En nous racontant l’histoire du peintre Amedeo Modigliani et de son marchand, Paul Guillaume, c’est tout un pan de l’histoire de l’art moderne que nous dévoile cette exposition ; l’époque âpre mais glorieuse du Montmartre et du Montparnasse des avant-gardes où les marchands louaient des ateliers aux artistes qu’ils soutenaient et faisaient sortir de l’ombre…

C’est huit ans après son arrivée à Paris, peu après avoir abandonné la pratique de la sculpture initiée après sa rencontre avec Brancusi, que le peintre italien, figure de la bohème parisienne, fait la connaissance de son futur protecteur. Nous sommes en 1914. Atteint de tuberculose, Modigliani mourra six ans plus tard, à l’âge de trente-cinq ans. Entre-temps, l’infortuné produit frénétiquement plusieurs centaines de tableaux et de nombreux dessins consacrés à la seule figure humaine. Une production prolifique qui ne sera pas sans poser des problèmes d’authentification… D’autant que la patte très “stylisée” de l’artiste en faisait une proie facile pour les faussaires…

Amateur d’“art nègre” et d’art moderne, n’hésitant pas à exposer des inconnus dans sa galerie du Faubourg-Saint-Honoré, Paul Guillaume sera représenté à l’âge de vingt-trois ans par Modigliani (qui réalise quatre portraits de son mécène) comme le “Novo Pilota”, le pilote visionnaire de l’avant-garde. Avant-gardiste, Paul Guillaume le fut, en effet, par sa vision “inclusive” des arts. Il fut “l’un des rares marchands de son époque à considérer les statues et masques africains comme des œuvres d’art, ainsi que l’un des premiers à les exposer aux côtés d’œuvres d’art moderne européen”, expliquent les commissaires de l’exposition. C’est d’ailleurs ce qui le conduira à acquérir les têtes en pierre ou en marbre très “primitivistes” de Modigliani, alors même que l’artiste avait abandonné la sculpture.

Puisant aux sources du classicisme, notamment chez les maîtres du Trecento et du Quattrocento italien (Bellini, Carpaccio…) sa quête de la ligne pure et du dépouillement, rejetant le “formalisme désincarné” du cubisme, Modigliani, comme son marchand, croyaient au mariage de la tradition et de la modernité.

En couverture : Amedeo Modigliani, Elvire assise, accoudée à une table, 1919, huile sur toile, 92,7 × 60,5 cm © Image Courtesy of the Saint Louis Art Museum