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Rédaction

11 February 2019

© Jean-Claude Moireau

Grâce à Dieu de François Ozon était annoncé comme le film qui allait bouleverser le Festival. Basé sur des événements réels, ce long métrage présenté vendredi en compétition parle du scandale de pédophilie qui a secoué récemment l'Église de France. De la fin des années 80 au début des années 90, un religieux estimé par sa hiérarchie, le père Bernard Preynat a commis des attouchements sexuels sur plusieurs dizaines de scouts dont il avait la charge dans le diocèse de Lyon. En 2016, le prédateur a été officiellement inculpé ; le procès doit avoir lieu dans quelques mois.

Après avoir envisagé un documentaire, Ozon a finalement opté pour une œuvre de semi-fiction. Les personnages de Grâce à Dieu sont trois adultes qui décident trente ans après les faits d'évoquer publiquement leur traumatisme et de dénoncer le silence de l'Eglise catholique. Le début du film ressemble un peu à l'ouverture d'un dossier, avec une voix off qui fait entendre des extraits de lettres et de documents officiels – une manière de démarrer le récit qui m'a paru assez laborieuse et didactique. La tension ne commence à s'installer qu'à partir du moment où, exaspérés par les réticences et les atermoiements des dignitaires religieux (et en particulier du Cardinal Barbarin, archevêque de Lyon) nous voyons les trois protagonistes se lancer dans un combat public en créant un site intitulé « La Parole libérée ».

© Jean-Claude Moireau 

Le problème à mon sens est qu'ensuite le récit s'égare dans de multiples directions et nous détaille comment l'action des trois hommes débouche sur des tensions dans leur milieu familial. Ce qui me gêne surtout, c'est que ce film manque terriblement de style. Dans tous ses longs métrages précédents – et quel que soit le sujet – Ozon avait une écriture personnelle (rappelez-vous par exemple Frantz) qui en faisait l'auteur le plus intéressant du cinéma français actuel. Ici, nous avons un exposé factuel qui me rappelle certains des films sur des sujets judiciaires que réalisait jadis André Cayatte.

© Jean-Claude Moireau 

À l'actif du metteur en scène, je mettrai tout de même une excellente direction d'acteurs (Melvil Poupaud est sobre et juste, et François Marthouret est impeccable dans le rôle difficile du Cardinal Barbarin). J'imagine qu'en raison du sujet Grâce à Dieu trouvera une audience assez large en France, et probablement dans les pays francophones. Ailleurs, en revanche, il aura je le crains du mal à trouver son public, d'autant qu'une longueur excessive (137 minutes) jouera contre lui. En dernière minute, on nous a communiqué ici à Berlin que les avocats du père Preynat ont intenté une action pour bloquer la sortie du film (prévue à la fin de ce mois) et la reporter après la tenue du procès, sans doute vers la fin de cette année.

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