Maxime Delcourt
14 February 2024
Eventail.be – Porté par un buzz perceptible jusque dans les médias français en 2019, Glauque a finalement mis quatre ans pour sortir ce premier album. Qu’est-ce qui s’est passé ?
Louis Lemage – Dans un premier temps, disons qu’il y a eu le Covid. On avait prévu de sortir notre premier EP en mars 2020, essentiellement composé de morceaux que nous avions depuis nos débuts, puis d’enchainer rapidement avec l’album. Malheureusement, le confinement est arrivé, les projets ont été mis en stand-by, l’EP a manqué de visibilité et, une fois le retour à la vie normale officialisé, les labels qui nous sollicitaient étaient soudainement plus frileux à l’idée de publier notre disque. Plutôt que de végéter, on a donc continué de créer. Pour Les gens passent, le temps reste, on a donc décidé de ne rien garder de ce qui datait d’avant le Covid. On a composé environ 80 maquettes et on a tout repensé à partir de ces démos.
– Au sein d’une époque où les jeunes artistes sont encouragés à publier leur premier album rapidement, le Covid vous a finalement permis de prendre le temps de définir pleinement votre univers. Peut-on dire que cela a été un mal pour un bien ?
– Cela nous a effectivement permis de voir nos envies évoluer. On avait 18-19 ans au début du groupe, on avait envie que ça marche et de pouvoir en vivre. Depuis, on a encore moins envie de faire de concessions. On a tous des boulots que l’on aime en parallèle à la musique, on compose sans pression et on est extrêmement fier de tout ce qui constitue ce premier album. Et puis, il faut le dire : faire de la musique dénuée de toute forme de pression extérieure, c’est un luxe !
© DR
– Les gens passent, le temps reste s’ouvre sur « Plusieurs moi » et se conclut avec « Deuil ». Est-ce à dire que ces morceaux ont permis de structurer l’album que vous aviez en tête ?
– On voulait éviter de verser dans l’album conceptuel, ce qui est toujours assez pompeux, mais on avait envie de créer une cohérence entre les visuels, les textes et les sonorités. Très rapidement, on a su que ces morceaux avaient quelque chose de spécial. Ils sonnaient comme un vrai début et une vraie fin, sans pour autant définir la couleur de l’album dans son ensemble. Par la suite, il fallait simplement choisir parmi les 78 morceaux restants lesquels on allait venir caler entre ces deux titres-là. On a d’abord resserré le choix autour de 20 chansons puis, chaque week-end, on se réunissait pour faire le tri, agencer le tracklisting.
– L’idée du “temps” est évidemment très présente sur ce premier album. Est-ce là la critique d’une époque rythmée par l’urgence, où plus personne ne semble prendre le temps de se poser ?
– Ce n’était pas le but premier. Ou alors, cela s’est fait inconsciemment. Bien sûr, nous avons conscience d’être constamment occupés, stimulés par tout et n’importe quoi, mais Les gens passent, le temps reste trahi avant tout un rapport au passé et aux épreuves de la vie qu’il faut traverser. Le temps du deuil, par exemple.
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– Vous abordez effectivement des sujets très sombres, très intimes dans ce disque. T’interdis-tu parfois certaines phrases, par pudeur ?
– Il est impossible de créer avec de la pudeur, en s’imposant des limites ! Personnellement, si je ressens quelque chose, je l’écris sans trop me poser de question. Ce n’est qu’au moment d’interpréter le texte que je décide de supprimer ou non un passage. Parce que même si je suis okay avec le sentiment que j’exprime, il faut garder en tête que je vais réinterpréter ce texte sur scène, face à un public, potentiellement plusieurs soirs de suite. Mieux vaut donc être armé à l’idée de se replonger régulièrement dans ce type d’émotion profonde.
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