Basquiat x Warhol : duo de choc

L’exposition donne également à voir des œuvres individuelles, ainsi qu’un ensemble de travaux d’autres personnalités de la scène artistique du downtown new-yorkais des années 1980. C’est en 1982 que le galeriste Bruno Bischofberger présente Jean-Michel Basquiat à Andy Warhol, immédiatement ébloui par la fulgurance du jeune graffeur baptisé un an plus tôt “l’enfant radieux” par le magazine Artforum. C’est aussi à l’initiative de Bischofberger qu’auront lieu les “collaborations” dans le contexte new-yorkais des projets collaboratifs entre plasticiens, musiciens et autres agitateurs inspirés.

Évoquant quelque peu les “cadavres exquis” des surréalistes par leurs associations incongrues et leur disharmonie (plus criarde, ici), ces tableaux composés à quatre ou six mains donnent à voir “une écriture polyphonique complètement singulière”⁽¹⁾, mêlant sérigraphie, peinture, biffure et collage. “S’y croisent deux esthétiques – et parfois trois, lorsque Francesco Clemente vient compléter la partie et enluminer de son trait onirique les déluges de motifs et de signes, de masques, de visages et de symboles… : celle, policée, de la “Pop star” et celle, rageuse, de “l’enfant sauvage”. Deux esthétiques qui s’interpénètreront au gré de leurs échanges – qui parfois tournent à la joute.

Une “conversation” (selon le terme de Keith Haring) qui dura deux ans et demi (entre 1983 et 1985) et qui, comme le montrent les œuvres exposées, repose sur un processus complexe d’appropriation et de défiguration. Ainsi, Basquiat, qui s’empare avec voracité des logos et autres idoles Pop pour les brouiller et les enluminer, leur adjoindre sa propre imagerie, finira-t-il par adopter la sérigraphie, tandis que Warhol osera délaisser la rigueur froide de cette dernière pour reprendre les pinceaux… De cette collaboration, véritable fusion de glamour et de primitivisme, résultera “une explosion de couleurs et d’énergie”⁽²⁾.

^{(1) Suzanne Pagé (directrice artistique de la Fondation Louis Vuitton) dans le catalogue de l’exposition.
(2) Nick Rhodes, claviériste du groupe Duran Duran, ami des deux artistes, cité par Dieter Buchhart, commissaire de l’exposition, dans le catalogue.}

En couverture : Jean-Michel Basquiat et Andy Warhol, Collaboration No. 19, 1984-85 © Estate of Jean-Michel Basquiat Licensed by Artestar, New York © The Andy Warhol Foundation for the Visual Arts, Inc. / ADAGP, Paris 2022