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Sylvie Dejardin

13 February 2024

Le docteur Vincent Valinducq, médecin généraliste

L’Éventail – Votre livre aborde les défis  rencontrés par les aidants familiaux. Quelles sont les principales difficultés auxquelles ils sont confrontés et comment peuvent-ils les surmonter ?

Dr Vincent Valinducq – Je suis bien conscient des nombreux défis auxquels les aidants sont confrontés pour l’avoir vécu pendant quatorze ans. Mon expérience est particulière, car ma  maman a été touchée très jeune par une pathologie apparentée à l’Alzheimer, à l’âge de cinquante ans. Au début, les symptômes sont encore gérables, mais on ignore comment la maladie  va évoluer et combien de temps cela va  durer. Être aidant, c’est avoir une impression d’isolement, subir une fatigue permanente, être en hyper vigilance H24, regarder son téléphone à chaque instant. L’épuisement nous guette, accompagné du sentiment de culpabilité de ne jamais faire assez. La charge mentale est colossale.

Cependant, quel que soit le contexte, il existe des solutions pour faire face à ces défis. Il est essentiel d’accepter de se faire aider et de comprendre le rôle que vous endossez. Vous êtes “aidant” et pas seulement le fils, la fille, le père ou la mère qui prend soin d’une personne chère. Vous devez prendre soin de vous, vous ménager autant que faire se peut, vous réserver des moments bien à vous, car vous êtes un pilier essentiel de la santé. Si vous coulez, l’aidé devra être pris en charge par un hôpital ou une institution. Une première étape importante consiste à consulter un médecin généraliste pour obtenir des informations sur les différentes formes d’aide disponibles, qu’elles soient d’ordre humain, financier ou matériel. Des associations peuvent également jouer un rôle essentiel en fournissant un soutien précieux. Elles proposent souvent des groupes de parole qui permettent de se sentir moins seul, ainsi que des formations pour apprendre à se charger de la personne aidée. Les aidants endossent de nombreuses casquettes et développent des soft skills, car l’adaptation fait partie de leur quotidien. Il faut être à la fois attentif, efficace, gérer le personnel médical, les horaires, le relationnel aussi. On développe des capacités incroyables. Chaque fois que la maladie avance un pion, nous sommes capables de contourner l’obstacle et de trouver une solution.

– Quels retours avez-vous déjà eus suite à la sortie de votre livre ? Qu’attendez-vous des pouvoirs publics, et quelles actions concrètes pourraient être entreprises pour améliorer la situation ?

– Je suis très touché de constater que mon livre, depuis sa parution, a suscité un vif intérêt de la presse, allant jusqu’à attirer l’attention du ministère des Solidarités et des Familles. J’ai eu l’occasion de rencontrer la ministre Aurore Bergé à deux reprises et d’échanger avec elle sur cette problématique en proposant plusieurs pistes. Par exemple, simplifier le parcours administratif pour faciliter les démarches et recherches des aidants qui se sentent souvent perdus. Je pense également que revaloriser le travail des auxiliaires de famille serait une excellente chose. Après quelques “écueils”, nous avons trouvé notre “Mary Poppins”, une femme exceptionnelle qui nous a soulagés par son professionnalisme et son dévouement.

Repérer les aidants serait également bénéfique pour les professionnels de la santé, car cela leur permettrait de les accompagner au mieux, tant dans les démarches administratives que dans le suivi de leur santé. Le repérage devrait également s’étendre aux entreprises, au niveau des ressources humaines par exemple, sans pour autant les stigmatiser. Quant à mes lecteurs, qu’ils soient concernés par la  situation ou non, ils se sont retrouvés dans le livre et m’ont remercié d’avoir exprimé leurs propres sentiments. Beaucoup ont salué ma démarche.

– En tant que médecin, comment votre expérience personnelle a-t-elle influencé votre pratique médicale et votre approche des patients ?

– Mon expérience personnelle a incontestablement façonné ma sensibilité à la situation des aidants. Si je ne l’avais pas été moi-même, j’ose espérer que j’aurais toujours été en mesure de comprendre leur réalité. Cependant, cette épreuve m’a offert une formation accélérée. Désormais, lorsque je vois une personne qui prend soin d’un proche malade dans mon cabinet, je suis immédiatement attentif à sa présence. Je lui demande comment il va et lui propose de le revoir pour une consultation dédiée à sa propre santé. Les aidants ont souvent tendance à penser que tant que leur proche va bien, ils vont bien aussi. En tant que médecin, je reconnais qu’ils sont une source très fiable d’informations sur l’aidé. Il est crucial d’honorer le courage et la persévérance de ces héros du quotidien.

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