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La piste aux étoiles à La Table des Chefs

ChampagneChefChef étoiléGastronomieReimsRestaurant

Martin Boonen

11 July 2024

La Table des Chefs, ce restaurant gastronomique à Reims qui accueille en résidence les étoiles montantes de la cuisine française, s’ouvre pour la première fois à un chef international, auréolé de trois étoiles au Guide Michelin : Hideaki Sato. Une première expérience loin de ses bases pour le chef japonais qui, derrière un menu qui rend hommage à la tradition culinaire française, révèle surtout la quintessence de sa cuisine natale qui a fait sa renommée.

Notre dernière visite à La Table des Chefs datait du mois de mars dernier, alors que le chef Tom Meyer prenait possession des cuisines du restaurant rémois. Si nous y sommes revenus si rapidement, c’est évidemment pour la perspective de découvrir une cuisine de haut vol, celle d’Hideaki Sato, mais surtout parce que La Table des Chefs semblait faire évoluer sa formule.

© G.H. Mumm/Pernod Ricard Group

© G.H. Mumm/Pernod Ricard Group

La jeunesse et l’excellence…

Pour rappel, La Table des Chefs, c’est ce restaurant ouvert à Reims par la prestigieuse maison de champagne G.H. Mumm. Si le restaurant est permanent et ouvert toute l’année, les chefs, eux, s’y succèdent tous les trois mois. C’est ainsi que Mallory Gabsi (27 ans, une étoile Michelin dans le restaurant qui porte son nom à Paris), Florian Barbarot (32 ans, chef consultant), Kelly Rengama (36 ans, une étoile Michelin au Faham, à Paris) et Tom Meyer (30 ans, Meilleur ouvrier de France, une étoile Michelin obtenue chez Granite, à Paris, et annoncé pour prendre la succession d’Arnaud Faye, à La Chèvre d’Or, à Èze) se sont déjà installés derrière les pianos de La Table des Chefs. Si ces quatre chefs expriment leur personnalité propre à travers leur cuisine, ils avaient en commun leur jeunesse (voir, dans le cas de Mallory Gabsi et Tom Meyer, leur précocité), une forme de notoriété auprès du grand public en France et la reconnaissance des critiques culinaires. Ces caractéristiques communes participaient à offrir à La Table des Chefs une identité forte et constituait un parti pris pour la fougue et l’excellence.

Mallory Gabsi © G.H. Mumm/Pernod Ricard Group

Florian Barbarot © G.H. Mumm/Pernod Ricard Group

Kelly Rengama © G.H. Mumm/Pernod Ricard Group

Tom Meyer © G.H. Mumm/Pernod Ricard Group

…sans obsession

Cependant, cet ADN n’est pas dogmatique ni obsessionnel, et on nous laissait entendre qu’à l’occasion, la maison Mumm, qui préside à la destinée de La Table des Chefs, se réservait l’opportunité d’inviter des chefs qui sortent de ce profil. Et c’est bien le cas avec le chef Hideaki Sato, qui, à 48 ans et au talent largement confirmé, devient le premier chef international à imaginer un menu pour La Table des Chefs. Et l’occasion de cette prestigieuse invitation : la sortie de la cuvée 4.5 de la gamme RSRV de chez Mumm.

© G.H. Mumm/Pernod Ricard Group

© G.H. Mumm/Pernod Ricard Group

4.5 : l’excellence des terroirs

Les cuvées de la gamme RSRV tiennent une place particulière dans la production de G.H. Mumm. Millésimées ou non, elles rendent toutes hommages, à travers leurs assemblages, à l’histoire de l’emblématique producteur rémois. 4.5 ne fait pas exception. Malgré un patronyme qui évoque plus l’univers informatique et le monde du digital que le sol ou le climat, ce sont bien les terroirs traditionnels de la maison qui brillent dans ces bulles gastronomiques. Élevée 4 ans sur lattes, ce champagne assemble les raisins des cinq terroirs de la maison Mumm classés Grand Cru : le pinot noir de Verzenay, Aÿ et Bouzy, et le chardonnay de Cramant et d’Avize. 4.5 se passe donc de pinot meunier, pourtant apprécié par les vignerons de la région pour la structure qu’il apporte aux vins.

La gamme RSRV, les cuvées gastronomiques de G.H. Mumm © G.H. Mumm/Pernod Ricard Group

Cependant, à la dégustation, la force, la puissance et la distinction des terroirs qui composent cette cuvée sont largement suffisantes pour assurer à ce champagne un parfait équilibre et une généreuse gourmandise. C’est à la fois rond et tendu. Les premiers fruits à chair blanche laissent, dans une complexité qui évolue pendant la dégustation, place à des notes de fruits secs torréfiés, des noisettes, de l’amande, puis d’autres plus toastées comme la brioche. Cette petite nouvelle vient donc directement se classer parmi les meilleures cuvées de la gamme, pourtant très exigeante.

À la croisée des cultures

À sortie exceptionnelle, chef exceptionnel. Et c’est donc Hideaki Sato qui vient accompagner, à La Table des Chefs, la sortie de cette nouvelle cuvée. Ami sincère de la marque depuis son premier passage en Champagne en 2009, le chef originaire de Nagano, au Japon, est un passionné de cuisine française qu’il a appris à maîtriser pendant de longues années. C’est pourtant lorsqu’il décide de retourner vers sa cuisine natale, notamment en assistant le chef triplement étoilé Seiji Yamamoto au restaurant Nihonryori Ryuginn qu’il accède véritablement à la reconnaissance. Étoile montante de la cuisine tokyoïte, il s’installe à Hong Kong où il décroche deux macarons Michelin chez Tenku Ryugin, avant d’ouvrir son propre restaurant et d’accéder finalement à la plus prestigieuse des distinctions culinaires : les trois étoiles du guide rouge. Si ce retour à la cuisine japonaise fut un déclic pour le chef Sato, il n’oubliera jamais sa première passion pour la cuisine française. Le nom de son restaurant hongkongais Ta Vie signifie “voyage” en japonais, mais est également un clin d’œil francophile évident à son premier amour culinaire. Quand nous nous asseyons à La Table des Chefs nous nous attendons donc à assister au mariage des deux des plus belles cuisines du monde.

Le chef Hideaki Sato © G.H. Mumm/Pernod Ricard Group

La découverte du menu exclusif en six services imaginé par Hideaki Sato ne manque pas de nous interpeller. En effet, contrairement à ce que nous attendions, les références à la cuisine japonaise se font bien discrètes. L’enthousiasme du chef à l’idée de revenir cuisiner en France lui aurait-il fait oublier le succès qu’il doit à sa cuisine nationale ? Ce serait sous-estimer gravement la subtilité et l’ingéniosité de la cuisine d’Hideaki Sato

Burrata, salade de tomates et de pamplemousses, huile de basilic © G.H. Mumm/Pernod Ricard Group

Le voyage débute avec la burrata. Ce fromage à pâte filée italien, cousin de la mozzarella, est accompagné d’une belle tomate de saison et de quartiers de pamplemousse dont l’acidité et la fraîcheur viennent contrebalancer le crémeux du fromage. Mais c’est un détail qui vient faire toute la grandeur du plat : un gel translucide de raisin (du chardonnay, celui qui est utilisé pour l’assemblage des champagnes de la maison) qui vient équilibrer l’ensemble. Dans ce menu, tous les détails auront leur importance.

Raimonds Tomsons, meilleur sommelier du monde en 2023, dans la cave à vins de La Table des Chefs © G.H. Mumm/Pernod Ricard Group

Pour ce qui est des accords mets-vins, d’habitude, c’est l’affaire de Raimonds Tomsons (meilleur sommelier du monde en 2023, excusez du peu). Il puise évidemment dans l’exceptionnelle vinothèque de G.H. Mumm qui met à disposition pour La Table des Chefs ses cuvées les plus rares et les plus précieuses, mais aussi les plus anciennes. Mais puisque l’ambition n’est pas de cantonner La Table des Chefs à un rôle de vitrine de la maison champenoise, Raimonds Tomsons a été invité à constituer une véritable carte des vins, mettant ainsi à l’honneur les meilleurs crus de toute la France. Cependant, en fin connaisseur des champagnes maisons, Hideaki Sato a tenu à prendre lui-même en charge les accords du menu avec le champagne. Ses propositions ont ensuite été validées par le sommelier consultant de luxe et elles mettent, sans surprise, la gamme RSRV à l’honneur (le chef est devenu ambassadeur de ses cuvées l’année dernière). Avec sa burrata, c’est vers la déclinaison Blanc de Blancs (millésime 2015) que son choix s’est porté.

HuÎtre, pochée sous sa tendre coquille, sauce au beurre blanc et caviar osciètre © G.H. Mumm/Pernod Ricard Group

La seconde entrée est une huître pochée, accompagné d’une sauce au beurre blanc et de caviar osciètre. La sauce ne souffre d’aucun défaut et son onctuosité, associée à la souplesse et à la fraîcheur du caviar, s’associe brillamment avec l’iode (atténuée par la cuisson) de l’huître. Pour accompagner ce plat, Raimonds Tomsons, le sommelier, a choisi la cuvée Secret Minéral, en appellation Pouilly-Fuissé, de chez Denis Jeandeau, millésime 2021. C’est un vin ample, sans être lourd et intense, sans être épais qui embrasse parfaitement les deux facettes de l’assiette : la rondeur et la fraîcheur.

Crabe et artichaut, en gratin © G.H. Mumm/Pernod Ricard Group

La dernière entrée, crabe et artichaut en gratin, arrive dans un dressage aussi spectaculaire que ludique, presque régressif qui met en œuvre une association artichaut-parmesan à la réussite aussi simple qu’évidente. Le travail sur les textures cache cependant une recherche très précise de la part du chef. Cette entrée est accompagnée par un verre de chenin de Montlouis-sur-Loire signé François Chidaine en 2022. Moins expressif mais plus délicat que le précédent, il fait lui aussi idéalement le trait d’union entre les saveurs du plat.

Langoustine, poêlée, girolles, bulot © G.H. Mumm/Pernod Ricard Group

Le service suivant met en scène une langoustine à la cuisson absolument idéale : d’abord ferme sous la dent, elle fond ensuite dans la bouche. Ne contenant aucun produit carné, il ne s’agit pas ici d’un terre-mer à proprement parler. Cet exercice en a pourtant tous les codes, puisqu’en associant ce crustacé à une poêlée de girolles et à une sauce crémeuse, Hideaki Sato emmène avec brio la mer au cœur de la forêt. C’est un champagne choisi par le chef qui accompagne cette proposition, et pas n’importe lequel : la cuvée RSRV Blanc de Noirs, de 2014. Il s’agit là certainement du champagne le plus emblématique du style de G.H. Mumm : l’élgance du pinot noir de Verzenay lui confère le côté vineux qui a fait la réputation de la maison. Après 10 ans, les notes d’évolution sont encore discrètes, mais on détecte tout de même une certaine rondeur, une onctuosité, une gourmandise que l’on ne retrouve que dans les champagnes qui, c’est le cas de le dire, prennent de la bouteille. Malgré tout, sa fraîcheur est intacte.

Pigeon grillé, avec son huile de sésame et truffe d'été © G.H. Mumm/Pernod Ricard Group

Le plat principal est un morceau de pigeon grillé. Il est servie avec une huile de sésame et de truffe d’été. Le côté fumé et onctueux de l’huile d’une part, le côté terreux et très aromatique du champignon de l’autre, donnent ensemble une profondeur très gourmande au plat. Mais ce qui force le respect, c’est la cuisson du pigeon. Un pigeon trop cuit est sec et cartonneux ; sous-cuit, il est ferreux et gélatineux. Celui d’Hideaki Sato est simplement parfait. La peau croque sous la dent, la chaire, parfaitement rosée, développe en bouche toute ses saveurs et sa mâche participe au plaisir gustatif. Cette cuisson est pratiquement un tour de force ! Pour accompagner ce morceau de bravoure, Raimonds Tomsons a opté pour un bourgogne Roncevie du Domaine Arlaud, en 2021. S’il ne prétend pas à l’appellation Gevrey-Chambertin, il profite néanmoins de son prestigieux terroir de naissance, et promet beaucoup au nez. Au palais, il est un peu moins généreux mais les notes poivrées qui s’estompent malheureusement avec le temps, accompagnent merveilleusement les premières bouchées de pigeon. Hideaki Sato aurait également pu proposer avec son plat la cuvée RSRV Rosé Fujita qui aurait apporté un rien de fraîcheur à l’ensemble.

Tarte à la pistache, framboises et orange © G.H. Mumm/Pernod Ricard Group

Peut-être la réservait-il à dessein pour le dessert : une tarte à la pistache, framboise et orange. Il faut dire que sur celle-ci, l’association est particulièrement réussie : on retrouve nettement dans le verre la même framboise que sur l’assiette, prolongeant ainsi le plaisir de l’un avec le plaisir de l’autre.

Une mousse au chocolat, qui, comme une partie du reste du menu, recèle des trésors de raffinement © G.H. Mumm/Pernod Ricard Group

Le repas se termine avec une mousse au chocolat qui, de prime abord, ne ressemble à rien d’autre qu’une mousse au chocolat d’un ordinaire buffet de la gare. Et pourtant, la première bouchée dévoile une somptueuse touche de combava, ce puissant mais élégant agrume indonésien. Il élève cette mousse à un niveau qu’on ne lui aurait jamais promis en la regardant. Simple, mais imparable.

L’influence japonaise : partout et nul part

Mais alors, qu’a-t-il de japonais ce menu ? Et bien rien en apparence, mais tout, partout ailleurs. Lorsque l’on s’attarde sur les produits cuisinés, on observe un respect strict de leur saisonnalité. C’est évidemment un marqueur fort de la cuisine du chef, mais surtout un des mantra de la cuisine traditionnelle japonaise. Le passage d’une saison à une autre est même devenu là-bas un sentiment : le nagori, qui exprime la nostalgie, sans tristesse, d’une saison culinaire qui vient s’achever. Alors, si les produits eux-mêmes font peu référence à l’Asie, les techniques de cuisine japonaise, en revanche, traversent le menu de bout en bout. C’est grâce à elles que le chef parvient notamment à proposer des cuissons de langoustine et de pigeon si bluffantes. D’ailleurs, la maîtrise qui transparaît tout au long du menu, est en soi toute japonaise. La cuisine d’Hideaki Sato est éminemment niponne dans son souci de précision, d’équilibre, d’exactitude et de netteté.

© G.H. Mumm/Pernod Ricard Group

Se faire le plaisir d’aller à Reims découvrir ce menu, c’est effectivement assister au mariage de la cuisine japonaise avec la gastronomie française, mais avec un raffinement et une intelligence dont seul Hideaki Sato est peut-être capable.

Un MOF chez Mumm

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Depuis l’année dernière, la maison de champagne G.H. Mumm (à qui l’on doit la célèbre cuvée Cordon Rouge) reçoit, dans son restaurant La Table des Chefs, la fine fleur de la gastronomie internationale. Ce printemps, c’est le jeune prodige Tom Meyer qui s’installe à Reims.

Informations supplémentaires

Restaurant

La Table des Chefs

Adresse

Rue du Champ de Mars, 31
51100 Reims
France

Réservations

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