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Sylvie Dejardin

11 May 2022

Nous avons interrogé le Docteur Serge Balon-Perin, médecin spécialisé en nutrition humaine, qui a une longue expérience dans la prise en charge des problèmes digestifs chroniques, sur cette connexion intime qui relie les émotions au système digestif.

L’Éventail – Quels sont les symptômes du côlon irritable ? Quels sont les mécanismes qui favorisent cette pathologie ?
Dr Serge Balon-Perin – Les patients souffrent en général de ballonnements, de gaz, de troubles du transit et parfois de douleurs dans l’abdomen. Lors d’une colonoscopie, aucune maladie inflammatoire n’est détectée comme une maladie de Crohn ou une rectocolite ulcéro-hémorragique (RCUH). Le “diagnostic” de côlon irritable est alors posé. Dans le côlon irritable, l’hypersensibilité viscérale, c’est-à-dire une sensibilité accrue des récepteurs à la douleur présents dans notre intestin (le fameux “2e cerveau”), semble être le nœud du problème. L’activation de ces récepteurs serait provoquée par un état micro-inflammatoire intestinal, conséquence du passage anormal de fragments de mauvaises bactéries à travers la barrière intestinale, produisant une cascade de réactions  à la fois immunitaires et inflammatoires. Une fois ces récepteurs suractivés, un tas d’éléments peuvent générer la douleur, comme une distension de la paroi intestinale due à un excès de fermentation ou l’impact d’irritants chimiques (bile, acides, tanins, piments…) ou d’un excès de bactéries qui enflamment la muqueuse intestinale.

L’Éventail – Quel est le rôle du stress dans cette pathologie ?
Dr Serge Balon-Perin – Dans une situation de stress, l’amygdale située dans le cerveau, détecte les menaces et évalue la signification émotionnelle d’un stimulus. La réaction “de lutte, de fuite ou d’immobilisation” s’active et le corps bascule dans le système nerveux orthosympathique. Le cortisol et l’adrénaline sont libérés pour mobiliser le corps à un réponse de survie à court terme. Mais stimulé de façon chronique, il empêche, entre autres, notre appareil digestif de fonctionner correctement. Dans le cas du côlon irritable, l’individu fait face à de nombreux stress, mais aussi à la douleur. Un cercle vicieux s’installe et mène à une activation répétée du système nerveux orthosympathique et à la libération de ces hormones qui impactent négativement la production du mucus protecteur de la paroi intestinale, un bouclier physiologique qui préserve le corps de l’invasion bactérienne. La barrière deviendra donc plus poreuse et cela aggravera la situation micro- inflammatoire intestinale.

Le système parasympathique, quant à lui, est lié à la relaxation, au bien-être et favorise une bonne digestion. Il devrait idéalement être le système dans lequel on se trouve par défaut. Notre corps peut justement réagir à ce stress par l’intermédiaire du nerf vague (système nerveux parasympathique), interface entre nos émotions et le contrôle sensitif et moteur de notre système digestif. Il va répondre à cet état micro-inflammatoire intestinal par la production d’un neurotransmetteur qui va essayer de bloquer cette hypersensibilisation des récepteurs à la douleur. Le but de l’hypnose est d’amorcer cet état de confort psychique et de permettre de rétablir des fonctions digestives optimales, entre autres en stimulant le nerf vague : agir sur la production normale d’acide chlorhydrique dans l’estomac, de bile, améliorer l’action des enzymes digestives, ainsi que la motricité intestinale essentielle à la progression des aliments dans le tube digestif.

L’Éventail – Comment se déroulent les séances ?Combien sont nécessaires pour atteindre des résultats durables et probants ?
Dr Serge Balon-Perin – L’hypnose est un état de conscience modifié, où l’on est à la fois très absorbé et déconnecté. Nous l’expérimentons tous régulièrement et de façon inconsciente, comme regarder le paysage défiler dans un train. Lors de la consultation, l’hypnothérapeute guide le patient dans cet état de conscience modifiée. La personne reste consciente et peut être active dans son échange avec le praticien, mais sans être en ultra vigilance. Ainsi, la personne se plongera dans le système nerveux parasympathique, avec activation du nerf vague. Une fois que la personne est en état hypnotique, le thérapeute va l’aider à “reprogrammer” en quelque sorte son système nerveux autonome par des suggestions et projections ciblées autour de son système digestif et l’éloigner des croyances perturbatrices génératrices d’inconforts et de douleurs.

Dans mon expérience, je constate que la collaboration avec des hypnothérapeutes amène, pour la plupart de mes patients, à une amélioration notable de leur état. Cela les aide aussi à acquérir des outils nécessaires pour recréer, chez eux, cet état de confort psychique. Cinq à dix séances sont nécessaires pour avoir un effet pérenne. C’est une approche complémentaire à la médecine, car le corps et l’esprit sont indissociables.

René Magritte, Le Bain de cristal, 1946

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