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Mikael Zikos

16 February 2023

© Frank Lloyd Wright

L’app La Joconde en VR est la première expérience de réalité virtuelle conçue par le musée du Louvre. © DR

L’app La Joconde en VR est la première expérience de réalité virtuelle conçue par le musée du Louvre. © DR

Durant la pandémie de Covid-19, la fréquentation numérique des institutions culturelles s’est embrasée. Le site du musée du Louvre a “accueilli” dix millions de visiteurs pendant le premier confinement, soit près de l’équivalent de son audience physique annuelle. Loin est le temps où le digital se trouvait relégué au second plan du développement d’une marque, aussi culturelle soit-elle. Pour preuve, depuis 2020, la Joconde de Léonard de Vinci peut s’observer sous le spectre de la réalité virtuelle via les outils numériques du célèbre musée.

Les premières décennies digitales

À la suite des premières interventions informatiques dans les sciences, à des fins d’analyse, certains musées numérisent leurs collections. Les premiers sites remontent au Web 1.0, dans les années 1990. À cet instant, le potentiel du marché du ludo-éducatif intéresse notamment l’établissement public français de la Réunion des musées nationaux en France. Celui-ci se lie avec un éditeur de jeux vidéo pour produire des logiciels offrant d’explorer des univers en 3D de la Chine et l’Égypte antique fidèles à l’histoire.

Quant à la création artistique, le numérique s’y est frotté de toute part, bien avant que le cinétisme (introduction du mouvement dans les arts plastiques – NDLR) n’inspire l’illustration vectorielle (image numérique qui peut être agrandie ou rétrécie à l’infini, sans perte de définition – NDLR) et que naisse le Net art (créé sur Internet). Dans les pas de la cybernétique et des premières images par ordinateur des ingénieurs Ben F. Laposky et Ken Knowlton au milieu du XXe siècle, l’art et la science se croisent dans des groupes d’artistes, comme celui de Robert Rauschenberg, figure de la Pictures Generation. Ce mouvement critique de la société de consommation annonce la génération d’artistes post-Internet qui émerge au XXIe siècle et retravaille les images de la Toile.

Un climax est atteint vers 2010 lorsque le Web 2.0, celui des réseaux sociaux, domine avec Facebook (aujourd’hui Meta), et que Google inaugure Arts & Culture, son service de visites virtuelles de grandes collections d’art. Aujourd’hui, après une fiabilité mise à mal, le Web se fait 3.0 : une version décentralisée et plus sécurisée, qui annonce de nouvelles avancées pour les arts, où le besoin d’authenticité prime.

Primauté à l’expérience client et au marketing

L’app française Smartify reconnaît automatiquement les oeuvres d’art et permet d’en apprendre plus sur elles. © DR

L’app française Smartify reconnaît automatiquement les oeuvres d’art et permet d’en apprendre plus sur elles. © DR

“Compagnons” de visite multilingues, hologrammes et réalités augmentées et virtuelles sont désormais incontournables dans les musées. Smartify est ainsi “l’application la plus téléchargée au monde” (sic). Celle à laquelle le château de Versailles, le Rijksmuseum d’Amsterdam ou encore l’AfricaMuseum de Tervuren font confiance. À l’instar de MuseoPic, elle est une alternative aux QR codes afin de scanner les œuvres dans les salles d’exposition et découvrir l’envers de leur création ou accéder à des audioguides personnalisés. Développées à des fins de médiation, ces app et leurs statistiques s’avèrent très utiles aux établissements pour pouvoir orienter leur programmation, et les offres de leurs partenaires, pour nourrir les besoins d’expériences croissants de leurs visiteurs.

L’art immersif entend aller plus loin pour acquérir et fidéliser de nouvelles audiences. Fondé sur le modèle de la gestion culturelle privée, Culturespaces est le premier opérateur du genre en Europe. L’entreprise regroupe douze sites historiques, comme la Villa Ephrussi de Rothschild. Mais ce sont ses expositions interactives et itinérantes qui totalisent des millions d’entrées. Créées pour ses Ateliers des Lumières, sis de Paris à Bordeaux et Dubaï, en passant par Séoul, Cézanne, lumières de Provence, Venise, la Sérénissime et Tintin, l’aventure immersive projettent les chefs-d’œuvre des arts. En Belgique, la première place du marché revient au VIAGE Art Theatre, de la société d’événementiel MB Presents.

L’émergence de ces attractions artistiques suit même le développement des mégapoles. À Tokyo s’érigent les gratte-ciel les plus hauts du Japon où l’une des plus éminentes galeries d’art numérique déménage : la teamlab Borderless, initiée en 2001, et ses artistes férus d’effets spéciaux qui transfigurent la réalité.

L’intelligence artificielle (IA) s’en mêle aussi, si bien que les commissaires d’exposition se dématérialisent. La dernière Biennale de Bucarest a ainsi été pensée par un avatar, dont la mémoire condense plusieurs programmes universitaires en histoire de l’art. L’IA gagne les artistes à l’aise avec des programmes complexes, tels que Midjourney, capables de concevoir des images sophistiquées à partir de données. Un marché pour ces générateurs bat son plein, et des musées en bannissent l’usage, de peur que leurs fonds ne soient copiés.

Face à cet essor, la 5D envahit la restauration d’art et des programmateurs parviennent à modéliser des architectures détruites et des espèces animales disparues en s’appuyant sur la richesse des datas, à l’exemple du projet Frank Lloyd Wright : The Lost Works et de celui de l’artiste Alexandra Daisy Ginsberg (vu à la manifestation spécialisée Némo). Même le traditionnel musée Guggenheim de New York dispose d’un département de recherche en art numérique. Quant aux débats sur l’après-globalisation de l’art, ils croisent ceux sur les NFT, ces jetons non fongibles uniques et traçables. Ces certificats de propriété numérique, permettant d’authentifier n’importe quel type de fichier digital, commencent à attirer les institutions souhaitant vendre des reproductions digitales de leurs œuvres au lieu de produits dérivés ; ce que propose la société Cinello en Italie.

Cybersécurité et nouvelle indépendance des arts

© TM/KK

© TM/KK

À l’heure où l’intuition humaine semble être malmenée par les algorithmes, les NFT s’échangent tels les logos dans le luxe, mais sans les aléas de la contrefaçon, grâce à la technologie de stockage et de transmission de la blockchain, favorite des cryptomonnaies. Si cela inspire de nouveaux acteurs dans ce secteur, comme la start-up Ariaane, et de prestigieuses maisons (l’horloger Hublot a ainsi collaboré avec Takashi Murakami, artiste emblématique du consumérisme des années 2000), cela incite avant tout à penser autrement.

© LOOTY

© LOOTY

© LOOTY

© LOOTY

Projet à but social, Looty propose donc de placer l’Afrique sur le devant de la scène du marché de l’art en rapatriant numériquement des œuvres d’art initialement volées. Ses fondateurs visitent de grands musées afin de scanner les œuvres concernées pour en faire des images en NFT, dont les ventes subventionnent des artistes africains émergents. Pour eux, le choix de la place de marché généraliste OpenSea s’est imposé.

L’emblématique collage numérique Everydays : the First 5000 Days (2021) du crypto-artiste américain Beeple. © DR

L’emblématique collage numérique Everydays : the First 5000 Days (2021) du crypto-artiste américain Beeple. (détail) © DR

D’autres plateformes essayent de renverser la mainmise du monde de la tech sur l’art (ayant conduit à l’ouverture du premier musée du NFT à Seattle), et de séduire la majorité des collectionneurs, réticents. Verse travaille ainsi avec Christie’s, où le fameux NFT Everydays: the First 5000 Days de Beeple a été adjugé à 69 millions de dollars en 2021. Propriété de la holding française Artémis, de la famille Pinault, la Britannique Christie’s a ouvert sa plateforme d’enchères de NFT, bien nommée “Christie’s 3.0”. Fin 2022, les analyses du bureau d’audit NonFungible, présent sur le métavers Decentraland, rapportaient que le montant moyen de dépenses pour ce produit s’apprêtait à dépasser les 90 000 dollars…

Bien que les NFT peinent à séduire le grand public et que la volatilité des cryptomonnaies subsiste, Instagram, fleuron du groupe Meta, a récemment annoncé une nouvelle fonctionnalité permettant de créer et de monétiser ses propres NFT. De son côté, Apple fait dos à ces jetons et aux mondes en trois dimensions des métavers. La firme américaine parie plutôt sur l’essor des réalités virtuelles et augmentées dans la vie quotidienne. C’est, en effet, avec ces évolutions majeures de la technologie depuis les premières communautés en temps réel qu’il faudra faire affaire, quitte à choisir son camp.

Ionnyk dans nos chez-soi

© Ionnyk

© Ionnyk

© Ionnyk

© Ionnyk

Quand certains s’appliquent à implanter l’art dans la sphère digitale, Ionnyk souhaite le voir vivre autrement dans la vie de tous les jours. Cette start-up de La Hulpe, qui connaît un succès à l’international, réunit plus de 1000 œuvres en son produit phare : un cadre photo numérique aux fonctionnalités proches de celles des services de streaming et de leurs playlists. Ce cadre au look classique affiche une sélection de photos maison d’artistes belges et étrangers en simulant le grain du tirage photo papier. Forte impression garantie au quotidien. ionnyk.com

En couverture : © Frank Lloyd Wright’s 

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