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Dans la Cour des Grands : Siméon, l’enfant-roi des Bulgares

Dans la Cour des GrandsGothaMaison de Saxe-Cobourg

Thomas de Bergeyck

13 September 2023

Il y a des destins qui sont tellement irrationnels qu’ils n’ont pas d’équivalent. Celui de Siméon de Bulgarie est singulier. Enfant-Roi à six ans à peine, il va porter toute sa vie la douleur d’avoir perdu si tôt son père, dont il pense qu’il a été empoisonné. Son règne a débuté il y a 80 ans tout juste. Une parenthèse de trois ans, anéantie par l’avènement du communisme.

C’est un homme de 86 ans qui, cet été, s’est repassé en boucle le fil de son enfance pas comme les autres. Siméon Sakskobourggotski est un cousin de notre Roi. Aujourd’hui, très loin du trône, il se terre dans son pavillon de chasse près de Sofia. Plusieurs mois par an, il vit à Madrid d’où est originaire son épouse Margarita. J’ai eu l’insigne honneur d’être reçu chez lui, en Bulgarie. C’était en avril 2015, quelques jours à peine après la mort de son fils aîné, le prince héritier Kardam, prince de Tarnovo. Difficile d’entrevoir un long entretien avec un père en deuil de son fils. Et pourtant, Siméon a tenu à maintenir ma visite et à me parler de lui. Kardam était dans le coma depuis sept ans, depuis que sa Jaguar a quitté la route pour une raison inconnue, avant de partir en tonneaux.

© King Siméon

C’est une première immense déchirure qui va ouvrir le destin de Siméon. Il y a 80 ans il devient roi après la mort brutale de son père, Boris III. Depuis quelques jours, le Roi des Bulgares se sent mal. Il se plaint de douleurs à la poitrine. Son état s’aggrave les jours suivants et le mercredi, la reine Jeanne est informée de la santé de son époux. Un premier médecin ausculte Boris III et lui diagnostique une obstruction coronaire, une sorte d’angine de poitrine, qui serait liée à une pointe de stress. Le samedi 28 août, le roi Boris est pris de convulsions, de vomissements, la fièvre grimpe, son taux de globules rouges explose, autant de symptômes typiques d’une intoxication bloquant les fonctions du foie. Boris III décède à 49 ans à peine. Siméon est anéanti. La veille encore, dans la salle de jeux, son père l’embrassait en lui disant « Mes enfants, je vous vois ce soir ». C’est sur le front de son papa que l’enfant posera son baiser : le front d’un corps inerte et froid, dans un cercueil ouvert. Siméon ne s’en remettra jamais et nourrira une phobie des cadavres et des vêtements noirs.

Siméon de Bulgarie et son épouse Margarita © Stevens William/Gamma/Photo News

Très vite, la famille pense que Boris III a été empoisonné. Quelques jours plus tôt, il avait rendu visite à Hitler dans son nid d’aigle. Une intoxication aux champignons qu’affectionnait tant le Roi défunt. L’enquête n’a jamais abouti et rien ne permettra d’établir la vérité. Le règne de l’enfant-roi ? Trois ans à peine, géré au quotidien par son oncle, régent du trône. Car le petit, devenu Siméon II, n’a que 6 ans. Tout le monde lui parle à la troisième personne. Lui donne du Sire. Il devient un étranger dans ce palais immense sans âme. L’Histoire va tourner court : en février 45, l’oncle est exécuté ainsi que les deux autres régents à la suite d’un coup d’état comploté avec les soviétiques. Nous sommes le 8 septembre 46 : un référendum abolit la monarchie et les Saxe-Cobourg ont 48 heures pour quitter le pays. Siméon, sa mère et sa sœur fuient vers l’Egypte avant de s’installer à Madrid. Finalement, ce revers sera son salut. Siméon va pouvoir mener une vie normale, de père de famille, d’homme d’affaires pour la firme d’électroménager Thomson.

La reine Paola de Belgique et le Premier Ministre bulgare Simeon de Saxe-Cobourg Gotha © Didier Lebrun/Photo News

En 1996, l’exil prend fin et Siméon fait un retour triomphal à Sofia : 500.000 fidèles lui font une haie d’honneur sur plus de quatre kilomètres. L’homme, passionné par la chose politique va faire ce que personne n’avait réalisé avant lui : ce Roi en titre va reconquérir son pouvoir en devant Premier ministre de son pays ! Il le restera 4 ans, au début des années 2000. Tsar de Bulgarie et premier ministre : l’Histoire ne peut jamais l’oublier.

Lorsque je lui parle de ces années de « règne », Siméon est fataliste. L’octogénaire n’aspire plus à diriger. Mais il pense encore que la monarchie pourrait être une solution dans cette Bulgarie qui fut l’objet de tant de déboires. Ce n’est ni abandonné, ni dans l’air. Simplement, ce n’est pas à l’agenda. Le témoignage de Siméon reste d’une valeur inestimable. Avec Fouad d’Egypte et Gyanendra du Népal il est le dernier roi déchu à pouvoir encore raconter comment une nation est parvenue à perdre son royaume.

Photo de couverture : © Philip Reynaers/Photo News

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