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Rédaction

27 February 2020

© Wolfgang Ennenbach/2019 Sommerhaus/eOne Germany

Publié à l'origine en 1929, le roman d'Alfred Döblin – une des œuvres majeures de la littérature allemande du 20e siècle – avait déjà été porté deux fois à l'écran, notamment par Fassbinder qui en avait tiré en 1980 une série télévisée de quatorze épisodes. Le personnage central, Franz Biberkopf, est un anti-héros qui magouille dans les bas-fonds berlinois à une époque (1925-1930) où la capitale allemande était en pleine déliquescence. La version que nous avons vue à la Berlinale prend de grandes libertés avec le livre de Döblin (mais on nous précise que le fils de l'écrivain a marqué son accord sur ce point).

Le réalisateur Burhan Qurbani est né en 1980 dans la République fédérale de parents afghans qui avaient fui leur pays pour cause de persécutions politiques. Il faut dire que la plus grosse surprise de cette adaptation tient au fait que le metteur en scène a choisi de faire du personnage de Biberkopf un Africain, arrivé clandestinement de Guinée Bissau et prêt à tout pour faire son chemin dans le monde de la pègre berlinoise. Francis - ou plutôt Franz, comme il décide de s'appeler désormais - va s'acoquiner avec Reinhold, un petit caïd du milieu local qui devient peu à peu son mauvais génie et qui acquiert, au fil des cinq chapitres qui divisent le film, une dimension véritablement satanique.

Une scène du film du réalisateur Burhan Qurbani
 © Frédéric Batier/2019 Sommerhaus/eOne Germany


Le roman de Döblin avait un côté de reportage social, alors qu'ici le cinéaste se concentre sur un seul milieu (les dealers de drogue et la prostitution), sans l'aborder en outre d'un point de vue documentaire. Mais surtout, il y a dans ce Berlin Alexanderplatz une connotation fortement religieuse, accentuée par les citations de l'Apocalypse qui ponctuent régulièrement les divers épisodes. Franz est un être foncièrement bon, qui veut faire le bien autour de lui mais se trouve tiré vers le bas par une pulsion de mort. Et Reinhold, psychopathe drogué et ricanant, apparaît ainsi comme son double infernal. Il faut dire que cet être diabolique bénéficie de l'interprétation absolument fabuleuse d'un comédien nommé Albrecht Schuch, dont jusqu'ici je n'avais jamais entendu parler.
Au total, Berlin Alexanderplatz est un film impressionnant, réalisé avec une grande maîtrise et dont toute la distribution serait à citer. Le public était sonné à la fin de la projection, et puis s'est déchaîné en applaudissements. Je me trompe peut-être, mais je vois un Ours d'or se profiler à l'horizon.

René Magritte, Le Bain de cristal, 1946

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