Nathalie Dassa
23 July 2025
“Je pense que j’ai toujours essayé de présenter une image réaliste du monde. C’est une quête de beauté, mais avec une touche de réalisme.” Rick Owens, de son vrai nom Richard Saturnino Owens, a fait de la mode alternative un art manifeste contre le sectarisme, s’inspirant des cultures underground et du glamour des années 1030. Ce natif de Californie, installé à Paris depuis plus de vingt ans, a su façonner un monde où naissent, au-delà des clichés, des valeurs libérées des jugements, des statuts et des normes. Une carrière portée par le sacré, mais aussi et surtout par son épouse et alter ego Michèle Lamy, qui joue un rôle-clé dans son processus créatif. C’est ce que nous invite à (re)découvrir le Palais Galliera à Paris à travers Temple of Love. Plus de cent silhouettes, archives inédites et vidéos sont ainsi exposées, accompagnées d’œuvres d’art et d’installations hors des murs de ce monument du XIXe siècle.
Celui qui a débuté comme patronnier, avant de lancer sa marque éponyme en 1994, a la beauté d’un chef indien. Ses racines tirent cependant d’une mère mexicaine aux origines aztèques. Sa longue chevelure lisse et noire, son corps tatoué et son style dark ont fait de lui un créateur subversif, hors norme. Rick Owens a su combiner l’esthétique gothique à l’élégance contemporaine, le tribalisme ascétique au raffinement de la haute couture parisienne et new-yorkaise. Tout son vestiaire, produit en Italie depuis 2001, puise dans le cinéma de l’âge d’or hollywoodien, le brutalisme, l’art moderne, la littérature. Il cultive ainsi savamment sa singularité, s’affirme à contre-courant et réinvente la mode à travers ses coupes asymétriques, ses couleurs sombres, ses immenses bottes à talons et ses détournements de pièces et de matières. Chacun de ses défilés se veut une performance esthétique qui se mue en révolte contre la bien-pensance, le patriarcat, l’intolérance. Il bouscule autant par ses créations que par ses choix de mise en scène : des “danseuses de stepping à la place de mannequins” au “sexe exposé de ses modèles masculins”, en passant par les “femmes célébrées pour leur force physique”.
“Toute rétrospective ou exposition qui serait dirigée par quelqu’un d’autre restera une interprétation, ce ne sera pas la voix originale, authentique”, avait-il déclaré dans une interview accordée au Printemps pour son superbe travail de curation sur le triptyque Subhuman, Inhuman, Superhuman à Milan, en 2017. Au Palais Galliera, il prend cette fois les commandes de la direction artistique et investit également l’univers de l’art et du design, imaginant des sculptures et des pièces de mobilier pour repousser toujours plus loin les limites de sa création à l’énergie organique. Côté scénographie, Temple of Love offre notamment une reconstitution de la chambre à coucher californienne du couple, quand les statues de la façade extérieure se vêtent d’un tissu brodé de paillettes. Tout autour, des sculptures de ciment aux formes brutalistes viennent rappeler ses œuvres dans le domaine du design, l’ensemble orné d’un par-terre floral issu de son Los Angeles d’antan. L’exposition revient également sur certaines sources d’inspiration à travers des œuvres de Gustave Moreau, de Joseph Beuys ou encore de Steven Parrino. À travers cette mise en scène immersive, le “Prince des Ténèbres” (Prince of Darkness), comme beaucoup aiment le surnommer, continue de tisser un style sans pareil, à la fois brut et tendre, fluide et déstructuré, radical et futuriste.
Photos : © OWENSCORP
Exposition
Rick Owens, Temple of Love
Dates
Du 28 juin 2025 au 04 janvier 2026
Adresse
Palais Galliera
10 av. Pierre 1er de Serbie
75116 Paris
Horaires
Du mardi au dimanche, de 10h à 18h. Les vendredis jusqu’à 21h.
Site & billetterie
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