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Rédaction

23 April 2018

© DR

J'ai eu la chance d'assister à la première édition en 1999 et depuis lors je n'aurais manqué pour rien au monde cette rencontre annuelle en terre frioulane. En fait, le succès d'Udine s'explique aisément. Les grands festivals (Cannes, Berlin, Venise) présentent depuis longtemps des films asiatiques, mais il s'agit toujours de films d'auteurs - assurément remarquables, mais représentatifs d'une partie seulement de l'immense production qu'on peut observer là-bas. Ici, l'idée de base est de couvrir tous les genres sans aucun parti pris. Autrement dit, de nous faire découvrir un cinéma authentiquement populaire : science-fiction, récits policiers, arts martiaux, romances pour teenagers, histoires de fantômes, comédies, satires sociales, évocations historiques...

 
© Paolo Jacob

Populaire, le Festival d'Udine l'est aussi dans son rapport avec le public. Ici, pas de barrières ni de préséances. Après une projection, les spectateurs peuvent rencontrer les metteurs en scène, les producteurs, les interprètes, et leur poser des questions sans passer par des attaché(e)s de presse ou des intermédiaires. J'avoue que ce côté familier, bon enfant, est également pour moi, qui ai pratiqué bien des grand-messes cinématographiques, une des séductions du FEFF (Far East Film Festival).

Le programme de cette 20e édition est plutôt gargantuesque : un total de 81 films, parmi lesquels 55 sont en compétition (autre détail important : il n'y a pas de jury, c'est le public qui choisit ses préférés en déposant un bulletin dans des urnes placées à la sortie de la salle). Une fois de plus, trois pays dominent par le nombre de leurs longs métrages : Corée du Sud (14), Japon (10), Chine continentale (10).


Le film d'ouverture, Steel Rain, projeté vendredi soir, se situe en pleine actualité. Cette production sud-coréenne à gros budget nous plonge dans la politique-fiction en imaginant qu'en Corée du Nord un complot militaire tente de renverser le leader suprême pour s'emparer du pouvoir... Je vous passe les développements du scénario (d'ailleurs fort habile) car bientôt nous sommes au bord d'une troisième guerre mondiale qui implique les deux Corée, le Japon et les Etats-Unis ! Les scènes de combat sont impressionnantes, les interprètes tout à fait crédibles et le suspense est maintenu jusqu'au bout.

 
© DR

Alors, me direz-vous, quand verrons-nous Steel Rain sur nos écrans ? Hélas, je me vois obligé de vous décevoir. Car ce film qui a été financé entièrement par Netflix ne passera que sur les petits écrans des abonnés à la plate-forme en question. La diffusion en salles est réservée à la Corée du Sud (et encore - sait-on jamais - à condition que le voisin du Nord ne manifeste pas sa mauvaise humeur en découvrant que leur N°1 a été kidnappé!). Nous sommes là dans une problématique qui avait déjà agité le Festival de Cannes l'an dernier : une production Netflix est par contrat destinée aux seuls abonnés et ne peut donc apparaître dans les salles de cinéma.


Traditionnellement, le Festival d'Udine rend également hommage à des personnalités illustres du cinéma asiatique. Cette année, à la manière des honneurs décernés à Hollywood lors des Academy Awards, un « Lifetime Achievement » salue la comédienne Brigitte Lin, née à Taipei en 1954. Propulsée sur des plateaux de tournage dès l'âge de 17 ans, l'actrice a connu un tel succès à la fin des années 1970 qu'il lui arrivait de tourner à Hong Kong six films à la fois.

 
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En Europe, sa célébrité repose surtout sur le film de Wong Kar-wai (le futur auteur de In the Mood for Love) Chungking Express (1994). Elle y incarnait une frénétique dealeuse de drogue qui, avec sa perruque blonde et ses grandes lunettes noires, évoquait des héroïnes du style de Jean Seberg dans A bout de souffle. Brigitte Lin, avec qui nous avons eu l'occasion de bavarder hier soir, a mis fin à sa carrière au début du 21e siècle. La récompense qu'on vient de lui décerner salue à juste titre sa contribution au cinéma asiatique.


Cette 20e édition du festival présente un nombre particulièrement élevé de premières œuvres. C'était le cas dimanche avec la présentation de Dear Ex, un film cosigné par Hsu Chih-yen et la romancière Mag Hsu. À la différence des productions du continent et de Hong Kong, qui misent beaucoup sur l'aspect visuel et les épisodes spectaculaires, le cinéma de Taiwan se définit davantage par un côté intimiste qui a trouvé son illustration parfaite dans les œuvres de Hou Hsiao-hsien (à mon goût un des cinéastes les plus inspirés des conquante dernières années). Dear Ex se présente comme un drame familial situé dans le milieu de la classe moyenne.

 
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Après la mort de son mari, la veuve et son jeune fils apprennent avec stupeur que le défunt a fait inscrire son amant comme bénéficiaire de son assurance-vie. La découverte de cette homosexualité cachée provoque un choc émotionnel que les deux protagonistes devront gérer avant d'atteindre progressivement à une sorte d'acceptation. Si les réactions de l'épouse m'ont paru par moments un peu stéréotypées, la psychologie du jeune garçon est montrée avec finesse et sensibilité, ce qui me donne à penser que les auteurs de ce film nous donneront à l'avenir des œuvres centrées encore davantage sur une exploration plus fouillée des sentiments amoureux.

Bernard Réquichot, « Episode de la guerre des nerfs », 1957

Arts & Culture

France, Paris

Du 03/04/2024 au 02/09/2024

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