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Éric Jansen

24 July 2025

En 2018, Lawrence et Constance Slaughter redonnaient vie au plus ancien domaine viticole du Luberon. Aujourd’hui, le château de Mille produit un vin tout à fait honorable, mais il offre aussi un art de vivre où nature et culture se marient harmonieusement.

© Éric Jansen

La façade nord ne laisse rien deviner du bâtiment classique qui s’ouvre au sud sur le jardin. © Éric Jansen

De la route qui conduit à Apt, on ne voit rien. Et même ensuite : le château de Mille ne se livre pas au premier regard. Il faut rouler à travers les bois, se garer, puis marcher pour enfin voir se dresser sa façade. Et là encore, difficile de saisir la maison dans son ensemble. Une haute tour médiévale, un rempart, une porte avec un machicoulis, mais qui ne laisse rien deviner de ce qui se trouve derrière : un long bâtiment plus classique qui s’ouvre sur un beau jardin fleuri. À l’intérieur, cette impression se poursuit… Les strates du temps se font partout sentir. On monte trois marches, on en descend trois autres, les pièces s’imbriquent, on en découvre de grandes et lumineuses, d’autres plus austères. Le château de Mille n’a pas mille ans, mais presque… “La maison est un peu labyrinthique, convient dans un sourire Constance Slaughter, car la partie la plus ancienne date du XIIIe siècle. Elle fut ensuite agrandie au XVIe siècle, puis modifiée au XIXe siècle. Et à notre tour, nous l’avons complètement repensée. Pour vous dire la vérité, lorsque nous l’avons visitée, je n’étais pas du tout séduite…”

Constance et Lawrence Slaughter rêvaient d’acheter un jour un domaine viticole et de se reconvertir. © Éric Jansen

Constance et son mari américain Lauwrence Slaughter n’en sont pas à leur première visite de maisons dans la région, mais cette fois ils sont accompagnés d’Alexandre Lafourcade, le spécialiste des rénovations installé à Saint-Rémy-de-Provence. “Sans lui, on n’aurait pas sauté le pas…” En professionnel visionnaire, il les rassure et dessine des plans où la circulation devient plus fluide, créant une cage d’escalier centrale qui relie tous les niveaux. Pour cela, il n’hésite pas à creuser des mètres cubes de rochers et de terre. Et pour un plus grand confort, un ascenseur est installé. “Alexandre a une formule : il fait repartir les maisons pour deux cents ans !” Lorsqu’on entre, on a le choix entre descendre vers la salle à manger voûtée et la cuisine ou monter dans les salons de réception. Ils s’ouvrent à l’est et au sud sur de très beaux jardins dessinés par la paysagiste Cécile Mangeot. “Nous l’avons choisie, parce que nous partagions la même vision : créer des jardins en écho à l’histoire de la maison, un peu médiéval d’un côté et plus à la française de l’autre. Et aussi parce qu’elle est d’Apt, donc toujours disponible pour l’entretien.”

Une vaste cage d’escalier a été entièrement créée par le spécialiste en rénovation Alexandre Lafourcade. © Éric Jansen

En descendant quelques marches, le visiteur découvre la salle à manger et un salon. © Éric Jansen

Depuis leur achat, sept ans ont passé et Constance ne regrette pas un instant d’avoir suivi les conseils d’Alexandre Lafourcade. La maison est élégante et confortable, et surtout, elle a un vignoble qui produit un très bon vin. “C’était la raison première de notre achat, plus qu’une maison en Provence, nous cherchions des vignes…” Fantasme bien connu, mais le couple Slaughter ne prend pas les choses à la légère. “Lawrence en rêvait. Au fur et à mesure que les années passaient, on s’est dit : on va le faire. À cinquante ans, nous avons eu envie d’une seconde vie.” Il faut dire que la première partie de leur existence a été bien remplie. Quand ils se sont connus, tous les deux travaillaient dans la finance. Après leur mariage, Constance la Parisienne et Lawrence le New-Yorkais s’installent à Londres. Ils y vivront vingt ans, y auront trois garçons, avant d’habiter six ans à New York, puis de revenir trois ans à Londres. Si Lawrence fait une brillante carrière dans la banque, Constance a du mal à supporter ce milieu très dur et se tourne vers l’art. Elle décroche un master of fine arts et commence à exposer jusqu’au jour où l’aventure provençale met entre parenthèses cette vocation artistique.

Dans le grand salon, Constance a accroché les toiles de son amie Chantal Joffe et de Klari Reis. © Éric Jansen

© Éric Jansen

“Nous avons choisi le château de Mille car il a une très belle histoire. C’est le plus ancien vignoble du Luberon : on y produit du vin depuis le XIIIe siècle. Et deux papes, Clément V et Urbain VI, y venaient en résidence l’été. C’est pour cette raison que nous avons les deux clefs dans le blason. Bien sûr, quand nous sommes arrivés, il y avait beaucoup à faire pour remettre la production au niveau. À commencer par construire un nouveau chai, ce que sait aussi très bien faire Alexandre Lafourcade avec ses équipes.” De son côté, Lawrence obtient un BTS viti/vinicole et se transforme en vigneron. Aujourd’hui, les vingt-cinq hectares de vignes produisent deux vins rouges baptisés d’après les saints trouvés dans la petite chapelle : Lucide et Célestine… “Nos premières cuvées ! Nous avions besoin de leur protection.”

Dans un espace plus contemporain, le couple propose des dégustations de leur vin. © Éric Jansen

Un tableau de Ryan Mosley, un autre artiste qu’affectionne particulièrement Constance. © Éric Jansen

Le château de Mille propose aussi un rosé et un blanc tout à fait délicieux, et une autre gamme baptisée Les Clefs de Mille. “Nous avons de la chance car le terroir est très bon et nous n’avons pas de problème de maladie. Nous avons mis en place un ambitieux programme de biodiversité et des pratiques biodynamiques.” Cette qualité commence à se faire savoir et après des investissements que l’on imagine conséquents, le couple est heureux d’annoncer un exercice à l’équilibre. Dans un bel espace plus contemporain, il propose à la vente ses vins et les visiteurs repartent avec une caisse ou deux et quelques pots de miel provenant des ruches du château.

Pour étendre la notoriété du domaine, Constance a également décidé d’organiser des expositions en été. Très naturellement, elle a fait le tour des ateliers de la région et cette année, elle présentera les œuvres de Verena OmnèsAnneka Imbert et Joël Canat. “Trois artistes qui travaillent à partir de la nature et qui, chacun avec son médium, en révèle la poésie.” À voir son enthousiasme, on comprend que cette proximité avec la création lui est chère. Son âme d’artiste refait surface, “mais pour l’instant, impossible de m’y remettre : je suis trop absorbée par cette nouvelle aventure ! Je ne le regrette pas, car ce qu’on vit est d’une intensité incroyable. Et il n’est pas dit que je ne reprendrai pas les pinceaux un jour.”

Dans une des nombreuses chambres, une œuvre de Sarah Lee. © Éric Jansen

Cette touche contemporaine se marie à l’ambiance provençale que Constance a tenu à préserver. © Éric Jansen

En attendant, Constance a accroché des tableaux d’artistes amis dans toute la maison. Ici, les toiles de Chantal Joffe et Ryan Mosley, là celle de Sarah Lee. Elles apportent des touches de couleurs au milieu d’une décoration calme et sereine signée Dominique Jean-Lavabre. “Il a très bien su trouver l’équilibre entre les meubles que nous possédions déjà, l’esprit provençal que je souhaitais également et les tableaux contemporains.” Et ses propres œuvres, où sont-elles ? “Il n’y en a qu’une dans le couloir des chambres. C’est une réinterprétation féministe de la tapisserie de Bayeux. Quand nos trois garçons étaient petits, Lawrence ne faisait que leur parler de batailles historiques, je n’en pouvais plus. Alors j’ai peint des soldats qui se battent contre des objets domestiques…’” On a hâte que Constance reprenne les pinceaux !

Photo de couverture : La propriété est comme un hameau où les siècles se superposent. © Château de Mille

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