L’Éventail – Quel a été l’élément déclencheur de l’écriture de ce roman qui parle de votre mère ?
Amélie Nothomb – Je n’avais jamais pensé écrire sur ma mère. Mais elle m’a fait la mauvaise plaisanterie de mourir. Et quand je suis face à une terrible souffrance, je ne peux m’en sortir qu’en en faisant un livre.
– Un livre très intime. On le referme après avoir versé quelques larmes…
– Écrire un livre est toujours un danger, le plus grand étant de le rater. Je me suis dit : tu ne peux pas rater ta mère, ce n’est pas permis ! Et puis, aussi longtemps que j’écrivais ce livre, Maman était vivante. C’est la raison pour laquelle il est plus long que les autres. Heureusement, lorsque je l’ai eu terminé, j’ai réalisé que Maman était toujours là.
– Vous dévoilez beaucoup de choses au sujet de votre famille, mais qu’avez-vous hérité de votre mère ?
– J’ai hérité du caractère de mon père, je lui ressemble naturellement. Pour ma mère, j’ai dû fournir des efforts. Par exemple, elle avait un maintien magnifique alors que moi je me tiens plutôt volontiers comme Gaston Lagaffe. Donc si vous me voyez me tenir droite, c’est que je pense à ma mère. Ce livre est une déclaration d’amour. J’ai été très troublée que beaucoup de lecteurs pensent que ma mère devait être une horrible femme à cause des personnages de mères monstrueuses dans mes livres. Cela m’a fait de la peine. J’avais envie de crier : “Ces personnages sont issus de mon imagination, pas de mon passé !” Ma mère était une femme merveilleuse.
– Une mère extraordinaire …
– La plus extraordinaire que l’on puisse imaginer, et aussi la mère qu’il me fallait. Ma nature me prédisposait à devenir une grande dépressive. Ma mère m’a créé un bouclier contre cela. Et comme je suis heureuse de ne pas être devenue une grande dépressive : “Merci Maman !”
– C’était facile pour vous, de lui dire “Je t’aime” ?
– Oui, je le lui ai dit énormément. Avec elle, c’était facile parce qu’elle le disait facilement. Avec mon père, c’était beaucoup plus compliqué. Il était merveilleux mais distant.
– Vous écrivez : “Armel offrit à Adrienne un cadeau étourdissant, il lui dit ‘Je t’aime’”.
– C’était un cadeau d’autant plus grand que la pudeur de mon père rendait ce genre déclaration très difficile. Il n’y a rien de plus beau qu’un cadeau de mots. Surtout ces mots-là ! Les cadeaux auxquels je suis le plus sensible, ce sont les mots. Quand on me demande ce que je souhaite pour mon anniversaire, je réponds : écrivez-moi une lettre avec des mots que vous aurez choisis pour moi.
– Quel est le mot qui définissait le mieux votre mère ?
– La vie. La vie et la positivité.
Photo de couverture : © Jean-Baptiste Mondino

Amélie Nothomb plonge dans l’enfance meurtrie de sa mère, confiée à l’âge de quatre ans à la garde d’une grand-mère gantoise pendant ses vacances, au cours de la Seconde Guerre mondiale. Face aux humiliations et à la privation, elle se crée une formule magique, un “Tant mieux” qui la conduit sur le chemin d’une résilience hors du commun. Un hommage tendre et grave, un récit très émouvant sur plusieurs générations de femmes.
Tant mieux, par Amélie Nothomb, Éd. Albin Michel, août 2025, 212 p.
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