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Christophe Vachaudez

02 November 2020

© Andrés Jiménez

Elle va prendre sa gestion à bras le corps et va offrir une seconde vie à sa finca de Valdepajares de Tajo. La réussite du projet illustre à merveille le triomphe de l'équilibre retrouvé, le retour à l'harmonie d'une nature durement éprouvée grâce à la permaculture. Après une réforme hydrologique décisive, ces terres autrefois désolées sont aujourd'hui citées en exemple. Revitalisées, elles juxtaposent des biotopes dont la faune comme la flore étonnent par leur diversité, qu'il s'agisse de la zone lagunaire riche en insectes, amphibiens, oiseaux et échassiers, ou du secteur forestier dont les halliers qui fleurent bon la lavande servent de repaires aux serpents mais également à de nombreux mammifères comme la martre, le cerf ou même le sanglier.

La finca de la princesse Nora de Liechtenstein en Estremadure
© Andrés Jiménez

Graminées et plantes aromatiques ont recolonisé les sols tandis que l'agriculture régénérative et l'élevage contrôlé apportent leur écot à un système au succès retentissant. Et si l'ambitieux projet peut inspirer les propriétaires voisins et créer des émules, ici ou ailleurs, le but sera atteint. L'équipe enthousiaste qui seconde la princesse pour la gestion du domaine, est à l'origine d'une gamme de cosmétiques entièrement naturels réalisés à partir du calendula, du romarin, de la sauge ou des lavandes du domaine. Elle sensibilise aussi les visiteurs à l'écologie et à l'importance de l'équilibre environnemental en s'appuyant sur les résultats obtenus en quelques années, une vraie récompense que la princesse Nora savoure pleinement et qu'elle a bien voulu partager voici quelque temps avec L'Eventail.

L'Eventail - Madame, quand avez-vous commencé à réhabiliter votre finca ?

Princesse Nora de Liechtenstein - Je me suis préoccupée du devenir de la finca il y a plus d'une dizaine d'années. Dans toute la région, nous avions ce chêne ballotte ou hispanique dont les glands nourrissent les cochons, à l'origine des fameux jambons. Beaucoup mourraient, y compris dans notre propriété, et j'en ai parlé à un ami autrichien qui m'a mise en contact avec Sepp Holzer, promoteur d'une permaculture bien à lui. Sa famille possédait des terres assez pauvres dans la province de Salzbourg, à 1500 mètres d'altitude, dans ce qu'on appelle le frigo de l'Autriche. Très jeune, il a commencé à observer la nature et son don de déduction fait qu'aujourd'hui, même les professeurs d'université le consultent. Il a d'abord appliqué ses principes chez lui, puis, au vu des bons résultats, il a voulu les partager en donnant des cours et, de nos jours, il est mondialement connu. Il est venu passer un week-end, en 2005, et son verdict est tombé : 'Vous avez tout faux !'. Mon mari et moi n'étions évidemment pas des agriculteurs et nous nous basions sur ce qui avait toujours été fait ici. Ainsi, on avait l'habitude de couper les branches des chênes par exemple, ce qui, selon la croyance, accroissait la production de glands. Jadis, on utilisait l'égoïne mais aujourd'hui, la scie à chaîne laisse des cicatrices difficiles à guérir.

La princesse Nora de Liechtenstein devant les portes de sa finca en Estremadure
© Andrés Jiménez 

Affaibli, l'arbre est en proie aux insectes qui en profitent pour s'installer et créer des dommages irréversibles à long terme. La déliquescence des arbres attirent aussi d'autres espèces opportunistes comme le scarabée dont les larves s'insinuent sous l'écorce et accélèrent le pourrissement. Certains combattent donc le pauvre animal qui n'est pourtant pas responsable de l'hécatombe. Il ne fait que profiter d'une situation créée par l'homme. De même, les terres cultivées souffraient de l'utilisation d'un matériel puissant et lourd qui ravageait le sol et favorisait la disparition de la couche d'humus qui, dans la région, n'est pas très épaisse. Enfin, au niveau de l'élevage, on comptait autrefois 3 vaches ou 2,5 moutons par hectare. Avec les subventions européennes qui incitent à la spécialisation, on a considérablement accru le cheptel et l'herbe n'a pas le temps de repousser et le sol, compacté, s'altère irrémédiablement.

- Quelles solutions avez-vous adoptées ?

- L'une d'elle concerne l'eau. En fait, il pleut en octobre et mai, environ 500 ml, ce qui est peu mais tout-à-fait gérable, mais comme la terre est dure, l'eau ruisselle en emportant les nutriments. Il fallait donc retenir l'eau. Nous avions déjà un lac mais des étangs ont été creusé. Certains s'assèchent en été mais restent un refuge pour les amphibiens. Nous avons ainsi constaté une montée progressive de la nappe phréatique. J'ai donc décidé d'investir pour éviter que ma fille n'hérite pas d'un domaine désolé dont personne ne voudrait. Aujourd'hui, le fils de Sepp Holzer a déjà organisé des séminaires chez nous pour montrer par l'exemple que les théories développées par son père fonctionnaient parfaitement. Il faut des alternatives mais tout doit être cohérent, une vraie agriculture intégrée.

Des fleurs issues des jardins de la finca de la princesse Nora de Liechtenstein
© Andrés Jiménez

- Comment vous est venue l'idée de concevoir des produits cosmétiques ?

- Un agriculteur biologique des environs venait souvent nous aider. Son épouse concoctait des crèmes pour le corps et nous lui fournissions des plantes. Le processus était plutôt artisanal et non homologué. Ce couple m'a présenté une pharmacienne de la région qui avait mis au point un petit laboratoire et nous avons décidé de mettre nos forces en commun il y a maintenant environ trois ans. Elle a pu établir des formules et, maintenant, nous sommes en mesure de commercialiser nos produits. Les huiles sont très efficaces et ont notamment conquis des sages-femmes et des dermatologues. Elles conviennent très bien pour les affections cutanées car nous offrons une vraie alternative aux personnes qui souffrent d'allergies. Pour moi, il était important d'aller au-delà de la réhabilitation de la finca. Le fait de cultiver des plantes et de créer des produits 100% naturels permettait de pérenniser le projet. Nous sommes très stricts sur la qualité, plus biologiques encore que certains produits dont les certifications, souvent très chères, tolèrent encore beaucoup de substances qui posent question pour les vrais amateurs d'écologie. Les autorités d'Estrémadure nous a fait de la propriété la première zone privée protégée de la région. Notre projet a même été sélectionné parmi les quatre meilleurs pour le prix européen des entreprises et de l'environnement.

Les produits cosmétiques élaborés par la finca de la princesse Nora de Liechtenstein
© Andrés Jiménez

- Que cultivez-vous dans la propriété ?

- Nous récoltons de la sauge, du romarin, du calendula et de la lavande espagnole mais nous essayons d'adapter d'autres plantes. En utilisant un engrais biologique, nous obtenons notamment des fleurs de calendula plus grandes, d'un beau jaune intense, et plus riches en principes actifs. Nous avons aussi des ruches et les apiculteurs sont ravis car il y a beaucoup de fleurs pour les abeilles. Nous produisons du savon et aussi de la cire à base de calendula, très nourrissante pour le cuir et les meubles anciens.

- Les agriculteurs des environs s'intéressent-ils à votre réussite ?

- Bien entendu mais certains dépendent toujours des quotas de production européens. Ils savent qu'ils détruisent leurs terres avec un élevage intensif mais difficile de franchir le pas. D'autres l'ont déjà fait. Sepp Holzer a coutume de dire 'Si tu traites bien la nature, elle te le rend au centuple'. En Espagne, il y a des risques de désertification car, quand les arbres meurent et que le sol s'appauvrit, les conséquences sont inéluctables. Très modestement, je crois que l'on peut trouver des solutions à ces problèmes en respect avec la nature.

Des jardiiniers travaillent dans les jardins de la finca de la princesse Nora de Liechtenstein
© Andrés Jiménez

- Aviez-vous au départ un intérêt pour l'écologie ?

- Quand j'étais plus jeune, mon père qui était ingénieur agronome connaissait toutes les plantes et nous apprenions beaucoup sur la nature lors de nos promenades en montagne. Ma mère, qui aimait beaucoup la nature, ramassait les papiers car elle était horrifiée de voir la nature ainsi souillée. Plus tard, après mes études de sciences politiques, j'ai intégré l'Institute of Environment and development, à Londres, qui étudiait l'état de l'environnement dans les pays défavorisés.

- Avez-vous d'autres activités au sein de votre domaine ?

- Nous organisons des séminaires sur l'agriculture rénovatrice mais aussi des stages d'observation, en ornithologie par exemple, car nous avons un des seuls couples de milan royal dans le pays. Bientôt, nous pensons proposer des cours de photographie spécialisé dans la nature.

- Pensez-vous que la chasse et préservation de la nature soient compatibles ?

- Bien entendu. Chez nous, la chasse au faucon est la seule que l'on puisse organiser car la superficie de la finca est trop modeste. Si les lois étaient modifiées, nous pourrions chasser. Grâce à la présence des étangs, la faune est réapparue et c'est l'essentiel.

www.vivenciadehesa.es
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