Au Lombard, l’histoire sans fard des Rois des Belges

Parue le 5 septembre 2025, Les Rois des Belges marque un tournant dans le catalogue du Lombard. À travers un format de 80 pages, l’ouvrage adopte une forme originale : chaque roi fait l’objet d’un chapitre mêlant séquences de bande dessinée et doubles pages didactiques. Ces dernières apportent un éclairage contextuel (anecdotes, lieux de pouvoir, moments-clés du règne, figures influentes) qui enrichissent la lecture et en font un outil à la fois pédagogique et narratif. Gauthier van Meerbeeck, directeur éditorial du Lombard, reconnaît la singularité de ce projet : “Ce genre de projet n’est pas à priori très ‘Lombard’, mais j’ai été séduit par l’approche des auteurs : raconter la vraie histoire des rois des Belges, pas l’hagiographie qu’on nous sert depuis des décennies”.

Croiser les regards pour mieux raconter l’Histoire

Le binôme formé par Jean-Philippe Thivet et Arnaud de la Croix repose sur une complémentarité assumée. Le premier, éditeur et auteur de la série Philocomix, apporte un regard neuf : “Je l’ai pensé avec la curiosité, la sincérité et le premier degré de celui qui vient de l’extérieur, face à ce pays qui lui a fait la gentillesse de lui accorder sa nationalité”. Le second, historien aguerri et spécialiste du Moyen Âge et des sociétés secrètes, revendique une approche ancrée : “J’ai grandi avec le très long règne du roi Baudouin, j’ai plus de mal à trouver la distance que Jean-Philippe possède. Mais je suis historien, alors avec nos deux approches, on peut et on doit trouver cette juste distance”.

Cette dualité de regard permet d’examiner la monarchie belge sans complaisance ni déboulonnage. “Montrer les ambiguïtés, les zones d’ombre, et celles de lumière aussi”, résume Arnaud de la Croix.

Une fresque historique sans tabou

Le récit débute à la bataille de Waterloo, bien avant l’avènement de Léopold Ier. Un choix narratif assumé, destiné à inscrire la monarchie belge dans une dynamique géopolitique large : “Remonter à la bataille de Waterloo […] permet d’adresser cette question du pourquoi ce pays, et pourquoi des rois à sa tête”, explique Arnaud de la Croix. Loin de lisser les épisodes controversés, l’ouvrage met en lumière les contradictions des figures royales. Léopold II, par exemple, est présenté à la fois comme bâtisseur et comme colonisateur brutal : “Un roi peut être un bâtisseur incroyable et en même temps un effroyable persécuteur”. Jean-Philippe Thivet d’ajouter : “Notre enjeu était de trouver un équilibre entre cette imagerie populaire, respectable, tout en révélant, ou rappelant les faits historiques, même horribles”.

De Léopold III à Baudouin, en passant par Albert Ier, tous les règnes sont évoqués sans détour : tentatives de négociation avec l’occupant, refus d’appliquer certaines lois, compromissions politiques ou isolements personnels. Même les figures les plus récentes (Albert II et Philippe surtout) sont traitées avec prudence et sobriété, du fait du manque de recul historique.

La vocation de  cette bande dessinée Les Rois des Belges est clairement affichée : ouvrir un débat sur la monarchie en Belgique et transmettre une mémoire collective. “C’est une BD que les éditeurs ont imaginée pour toutes et tous, y compris les enseignants en quête d’un sésame pour faire entrer leurs élèves dans une histoire captivante”. Le public visé est large, intergénérationnel : “Je suis certain que ça s’adresse à tous les Belges… en tous cas, à tous les Belges qui lisent des BD (rires). Allez, on va dire de 10 à 90 ans !”, conclut Gauthier Van Meerbeeck, en adaptant le slogan du personnage phare de la célèbre maison d’édition.

Au-delà du récit national, c’est bien une réflexion sur le pouvoir, ses représentations et ses évolutions que propose ce livre. Une bande dessinée qui, sans jamais verser dans l’anecdotique ni le didactisme lourd, réussit à conjuguer exigence historique et plaisir de lecture.