Nicky Depasse
10 June 2025
Le Musée Tinguely à Bâle, dédié à l’œuvre de l’artiste suisse Jean Tinguely, se dresse élégamment sur les rives du Rhin, mêlant art contemporain et architecture moderniste dans un écrin de verdure. © Shutterstock
Au bord du Rhin, dans le quartier paisible de Solitude Park, un paquebot de brique et de verre se dresse, à la fois sobre et singulier. C’est là, dans cet écrin signé Mario Botta, que le Musée Tinguely restitue l’univers fantasque de l’un des artistes les plus inclassables du XXe siècle.
Si Jean Tinguely est né à Fribourg en 1925, il a aussi vécu à Bâle une partie de son existence. Figure majeure du mouvement néo-dada, Tinguely a consacré sa vie à fabriquer des machines aussi délirantes que fascinantes. Des sculptures mécanos en perpétuel mouvement, grinçantes, tournoyantes, joyeusement bruyantes, toujours ludiques, comme autant de critiques ironiques de notre obsession pour le progrès. Ici, l’imperfection et la récupération sont les reines de la place. Et la poésie jaillit de la rouille, du moteur et de la tôle recyclée.
Le musée, ouvert en 1996 grâce à Niki de Saint Phalle, sa compagne et partenaire, abrite la plus vaste collection d’œuvres de Tinguely au monde. On y découvre ses premières machines dessinantes, les célèbres Méta-matics, ses reliefs motorisés, sans oublier l’impressionnante Méta-Harmonie qui occupe une salle entière. Chaque pièce est une invitation à l’émerveillement, à la contemplation et souvent à l’amusement. Car Tinguely n’aimait rien tant que détourner l’idée de progrès. Pour lui, une machine n’était pas là pour servir, mais pour jouer, rêver, délirer.
Ce qu’on ressent ici, c’est une liberté rare. Celle d’un homme qui a su transformer le rebut en poésie, l’absurde en beauté. Une ferraille abandonnée devient danseuse, un moteur usé se fait musicien. Tinguely, c’est un carnaval. Et pourtant, sous la joie, perce toujours une forme de mélancolie : celle d’un monde saturé de technologie, que l’artiste interroge avec humour et tendresse.
Mais la visite ne s’arrête pas à ses seules œuvres. Le musée propose également des expositions temporaires : art cinétique, dadaïsme, performances contemporaines, tout ce qui touche au mouvement, à l’irrévérence, à l’invention trouve ici sa place, à l’image du Scream Machines, une attraction temporaire qui vous emmène dans l’univers de Tinguely à la façon d’un train fantôme. Et à l’extérieur, dans le parc, des sculptures monumentales, dont une signée Niki de Saint Phalle, invitent à prolonger l’expérience, le temps d’une flânerie dans le parc.
Le Musée Tinguely n’est pas un musée comme les autres. Il est vivant, joyeux, provoquant, parfois déroutant. Mais il a cette qualité précieuse : il émerveille. Petits et grands, esthètes ou curieux, chacun s’y retrouve. Et dans un monde devenu sombre, c’est un luxe rare.
Pour les amoureux de peinture, impossible de quitter la ville sans une visite au Kunstmuseum. Avec ses collections couvrant sept siècles d’histoire de l’art, du Moyen Âge au Contemporain, ce musée figure parmi les plus riches d’Europe. Rien que son architecture vaut le détour avec ses deux bâtiments qu’un siècle et une rue séparent. Mais pas si séparés qu’il n’y paraît puisqu’un souterrain relie le Hauptbau historique au Neubau. Une fois à l’intérieur, qu’il s’agisse du bâtiment des années 30 ou de celui inauguré en 2016, il y règne une sérénité rare, presque monastique, qui invite à une contemplation paisible.
Le Christ mort au tombeau, 1520-1522, huile sur panneau, de Hans Holbein le Jeune © Kunstmuseumbasel
Les salles s’enchaînent avec une élégance discrète : le fascinant Christ de Holbein y côtoie Cranach et Grünewald dans une scénographie lumineuse et minimaliste. Puis viennent les Monet, Van Gogh, Cézanne, Picasso ou encore Giacometti. Le XXe siècle y est particulièrement bien représenté, avec un fonds impressionnant d’expressionnistes allemands, cubistes et d’artistes de l’avant-garde bâloise.
Le Kunstmuseum est un lieu pour prendre son temps, revenir, s’asseoir, regarder. Un musée qui ne cherche pas le spectaculaire, mais offre un tête-à-tête précieux avec l’histoire de l’art. Il est ainsi possible d’admirer actuellement et jusqu’au 10 août prochain, une cinquantaine d’œuvres du sculpteur Medardo Rosso, contemporain de Rodin mais toujours méconnu, et pourtant un des inventeurs de la sculpture moderne.
Et si vous ne souffrez pas encore du syndrôme de Stendhal, après le Kunstmuseum et le Tinguely, rendez-vous dans un endroit spectaculaire et insolite, chez Andreas Häner.
© DR
Située dans l’ancien cinéma Corso, la plus ancienne salle de cinéma de Suisse, la Living Wunderkammer d’Andreas Häner est une expérience singulière à Bâle. Ce lieu transformé en un cabinet d’art et de curiosités, propose une immersion dans plusieurs siècles d’Histoire de l’art à travers une collection éclectique d’objets rares et d’antiquités.
Lors de visites guidées et privées d’environ 75 minutes, Andreas Häner partage sa passion pour l’art et les objets insolites, offrant aux visiteurs une perspective unique sur son univers. Ces visites ont lieu certains jours spécifiques de l’année et uniquement sur réservation. Un ouvrage richement illustré, Living Wunderkammer, coécrit par Andreas Häner, présente en détail cette collection exceptionnelle où chaque objet raconte une histoire, ainsi que celle du lieu.
Mais il est temps de laisser le collectionneur passionné pour prendre le chemin de la banlieue verte bâloise.
La Fondation Beyeler, dessiné par Renzo Piano. © Mark Niedermann
A une dizaine de minutes du centre de Bâle, la Fondation Beyeler offre une parenthèse enchantée entre architecture, art et nature. Voulue par le collectionneur Ernst Beyeler, conçue et dessinée par Renzo Piano, la fondation est un chef-d’œuvre en soi : baignée de lumière, ouverte sur un parc aux allures de tableau vivant, avec ses eaux frémissantes, elle offre à chaque visite une respiration esthétique.
La collection permanente réunit les grands noms de l’art moderne : Monet, Rothko, Picasso, Klee, Bacon, Giacometti ou encore Louise Bourgeois. Ici, tout est pensé pour que l’œuvre vive en harmonie avec l’espace, le silence, le paysage.
Ce lieu reconnu a le chic rare de combiner la force d’un grand musée international et l’intimité d’un lieu secret. On en sort à la fois nourri et apaisé. L’émotion pure en guise de fin de parcours artistique et culturelle dans la ville de la solitude qui ne semble décidément pas correspondre au surnom qu’on lui donne.
Musée Tinguely
Paul Sacher-Anlage 2
4002 Basel, Suisse
www.tinguely.ch/fr
Kunstmuseum Basel
St. Alban-Graben 16
4051 Basel, Suisse
www.kunstmuseumbasel.ch
Fondation Beyeler
Baselstrasse 101
4125 Riehen, Suisse
www.fondationbeyeler.ch