.
Les études montrent pourtant que lorsque les femmes investissent, elles obtiennent des résultats supérieurs à la moyenne. Une enquête de la société de gestion Fidelity révèle que leurs portefeuilles surperforment ceux des hommes de 0,4% par an, tandis qu’une étude de l’Université de Warwick établit cet écart à 1,8%.
Leur secret ? Une approche disciplinée et patiente, fondée sur le long terme et la diversification. Peu enclines aux paris impulsifs, elles évitent les excès de confiance qui font souvent trébucher les investisseurs plus téméraires. Leur stratégie repose sur la constance, la rigueur et la rationalité. Trois qualités qui, en finance, valent bien plus que l’instinct ou la précipitation.
Géraldine Weiss, de 'Grande Dame of Dividends', was in de jaren zestig toonaangevend voor vrouwen in de financiële wereld met haar dividendgerichte beleggingsstrategie. Als Amerikaans redactrice, adviseur en belegger was ze ook een bekend schrijfster. DR
Cette philosophie trouve un écho historique dans le parcours de Géraldine Weiss, pionnière américaine surnommée “la Grande Dame des dividendes“. Dans les années 1960, elle fit de l’investissement par dividendes un levier d’indépendance et de stabilité. À une époque où les femmes n’étaient guère admises à Wall Street, elle démontra qu’un raisonnement méthodique pouvait rivaliser (et souvent surpasser) la spéculation.
L’un des principaux défis reste celui de la confiance. Les femmes doutent davantage d’elles-mêmes lorsqu’il s’agit de placements, alors même qu’elles disposent souvent d’une meilleure discipline financière. Pour changer cette perception, il faut travailler sur trois leviers : l’éducation, l’inspiration et l’innovation.
L’éducation financière dès le plus jeune âge permet de normaliser la relation des femmes à l’investissement, de la rendre intuitive plutôt qu’intimidante. L’inspiration passe par des modèles visibles : entrepreneures, économistes ou conseillères qui incarnent une autre manière d’aborder la performance. Quant à l’innovation, elle consiste à concevoir des produits d’investissement plus inclusifs, lisibles et adaptés aux besoins concrets des clientes. Un enjeu sur lequel les institutions financières commencent à se mobiliser.
La prudence féminine, souvent perçue comme une réserve, devient aujourd’hui un modèle de stratégie durable. Dans un contexte marqué par l’incertitude et la volatilité, investir avec patience et discernement n’est plus une faiblesse, mais une force. Comme le rappelle un adage revisité, il n’est pas nécessaire d’être le plus rapide pour gagner la course : « même une tortue qui avance avec constance finit par dépasser le lièvre pressé ». Au-delà des rendements, la réussite féminine en finance redonne à l’investissement ses lettres de noblesse : une démarche rationnelle, éthique et tournée vers le long terme. Et si, finalement, la véritable modernité financière consistait à investir… avec sagesse ?
Article inspiré par la newsletter de Lobby du 24 octobre 2025 écrite par Françoise Wallyn et François Didisheim, fondateur de Lobby. Retrouvez la revue des cercles du pouvoir, ici
Advertentie
Advertentie