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Quand le sapin fait son show

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Camille Misson de Saint-Gilles

23 December 2025

Icône intemporelle, le sapin de Noël ne se contente plus d’être décoré : il se métamorphose. Sculpté, stylisé, dégusté ou mis en scène, il inspire les plus grands noms de la mode, de l’art et de la gastronomie. De Jean Paul Gaultier à Arnaud Lapierre, de Mooz Studio à Acqua di Parma, chacun y projette son univers. Plus qu’un symbole festif, le sapin devient manifeste de créativité.

Symbole de vie éternelle depuis les temps païens, le sapin a traversé les siècles, les continents et les styles. Jadis simple conifère orné de pommes et de noix dorées en Alsace, il est devenu un emblème universel, celui qui parfume nos salons et illumine les vitrines du monde entier. Mais à l’heure où la créativité ne connaît plus de saison, le sapin n’est plus seulement décoré : il est pensé, sculpté, mis en scène. Il devient œuvre.

Quand la création s’enracine

C’est sans doute entre les mains des artistes que le sapin vit sa plus belle métamorphose. À chaque hiver, il se réinvente, quitte à perdre ses aiguilles pour mieux trouver son sens. Au V&A Museum et au Claridge’s à Londres, l’arbre est une institution : chaque année, un grand nom du design en signe le décor. Le regretté Alber Elbaz l’imaginait comme une explosion de joie ; Diane von Furstenberg l’a vêtu de plumes et d’étoiles ; Karl Lagerfeld en fit un hommage à la Forêt-Noire, monumental et monochrome. La maison Jimmy Choo avait créé, en 2020, un arbre néon de cinq mètres, coiffé d’un nœud rose géant. L’arbre devient ici une installation, une sculpture éphémère qui reflète l’univers intime du créateur.

© Claridge's

Mais c’est à Paris que la magie s’élève depuis vingt ans avec Les Sapins des Créateurs, exposition caritative qui réunit chaque décembre les signatures les plus audacieuses. Chantal Thomass l’a rêvé en dentelle noire, Martin Margiela en arbre-fantôme recouvert de tulle. Et Jean Paul Gaultier, fidèle à son goût du théâtre, a imaginé un sapin cancan, mi-danseuse mi-défilé, juponné de branches et coiffé d’un corset Chaque pièce est vendue aux enchères au profit d’associations : un Noël où beauté rime avec solidarité. Au-delà de ces rendez-vous prestigieux, les artistes contemporains, eux aussi, réinventent le sapin. À Bordeaux, Arnaud Lapierre a imaginé en 2020 son Sapin Verre, une œuvre monumentale et durable, conçue pour être réutilisée chaque année. Paul McCarthy, à Paris, provoqua en 2014 avec son immense Tree vert pomme dressé place Vendôme – plus qu’un sapin, un clin d’œil subversif à la société de consommation.

D’autres, comme Olafur Eliasson ou Pascale Marthine Tayou, transforment l’arbre en symbole écologique : matériaux recyclés, lumières led, branches en verre soufflé… le sapin devient manifeste d’un art durable. Il raconte notre époque : celle où le beau et le sens se mêlent, où la féerie s’enracine dans la conscience.

© création de Jean-Paul Gaultier. PICTURE NOT INCLUDED IN THE CONTRACT

© NATALIA BOIKOVA

Haute couture en majesté

Quand la mode s’en mêle, le sapin devient silhouette. Les maisons l’habillent, le parent, le corsètent. Chez Jean Paul Gaultier, il prend des airs de cabaret parisien, avec jupon de branches et corset de satin. Chez Dior, il s’orne de rubans dorés, de perles nacrées et d’étoiles suspendues ; chez Valentino, il s’impose dans les vitrines comme un arbre de tulle écarlate. Chaque détail devient couture : un ourlet de guirlandes, une broderie de lumière, une symétrie de boules nacrées.

Cette appropriation du sapin par les créateurs n’a rien d’anodin. Elle traduit le besoin de sacraliser la fête, de lui rendre son faste et son imaginaire. Le sapin, totem de nos intérieurs, devient alors l’équivalent d’une robe du soir : un objet de désir. Dans les grands hôtels et les boutiques de luxe, le défilé des sapins semble avoir remplacé celui des mannequins sur les podiums. On y célèbre le savoir-faire, le goût du détail, la théâtralité. Et cette couture végétale, éphémère et lumineuse, témoigne d’une chose : même au cœur de l’hiver, la beauté continue de vibrer.

L’art de sublimer le goût

À la table des chefs, le sapin s’invite désormais à croquer. Il devient dessert, déco gourmande, œuvre pâtissière. Pierre Hermé l’a réinventé en forêt de macarons, Cédric Grolet en illusion chocolatée, François Perret en entremets ciselé comme un bijou. Chez Alain Ducasse, le sapin trône sur les buffets de Noël, sculpté en praliné et orné de feuilles d’or. Dans les palaces ou les chalets alpins, les pâtissiers rivalisent d’audace : meringue et pistache, mousse vanille et pin sylvestre, ornement croustillant ou cœur glacé.

Chez Pierre Marcolini, le sapin a des airs de sculpture chocolatée. En 2018, il imaginait un arbre composé de sphères graphiques et gourmandes, dressé sur plusieurs étages de cacao grand cru. Plus qu’un dessert, un bijou comestible : hommage à l’excellence belge et à la poésie du chocolat.

Mais au-delà du geste technique, c’est l’esprit qui change : le sapin devient métaphore de la convivialité, symbole d’un art de vivre où le partage et la gourmandise se confondent. Il illustre la fusion entre la cuisine et le design, la forme et la saveur. Dans un monde où l’esthétique se déguste, où les repas deviennent spectacles, l’arbre comestible est la quintessence d’un Noël moderne – un instant suspendu entre art et appétit.

À Hasselt, le Taste Tree de Mooz pousse cette idée jusqu’à l’expérimentation sensorielle : un arbre monumental composé d’assiettes de porcelaine empilées, sur lesquelles on imagine se déployer douceurs, saveurs locales et de la saison des fêtes.

© KRISTOF VRANCKEN

© KRISTOF VRANCKEN

L’arbre totem

Pour les grandes maisons, le sapin n’est plus un simple décor  : c’est un manifeste de marque. Chez Hermès, il s’élève comme un totem d’orange et de cuir, écho à la couleur signature de la maison. Chez Louis Vuitton, il se construit à partir de malles miniatures, rappelant l’art du voyage. Chez Chanel, il brille d’un éclat nacré, orné de camélias et de perles, tandis que Cartier le pare de rubans rouges et de clochettes dorées. Chaque vitrine, chaque façade devient un conte, une expérience visuelle.

Chez Acqua di Parma, le sapin prend la forme d’une sculpture solaire composée de ses emblématiques coffrets jaunes. Une œuvre à la fois simple et éclatante, qui évoque la chaleur de la dolce vita et des vacances dans les Dolomites. À travers cette mise en scène lumineuse, la maison célèbre la beauté apaisante de la nature hivernale.

Ces installations spectaculaires – souvent à Paris, Londres, Tokyo ou New York – sont autant de cartes de vœux vivantes. Elles attirent les foules, éveillent les émotions et prolongent la magie bien au-delà des boutiques. Derrière ces sapins, il y a tout un art de la mise en scène : savoir-faire, exigence esthétique, volonté d’émerveillement. À l’heure où le marketing “d’expérience” règne, le sapin devient ambassadeur, symbole de prestige et de continuité.

© Claridge's

© Acqua Di Parma

Un arbre universel, toujours vivant

Chaque hiver, il revient, mais jamais tout à fait le même. Le sapin est l’un de ces rares symboles capables de traverser les siècles sans perdre son éclat. Il s’adapte, se transforme, inspire. Artistes, couturiers, chefs ou architectes s’en emparent pour raconter leur époque, leurs valeurs, leur rapport à la beauté. Au gré de cette métamorphose constante, il reste ce qu’il a toujours été : un repère, une promesse, une lumière. Qu’il soit d’art, de sucre ou de soie, le sapin continue de relier le monde des hommes à celui des rêves. Et c’est sans doute cela, sa plus belle vocation : nous rappeler, chaque décembre, que la création, comme la vie, ne cesse jamais de renaître.

Joyaux dynastiques

Chroniques royales

L’exposition organisée conjointement par le V&A et la collection Al Thani à l’hôtel de la Marine nous permet de clore l’année royale sur une note scintillante. Une myriade de diadèmes, des pierres non montées issues des collections du musée de minéralogie de Paris, de précieux bijoux de la reine Victoria, de l’impératrice Catherine II, de la reine Elisabeth de Belgique, de l’impératrice Eugénie, épouse de Napoléon III, ou encore des duchesses de Portland ou de Manchester, autant de prétextes pour aborder sans réserve une symbolique riche et complexe.

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À l’occasion de la parution de son livre Un monde merveilleux, l’illustratrice Florine Asch nous a ouvert la porte de sa maison de Bruxelles. Un écrin intime et poétique, où elle vit avec sa famille et travaille dans une parfaite quiétude.

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