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Dans la Cour des Grands : Juan Carlos, Mémoires pour l’Histoire

Dans la Cour des GrandsGotha

Thomas de Bergeyck

04 December 2025

C’est du jamais vu dans l’histoire des monarchies modernes : un souverain qui se penche sur son passé pour raconter sa propre vie, décrire son règne et y apporter les modifications nécessaires afin de corriger l’inconscient collectif. Juan Carlos fait œuvre d’historien, mais pas seulement. Il s’est révélé, dans son style et avec l’aide de Laurence Debray, un auteur très contemporain. Des mots simples, pas ou peu d’emphases et d’envolées historiques. Le roi déchu est factuel. Précis. Pétri d’humour plutôt que de fierté mal placée. Il est lui-même. “Réconciliation” où le récit d’un pécheur qui confesserait ses errances. À demi-mot …

Le livre est une brique. Mais l’épaisseur ne doit pas effrayer. On y retrouve tout ce qui a fait le quotidien de cet homme né pour succéder à son père, le vrai héritier des Bourbon, Don Juan. Mais nous sommes en 1975, et l’Espagne est encore une dictature. Francisco Franco dirige la nation d’une main de fer, et disons que la démocratie n’est pas vraiment sa marotte. Pourtant, il va choisir de laisser sa place à un roi, rétablissant ainsi la monarchie qu’il avait écrasée sous ses griffes. Cela dit, pas question de laisser le présomptif s’emparer des pleins pouvoir. Entre Franco et Don Juan, c’est la guerre. Il va alors former son fils, Juan Carlos. L’ex-souverain raconte qu’il avait demandé au Caudillo de son vivant pourquoi il ne voulait pas renouer avec un régime démocratique. “Vous le ferez, moi je ne le peux pas, avait-il alors répondu à Juan Carlos. Je vous demande juste de garder le pays uni.” Franco savait qu’après lui, rien ne serait plus comme avant. C’est donc armé de cette mission que le jeune Roi entame son règne, écrivant une Constitution. Sa plus grande fierté. Elle trônera des années dans son bureau boisé de la Zarzuela.

© Photo News

Évidemment, le livre est avant tout un autosatisfecit. Le Roi revient sur ses grandes œuvres. Il y a eu son intervention en 81 alors que l’assemblée générale était aux prises avec un groupe armé prêt à faire un coup d’état. Il raconte l’ouverture du pays au monde, l’exposition universelle, les victoires diplomatiques et sportives. Juan Carlos entend bien rappeler qu’il n’est pas seulement l’homme aux mille scandales.

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Mais à côté de cela, il rétablit aussi certaines vérités. Le Botswana d’abord, cette chasse à l’éléphant sur invitation d’un ami, à laquelle assistait aussi une ancienne relation, Corinna Zu Sayn-Wittgenstein qu’il ne nommera pas tant il semble en penser du mal. Il admet s’être fait piéger. Il regrette avoir eu ce coup de foudre pour la jolie blonde. Sa hanche cassée ? Une bête chute en entrant dans une tente avec un rebord de toile sous la porte ! Regretter, un mot qui lui colle à la conscience comme un pansement qui ne se décollerait jamais. Regrets d’avoir fait souffrir sa famille, son épouse aussi et d’ailleurs, dans Réconciliation on se rend compte à quel point il tient à cette femme, princesse de Grèce devenue reine d’Espagne et qui jamais ne l’a abandonné.

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Certes, ce couple vivait chacun sa vie, mais chaque retrouvaille en famille était essentielle, chaque moment passé à ses côtés durant les événements officiels lui remontait le moral. “Sofi” comme il l’appelle est encore, aujourd’hui, la femme de sa vie. Il regrette d’ailleurs qu’elle ne vienne pas le voir dans sa retraite orientale, sous le soleil d’Abu Dhabi. Tout comme son fils Felipe, dont la fonction royale semble avoir éclipsé tout le reste. Juan Carlos le reconnait d’ailleurs : il y a le Roi, qui a écarté son père pour éviter davantage de scandales. Et le fils, semble-t-il attaché à son patriarche. Mais vous lirez souvent que ses petits-enfants lui manquent, qu’il aimerait retourner au pays et y mourir. Même s’il déclare à Stéphane Bern, dans une interview télévisée assez prodigieuse diffusée fin novembre, qu’il se sent très bien à Abu Dhabi.

Cet ouvrage est touchant, et il nous rappelle à quel point la royauté est un don de soi, un sacerdoce. Et dans cette destinée écrite, allez donc vous façonner une vie. Il y aura forcément des essais et erreurs. Réconciliation c’est le récit d’un être faible, fragile, sensible mais extrêmement honnête, qui aura juste tenté d’être un homme bien.

Photo de couverture : © Photo News

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