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Patrick Weber

01 June 2023

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Nul besoin d’être expert pour s’en rendre compte, l’art contemporain africain connaît un développement spectaculaire ces dernières années. Une croissance qui ne cherche pas à masquer les conflits, les disparités sociales et les grands enjeux d’un continent en pleine mutation. C’est même ce qui rend intéressant le point de vue de ces artistes qui font de l’art le vecteur de leur sensibilité souvent à fleur de peau. Si les initiatives sont le plus souvent privées, il faut aussi souligner le rôle des états qui prennent de plus en plus d’initiatives dédiées à l’art contemporain. Lancement de foires et de biennales, création de musées, inauguration de galeries et commandes destinées à l’espace public caractérisent un dynamisme qui ne se dément pas. Toujours attentif aux tendances de fond, le marché de l’art international relaie ce dynamisme et de grandes institutions internationales comme la Fondation Louis Vuitton offrent une vitrine d’exception à cette effervescence. On comprend aisément que le taux de croissance élevé de la cote de l’art contemporain africain en fasse un domaine très apprécié des investisseurs.

Le Roi qui aimait peindre…

À l’occasion de leur récente visite d’État en Afrique du Sud, le roi Philippe et la reine Mathilde ont tenu à ouvrir une fenêtre sur l’art de ce pays riche en cultures et en héritages. Comme toujours en Afrique, l’art est d’abord une question de pratiques et de traditions orales. Témoin, l’imbongi cette coutume locale selon laquelle un personnage initié accueille les hôtes de marque et prononce des incantations pour attirer le bon œil sur le visiteur. Une démonstration impressionnante qui passe aussi par l’habit rehaussé de couleurs traditionnelles. Mais si les traditions sont importantes, celles-ci cohabitent aujourd’hui avec une scène culturelle novatrice et créative. En quelques années, le pays est devenu un hot spot de l’art contemporain et les artistes occupent une place de plus en plus importante sur le marché mondial.

Un musée unique au monde

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Peintre lui-même, Philippe a visité avec grand intérêt le Musée Zeitz d’art contemporain d’Afrique (MOCAA) situé au Victoria & Albert Waterfront de la ville du Cap. Le site est superbe et, avouons-le, l’architecture du bâtiment à couper le souffle. Des anciens silos à grains ont été taillés et aménagés de manière à les métamorphoser en un écrin moderne.

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Tout en respectant le patrimoine industriel, les architectes, sous la direction initiale du Londonien Thomas Heatherwick, ont réussi à dégager un atrium central, aménager des galeries et conférer à l’ensemble une apparence de cathédrale postmoderne. Souvent considérée comme la plus importante collection d’art contemporain d’Afrique, elle donne à voir des œuvres de Chris OfiliWangechi MutuKehinde Wiley ou Kudzanai Chiurai. Lors de la visite royale, le musée présentait une vaste rétrospective consacrée à un siècle de représentation noire dans la peinture. L’exposition célébrait la façon dont les artistes d’Afrique et de la diaspora ont imaginé, positionné, commémoré et affirmé les expériences africaines et d’origine africaine. Une manière pertinente de contribuer au discours critique sur la libération africaine et noire, ainsi que sur les mouvements intellectuels et philosophiques.

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Étonnant aussi, le dialogue entretenu par les artistes contemporains avec leurs aînés. Ceux-ci n’hésitent pas à détourner l’œuvre d’Edward Hopper ou d’Édouard Manet avec sa célèbre Odalisque. Mais cette fois, la personne noire n’est plus seulement là pour jouer le rôle de faire-valoir au second plan, elle s’affirme au premier plan du tableau, s’assied sur le bord du lit et fume une cigarette. Iconoclaste ? Sans aucun doute. Réjouissant ? Bien sûr !

L’art à fleur de rue

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Une autre rencontre importante lors du périple royal se situe au township de Philippi. Pour l’occasion, le roi Philippe sort son pinceau et complète un drapeau belge sur une fresque murale destinée au terrain de foot. De toute évidence, le roi-peintre aurait souhaité poursuivre son œuvre, mais le timing ne le permet pas. Il prend, en revanche, le temps de dialoguer avec Alexandre Tilmans, le cofondateur de l’association Baz-Art, très active dans le domaine du street art. “Le but de Baz-Art est de montrer que l’art a une valeur sociale et économique dans la société et n’est pas juste un objet de décoration, explique Alexandre Tilmans. Par exemple, l’art peut servir à des campagnes de communication ou à l’industrie touristique. L’art fait parler et porte un message.” Dans un pays aussi complexe que l’Afrique du Sud, l’art peut aussi ouvrir des portes et nouer des dialogues. “L’art urbain est de plus en plus populaire en Afrique du Sud, notamment à Johannesburg et au Cap, ajoute Alexandre. Le paysage urbain de ces villes est marqué par des œuvres d’art urbain colorées et expressives qui attirent l’attention des passants. Les artistes sud-africains ont utilisé l’art urbain comme moyen d’expression pendant l’apartheid pour dénoncer les injustices sociales et politiques. Aujourd’hui, l’art urbain est utilisé pour embellir les quartiers et exprimer des messages positifs et inspirants.”

Le street art se décline désormais à travers des couleurs vives et des formes organiques. Les artistes urbains ont tendance à utiliser des motifs géométriques et des formes abstraites pour créer des compositions visuelles intéressantes. L’Afrique du Sud est particulièrement riche en créations artistiques contemporaines. À Cape Town, les quartiers de Salt River et Woodstock figurent comme des destinations incontournables pour les amateurs d’art urbain. Le centre-ville du Cap est également un lieu intéressant à explorer. À Johannesburg, le quartier de Maboneng est devenu une destination très prisée des amateurs d’art urbain, avec de nombreuses galeries et des fresques murales à découvrir.

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Le street art a, bien sûr, tendance à s’inspirer de la culture populaire, en incorporant des références à des icônes de la musique, du cinéma ou de la mode. L’idée n’est pas de passer de la rue à la galerie, mais plutôt de lutter contre les discriminations et les préjugés en colorant les rues et en y portant des messages positifs. Le challenge consiste aussi à découvrir les meilleurs artistes pour se lancer dans l’aventure. “Baz-Art travaille avec un réseau de 90 artistes en Afrique du Sud, ainsi qu’avec 140 artistes du monde entier. Certains sont des artistes émergents, tandis que d’autres ont une carrière établie dans le monde de l’art. Ils viennent de divers horizons et apportent leur propre style et leur propre vision à l’art urbain”, conclut Alexandre Tilmans.

De la rue aux cimaises, la formidable envie de créer, de raconter et, parfois aussi, de dénoncer caractérise un art africain en plein bouillonnement. Désormais, la découverte du continent noir ne peut plus se concevoir sans entreprendre l’exploration de ses richesses artistiques. Et tant mieux, car c’est passionnant !

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