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Rédaction

20 November 2018

© Stephen Caillet/Panoramic/Photo News

Désormais devenu un des acteurs incontournables du secteur, il a bien voulu nous donner son éclairage sur l'émergence d'une galaxie de petites entreprises bien décidées à voler au secours des vieilles pierre. Il nous a également donné sa vision des nouveaux modèles qu'il conviendrait, selon lui, de mettre en place pour donner un nouveau souffle au patrimoine européen.

 
Patrivia est une startup française qui offre une solution de billeterie digitale aux biens patrimoniaux et historiques. Retrouvez l'article complet ici © Patrivia 

Eventail.be - La rencontre, relativement récente, qui s'est opérée entre le monde moderne des start-up et celui, à la réputation plus conservatrice, du patrimoine est en train de devenir une vraie mouvance.
Stéphane Bern - Oui, je pense que c'est un vrai mouvement qui s'est mis en marche. On le voit avec des exemples comme « J'aime mon Patrimoine » avec Florent de Carolis. Tous ces jeunes se passionnent pour le patrimoine et ils ont mis leur génie créatif et leur savoir-faire de start-uppers au service du patrimoine en créant des start-up et des outils modernes.

 
La start-up Ask Mona met l'intelligence artificielle au service du patrimoine. Retrouvez l'article complet ici © Ask Mona 

Les exemples sont de plus en plus nombreux. Les vieilles pierres ont besoin de ça ! Elles ont besoin qu'on leur insuffle un nouvel esprit, qu'on les fasse entrer dans le 21e siècle. Il faut arrêter de penser que le patrimoine doit être fossilisé et enfermé dans le passé. Au contraire il doit épouser la modernité, le faire entrer dans notre siècle s'il veut survivre. Comment le transmettre à la jeune génération si on adopte pas les nouvelles technologies ?

- Quelles pourraient être selon vous les autres pistes pour l'avenir du patrimoine européen ?
- Il faut déjà faire prendre conscience aux gens de la richesse qu'ils ont entre les mains. Il faut une prise de conscience générale de l'importance du patrimoine : c'est le pétrole de l'Europe, une source de revenus. Le tourisme patrimonial et culturel est une industrie qui n'est pas délocalisable, ni en Chine, ni en Inde. On ne peut pas déplacer les vieilles pierres. C'est une source de revenus extraordinaire ! Nous devons accepter l'idée que nous ne sommes plus des grandes puissances industrielles comme on l'était au 19e siècle.

 
© Jb Autissier/Panoramic/Photo News

Mais il faut accepter aussi que nous devenions une sorte de musée à ciel ouvert pour des chinois en goguette ! Il ne sert à rien selon moi de protester et de refuser le progrès. Le monde va ainsi et aller à contre-courant serait inutile. Il faut accepter que l'innovation et les nouvelles technologies pénètrent le milieu du patrimoine et contribuent à le moderniser et le sauver. Et à partir du moment où on l'accepte, il faut en profiter. Cela doit créer de l'emploi, doper l'économie et surtout celle des territoires, des villages.

- De plus en plus de propriétaires privés se voient obligés (pour les conserver) d'ouvrir les portes de leurs biens patrimoniaux. Est-ce qu'aujourd'hui, si on est propriétaire d'un château, on doit l'ouvrir au public pour pouvoir le garder ?
- Bien sûr ! D'abord, ces propriétaires n'auront pas le choix économiquement. Ensuite, il va leur falloir trouver de nouvelles idées. Pourquoi ? Tout simplement parce que tous les châteaux ne sont pas des châteaux de la même envergure que le château de Versailles : ils n'en ont pas forcément l'intérêt historique, ni les collections. Il faut donc trouver des idées qui sortent de l'ordinaire. Pourquoi pas des espaces de co-working ? Pourquoi pas des sièges sociaux pour des start-up ? Pourquoi pas des centres de vacances, des maisons d'artistes ?

 
Les propriétaires de biens patrimoniaux privés devront-ils obligatoirement en ouvrir les portes pour assumer leur entretien ? © Asselin 

Tout est à repenser. Il faut donner au patrimoine une nouvelle mission qui est celle d'être viable économiquement. Il faut assigner au patrimoine des projets économiquement viables. Et pour cela, bien sûr, il faut des outils de gestion. Moi-même, dans mon monument, j'ai adopté des outils de gestion, en confiant à des jeunes le soin de gérer le domaine, de l'ouvrir au public, d'appliquer des méthodes modernes. Il ne faut surtout pas fossiliser et scléroser le patrimoine, bien au contraire !

- On a le sentiment que l'Etat commence à prendre conscience de ce phénomène et de cette nécessité, notamment par la mission qui vous a été confiée par Emmanuel Macron d'identifier le patrimoine en péril. Vous avez proposé l'idée de Loto du Patrimoine qui a eu lieu en septembre dernier pour collecter des fonds. Cette expérience était-elle unique ou bien pourrait-elle devenir récurrente et avoir lieu à intervalles réguliers ?
- D'abord cela sera très certainement récurrent car le Président a demandé à ce que cela devienne pérenne, donc le loto s'inscrira dans la durée et devrait se perpétuer. J'ai aussi discuté avec les représentants européens qui m'ont demandé si j'accepterais de travailler avec eux pour que ce loto du patrimoine devienne un loto européen du patrimoine. Je pense qu'il serait formidable que cette idée puisse s'exporter et que nous puissions annoncer dans un futur proche que nous avons pu assembler les forces et ressources nécessaires pour faire de ce loto du patrimoine une initiative européenne. Cela existe déjà aux Pays Bas et en Grande-Bretagne. Je pense qu'il faut de toute façon trouver des sources innovantes de financement du patrimoine. L'Etat ne peut pas y pourvoir entièrement. 

 
© F.Andrieu/Peps/E-Press Photo.Com /Photo News 


Il faut encourager les acteurs du patrimoine à se retrousser les manches. D'ailleurs la différence qu'on fait entre les propriétaires privés et publics n'a plus de sens aujourd'hui. Si les privés n'y arrivent pas, c'est l'Etat qui doit se substituer. Il faut casser les codes et les idées reçues : on pense toujours que les propriétaires privés sont de grandes familles privilégiées et fortunées qui habitent des maisons somptueuses alors que bien souvent ils vivent avec des seaux d'eau dans leurs chambres à coucher ! Par exemple, cela coûte moins cher à l'Etat de permettre des défiscalisations des travaux aux propriétaires plutôt que d'intervenir à leur place. Une piste pourrait donc être la mise en place de mécanismes et d'incitants fiscaux supplémentaires pour rendre les propriétaires capables d'être acteurs dans la préservation de leur patrimoine. Dans tous les cas, il devient urgent de repenser les systèmes existant et de proposer des modèles innovants.

Albert Anker, Gamin faisant des bulles

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