Corinne Le Brun
15 May 2024
Sueurs froides, parasites à Cannes ? La Croisette au bord de la crise de nerfs ? Après plusieurs crises tourmentées par la crise du Covid, le tandem Thierry Frémeaux et Iris Knobloch affrontent le plus mauvais film du Festival. Nourrie par la sphère complotiste, la rumeur d’une liste d’agresseurs sexuels parmi les têtes d’affiche du cinéma français obnubile la Croisette. Et vient parasiter un combat dont la quinzaine semblait enfin s’emparer. Des hommes, dix célébrités vivent depuis des semaines sous la menace de révélations scandaleuses qui les concernent. Sans que rien ne soit avéré, leurs noms, non révélés, sont livrés à l’opprobre…
Le Jury © Alberto Terenghi/IPA/ SplashNews.com
En tout cas, Le deuxième acte de Quentin Dupieux (hors compétition) a ouvert le Festival, à l’écart des polémiques. La comédie burlesque, sur le cinéma justement, entend bien annoncer la couleur : vive le cinéma et rions à gorge déployée. Le film est sur les écrans, depuis hier.
Camille Cottin succède à Chiara Mastroianni en tant que maîtresse des cérémonies d’ouverture et clôture du Festival. L’héroïne de l’iconique Connasse a adopté le mode humour ravageur : « Les rendez-vous dans les chambres d’hôtel de messieurs ne font plus partie des us et coutumes. » Féministe, très engagée dans le mouvement Me Too, l’actrice tout habillée de noir, a présenté les « cinq femmes téméraires et quatre hommes valeureux » du jury. La sculpturale Greta Gervig, présidente du jury – la plus jeune depuis Sophia Loren, en 1966 -, très émue, a déclaré son amour au cinéma : « les films sont sacrés pour moi. J’ai hâte de m’asseoir dans le noir et partager tous ces films avec vous. » Cannes, c’est infiniment beau. La chanteuse-interprète Zaho de Sagazan était invitée à interpréter Modern Love en écho au film Frances Ha (2012) où la jeune Greta dansait de joie dans les rues de New York. L’heure était à la communion cinéphile et glamour.
Zaho de Sagazan © Niviere David/AbacaPress.com/Shutterstock
Le cru 2024 s’annonce sur le grand retour du cinéma américain. On décernera une Palme d’Honneur au père de la Guerre des étoiles, George Lucas. On verra le nouveau Mad Max de Gérard Miller et le nouvel opus de l’octogénaire Francis Ford Coppola, Megalopolis …Du beau monde from America. Hier soir, lors de la cérémonie d’ouverture, on a décerné la Palme d’Honneur à l’iconique Meryl Streep. Un moment d’anthologie. Que d’émotion à écouter la conversation presque intime, emplie de tendresse et de sororité entre Juliette Binoche et Meryl Streep : « Tu as changé notre façon de voir les femmes au cinéma. Tu nous as donné une nouvelle image de nous-mêmes. » lui confie l’actrice française. Revenue à la Croisette après 35 ans d’absence, tout de blanc vêtue, lunettes fumées, la star américaine très émue par les mots de Juliette Binoche, presque incrédule : « Caaaaanes, it’s a gift. Thank you so much ! Ma mère me disait tu verras la vie passe très vite. Elle a raison. Sauf que mon discours est trop long. »
© Niviere David/AbacaPress.com/Shutterstock
Demain soir, ce sera la minute Judith Godrèche. Son court métrage Moi aussi (1) sera projeté au Cinéma de la Plage. L’actrice a réuni une centaine de témoignages de femmes – et une poignée d’hommes – sur les violences sexuelles et sexistes, le temps d’une journée.
Nous avons pu voir Ma vie, ma gueule (en ouverture de la Quinzaine des Cinéastes) que Sophie Fillières a pu terminer la veille de son hospitalisation (2). Un film magnifique, poétique et même drôle. On y voit une merveilleuse Agnès Jaoui dans le rôle d’une mère de deux enfants mais surtout d’une femme « qui cherche à être heureuse.» Femme ou homme, durant dix jours (et nuits), ce sera sans doute le mantra de tout festivalier.
(1) : Le court métrage sera diffusé le jeudi 23 vers 23h00 sur France 5 et le samedi 25 mai à 20h40 sur Culturebox.
(2) : La réalisatrice, scénariste et actrice Sophie Fillières est décédée 31 juillet 2023, à Paris.
Photo de couverture : © Niviere David/AbacaPress.com/Shutterstock
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