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Christophe Vachaudez

24 January 2020

© DR

Si certains voient en lui un chef d'état absolutiste, d'autres ont analysé avec plus de finesse la politique d'un homme qui a hérité d'un pays en bien mauvais état et un retour en arrière n'est pas inutile. En fait, l'ouverture du pays ne date pas d'hier puisque le Sultan Saïd Bin Sultan, un visionnaire, avait signé le 21 septembre 1833 un traité avec les Etats-Unis, conférant à Oman le rang de puissance internationale. En 1839, il persévérait, nouant des relations diplomatiques avec la reine Victoria et, en 1844, avec le roi Louis-Philippe. Cependant, quand le sultan meurt, la situation va rapidement se dégrader et Oman comme Zanzibar doivent résister aux convoitises conjointes de l'Allemagne et de la Grande-Bretagne. Zanzibar se détachera du sultanat en 1856 lors de lun problème de succession.

Le cerceuil du sultan Quabus bin Saïd, sultan d'Oman
© DR

Asassinats, guerre civile, soulèvements religieux et rivalité entre puissances européennes vont miner toute la deuxième moitié du XIXe siècle. Au sultan Taimour bin Faisal bin Turbi succède son fils Said bin Timour, un obscurantiste qui règnera sur Oman entre 1932 à 1970. Reclus dans ses palais de Mascate et de Salalah dans la province du Dhofar, il redoutait que les valeurs pernicieuses et décadentes de l'Occident ne contaminent la population. Pourtant, il n'hésite pas à signer, en 1951, un nouveau traité d'amitié avec la Grande-Bretagne qui va intervenir plusieurs fois pour l'aider à se débarrasser des partisans ibadistes dissidents, des tribus rebelles et de la guérilla du Dhofar. Ayant hérité d'un pays très endetté, il consent aussi à traiter avec les pétroliers occidentaux qui découvrent un premier gisement d'or noir en 1967. Toutefois, le sultan, plutôt que d'en faire bénéficier la population, entasse jalousement les dividendes de cette exploitation florissante. Conclusion, le bilan du règne se résume à dix kilomètres de routes goudronnées et à trois écoles primaires !

Portrait du sultant Quabus bin Saïd, sultan d'Oman
© Pool/Empics Entertainment/Photo News

Curieusement, le souverain n'a cessé de légiférer et ses décisions tiennent un peu d'un inventaire à la Prévert : il interdit les fourneaux à pétrole, les cinémas, les journaux, l'installation de toilettes dans les maisons anciennes, la construction de maisons neuves, la réfection de maisons qui s'écroulent, la possession d'ombrelles, le port des lunettes noires (propres, selon lui, aux espions !) et l'écoute des radios étrangères. Á cette époque, Mascate vit comme au Moyen Age. Les portes de la ville sont fermées. Le monarque signe lui-même chaque autorisation d'achat d'une voiture et interdit aux enfants de suivre des études à l'étranger sous peine d'être jeté au cachot. Les Omanais s'enfuient alors en masse à l'étranger.

Une prise de pouvoir providentielle

En 1970, le gouvernement de Londres décide d'agir. La fameuse académie militaire de Sandhurst avait accueilli pendant deux ans le fils du sultan, Qabus. Á son retour, suivant sa logique, son père le met aux arrêts ! Le 24 juillet, le sultan Saïd est volontairement blessé aux jambes et embarqué manu militari dans un appareil de la Royal Air Force à destination de Londres. La version officielle raconte plus pudiquement qu'il abdique à cette date après trente huit ans de règne et a décidé de vivre au Royaume-Uni. Il y meurt en 1972.

C'est en ces circonstances que Qabus accède au pouvoir. Une nouvelle ère commence avec le douzième souverain de la dynastie des Bou Saïdes. Âgé de 31 ans, le sultan est le pur produit d'une double culture qui mêle l'éducation britannique et la tradition musulmane. Il doit maintenant faire face à un État totalement dépourvu d'infrastructures modernes et rien ne pourra être accompli sans, au préalable, rétablir la paix et la sécurité intérieure.

Quabus bin Saïd, sultan d'Oman accompagné de la reine Elizabeth II d'Angleterre et du duc d'Edimbourg
© Pool/Empics Entertainment/Photo News

En 1970, il obtient la reconnaissance de l'État Omanais et adhère un an plus tard à la Ligue arabe. Dès son entrée en fonction, Qabus offre l'amnistie générale aux rebelles du Dhofar mais cela ne suffit pas et il doit recourir à l'assistance militaire de la Grande-Bretagne et de l'Iran pour juguler la guerre civile qui se termine enfin le 11 décembre 1975. La stabilité politique retrouvée, le Sultan va s'attacher à développer le réseau routier et à fournir en eau et en électricité les villages les plus reculés. Il se consacrera ensuite aux services de santé puis à l'éducation avec la construction de plus de mille écoles. En 1986, l'Université Sultan Qabus et ses sept facultés ouvre ses portes.

Cette politique a pu être poursuivie grâce aux revenus générés par l'or noir même si Oman est loin d'être parmi les premiers pays producteurs et a toujours refusé de faire partie de l'O.P.E.P. Quand les réserves diminueront, le Sultan pourra toujours compter sur ses immenses réserves de gaz naturel. S'il a basé sa politique extérieur sur un rapprochement avec les nations voisines, il a axé le volet économique sur l'industrialisation du pays, la diversification et la promotion du secteur privé et du tourisme. Le plan Vision 2020 prévoit ainsi d'exploiter le littoral omanais avec l'ouverture de dix-huit projets touristiques. Compte tenu de sa situation à l'entrée du Golfe Persique, il est impératif que le Sultanat consacre un budget important aux Forces Armées qui comprennent 200.000 hommes sur une population de 2.600.000 âmes.

Quabus bin Saïd, sultan d'Oman sur son trône d'or 

© DR

Un sultan au service de son pays

Le Sultan a également dû se préoccuper du problème de l'eau, une denrée très rare à Oman, faisant installer et mettre en service, en 2007, dans le port de Sohar une usine électrique de dessalement d'eau de mer. La production quotidienne atteint les 150.000 m3, soit l'alimentation d'un demi-million de personnes, un cinquième de la population. Le Sultanat d'Oman est aujourd'hui une monarchie islamique adhérant à la confession Ibadite, soit soit un islam plutôt modéré. Toutefois, si on rencontre dans l'arrière-pays des omanaises au visage dissimulé sous un masque de cuir pailleté, le régime ne pratique aucune ségrégation à l'égard des femmes encouragées à faire des études ou à entrer dans l'administration (elles sont dans la police depuis longtemps et viennent d'intégrer la cavalerie royale). D'ailleurs, il y a même une femme ministre dans le gouvernement.

Haïtham Al Tariq, successeur et cousin du sultan Quabus bin Saïd
Haitham Al Tariq, le successeur et cousin du sultan Quabus bin Saïd © DR 

Ainsi, le sultan Ainsi, le sultan a montré que l'Ibadisme pouvait être un courant ouvert et tolérant ! ! De cet homme mystérieux, on sait peu de choses sinon qu'il a assuré la prospérité de son pays, qu'il est très attaché aux beautés naturelles, qu'il s'intéresse à la protection de l'environnement, du patrimoine historique, culturel et architectural mais aussi à l'histoire militaire, aux sciences politiques et à la musique. Le Sultan joue d'ailleurs lui-même du luth, instrument traditionnel omanais, et a composé plusieurs œuvres pour solo ou orchestre. Il apprécierait beaucoup l'opéra et la musique classique occidentale avec une préférence pour Mozart, Brahms, Haydn et Bach. Enfin, sa passion pour les chevaux n'est un secret pour personne et sa cavalerie est l'une des plus prestigieuses au monde. Par certains aspects, le sultan Qabus apparait comme un vrai prince des Mille et Une Nuits, un souverain qui a consacré sa vie à Oman. Son cousin Haitham Al Tariq a été désigné comme son successeur avec l'espoir que la politique forte mais éclairée du Sultan sera poursuivie dans la stabilité. Oman avait joué un rôle significatif en servant d'intermédiaire entre l'Iran et les États-Unis voici quelques années.

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