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Sylvie Dejardin

23 February 2022

La santé sous contrôle

Ann Lannoye, docteur en médecine, spécialisée en nutrition & biologie orthomoléculaire.

Ann Lannoye, docteur en médecine, spécialisée en nutrition & biologie orthomoléculaire. © DR

L’Éventail – Qu’est-ce que la génétique et donc l’épigénétique ? Comment influence-t-elle notre vie au quotidien ?
Ann Lannoye – La génétique, c’est un ensemble de codes qui vont permettre la création et la régulation de protéines comme des cellules, des enzymes, des hormones, des neurotransmetteurs… C’est une sorte de manuel de fonctionnement et de renouvellement du corps humain, un grand livre de recettes, bien protégé dans le noyau de chaque cellule. Par contre, l’épigénétique (épi = au-dessus) est un mécanisme, qui, en marge de notre ADN, règle la façon dont cette information génétique sera lue au quotidien, en fonction de nos comportements. Cette notion peut même avoir des conséquences sur la vie de nos descendants.

L’épigénétique a donc des répercussions transgénérationnelles. Pendant notre vie, même celle de nos grands-parents, nous mettons inconsciemment des “post-it” dans ce grand livre de la vie. Par exemple, si une odeur est accompagnée d’un grand danger, cette information sera stockée à côté de notre livre de recettes, sans changer l’information reprise dans le manuel. Des expériences ont été menées sur des souris de laboratoire soumises à des chocs électriques, toujours accompagnés d’une odeur de cerise. Même sans le stimulus généré par la douleur, le simple fait de respirer l’odeur qui lui est associée génère la libération des hormones de stress. Il a aussi été remarqué que les souriceaux nés de ces souris sécrètent ces mêmes hormones lorsqu’ils sont en contact avec cette sensation olfactive, sans qu’aucune douleur ne leur soit infligée. Donc, les informations importantes, mettant la vie de l’individu en péril, peuvent être transmises de génération en génération. Le corps a ainsi la capacité de garder en mémoire ce qu’il n’a pas connu de son vivant.

La responsabilité individuelle est au cœur de l'épigénétique. © DR

La responsabilité individuelle est au cœur de l'épigénétique. © DR

– Quels sont les facteurs qui influencent l’expression de nos gènes ?
– La lecture et l’expression de nos gènes sont grandement conditionnées par les interactions avec notre environnement. C’est toujours une question d’adaptation. La qualité de ce que nous mangeons, par exemple, va avoir une importance capitale dans l’épigénétique. Les carences nutritionnelles, l’alimentation ultra-transformée, les excès d’alcool, de sucre, les pesticides, polluants, tabac, etc. joueront un rôle défavorable dans l’expression de nos gènes et, on le sait aujourd’hui, seront à la source de développement de maladies, comme le diabète, les cancers, les maladies auto-immunes, qui autrefois étaient considérées comme l’inévitable fatalité de la génétique. Le corps s’adapte continuellement à son environnement avec les outils qu’il possède pour faire face aux différentes situations qu’il rencontre. Un bon statut micro-nutritionnel permettra aux cellules de fonctionner de manière optimale, que ce soit dans la production d’énergie ou l’élimination des déchets, par exemple. Les abeilles naissent toutes avec le même patrimoine génétique. Seules celles nourries avec de la gelée royale deviendront des reines. Les autres seront des ouvrières. C’est dire à quel point ce que nous mangeons nous définit.

D’autres facteurs vont jouer un rôle favorable, comme la pratique d’une activité physique régulière, la qualité du sommeil, la qualité du tissu familial et du réseau social, la bonne gestion du stress et la situation socio-économique de la personne.

– Avons-nous une certaine responsabilité dans le développement des maladies si nous ne sommes pas entièrement prisonniers de nos gènes ?
– Aujourd’hui encore, lorsqu’une maladie grave apparaît, comme un cancer, tout est mis en œuvre pour la soigner une fois qu’elle est présente dans la vie du patient : radiothérapie, immunothérapie, chimio, etc.  Mais il est triste de constater que bien de choses auraient pu être mises en place avant, dans une politique de prévention globale. Tout l’environnement ne peut être sous contrôle. Vous n’êtes pas responsable de la pollution de l’air que vous respirez, mais vous pouvez agir sur bien d’autres leviers. La responsabilité individuelle est au cœur de l’épigénétique. Si nous n’avons aucun moyen d’agir sur le génome que nous avons hérité de nos parents, nous pouvons toutefois être acteur de notre santé au quotidien, par des gestes simples, à la portée de tous et qui réduiront les risques de développer une maladie. C’est révolutionnaire, car nous avons le choix de ne plus subir passivement la loterie génétique. Si nous ne pouvons faire table rase de 100 % de notre génome, nous avons le pouvoir de modifier ce qui paraissait impossible il y a quelques années encore.

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