Eventail.be – En ce qui concerne le livre Wild Places of Europe, est-ce vous qui avez suggéré les lieux évoqués dans le livre ? Les connaissiez-vous déjà ?
Wouter Pattyn – Je connaissais tous ces lieux mais le choix des zones a également été fait en concertation avec l’éditeur, en tenant compte de critères tels que la situation géographique, la variation, les biotopes, etc… Les douze régions sélectionnées sont uniques, mais il en existe certainement d’autres tout aussi belles. Le caractère exceptionnel ou la beauté d’un endroit dépend souvent des circonstances dans lesquelles vous le découvrez en tant que photographe ou visiteur. Il peut s’agir des conditions météorologiques qui influent sur les expositions et la façon dont vous percevez ce qui vous entoure. Si tout se passe bien, je m’attache vite, ce qui augmente les chances de m’y rendre souvent. Si vous découvrez un lieu sous une pluie battante, vous en garderez un souvenir moins agréable même si les paysages sont d’ordinaire magnifiques. Inconsciemment, cela influencera votre choix. L’objectif du livre était de mettre en lumière, non pas des zones délimitées mais plutôt, en partant d’un lieu déterminé, proposer un aperçu de son environnement au sens large, par le biais d’images puissantes qui donneront au lecteur l’envie d’approfondir et de se documenter. Un autre objectif, tout aussi important, consistait à donner envie au lecteur de sortir de chez lui et d’aller à la découverte de ce qui l’entoure car la notion du voyage n’a parfois rien à voir avec le nombre de kilomètres à parcourir. L’environnement proche réserve souvent bien des surprises comme son jardin par exemple. Même si le livre contient conseils pour les photographes et les aventuriers de tous poils, il ne s’agit en aucun cas d’un guide au sens stricto senso du terme mais plutôt d’un recueil d’impressions et d’expériences vécues
© Wouter Pattyn
– Pourquoi avez-vous choisi de photographier la nature et les animaux ?
– Je suis inséparable de mon appareil photo depuis plus de 25 ans et je photographie à peu près tout ce qui s’approche de moi. La recherche d’ambiance, de lumière et d’expérience nature demeure ma plus grande motivation. Pas un jour ne passe sans que j’observe la nature. Difficile de m’en passer. M’en priver me rendrait sans doute neurasthénique ! J’ai commencé comme ornithologue. Voyager beaucoup et être dans la nature m’a fait découvrir bien plus que les oiseaux. Il m’a été donné de voir de beaux paysages, des plantes étonnantes et bien d’autres animaux. Je trouvais dommage de ne pas pouvoir les partager et c’est pour cette raison que j’ai acheté un appareil photo pour capturer toute cette beauté. Avant même de m’en rendre compte, je faisais davantage de photographie que d’observation d’oiseaux…
– Avez-vous des souvenirs particuliers de ces virées mémorables qui vous ont conduit de l’Islande à l’Espagne?
– Des histoires compliquées, chaque photographe doit en avoir vécu tout un lot. En Espagne, par exemple, après avoir photographié des guêpiers, j’ai aperçu au loin une famille de sangliers avec des petits en train de se nourrir. Je savais par expérience qu’on faisait plus attention lorsqu’il y avait des mères avec des petits à proximité, mais ce groupe était très éloigné donc j’étais rassuré. J’ai pu observer les animaux longtemps avec les jumelles, fantastique ! À ma grande surprise, sortie de nulle part, une des femelles est arrivée en se dirigeant vers moi telle une flèche. Une véritable attaque surprise à laquelle je ne m’attendais pas. J’ai alors commencé à courir et j’ai sans doute battu mon record au sprint du 100 m. Heureusement, la laie n’est pas allé plus loin et a stoppé sa poursuite.
– Selon vous, quelles sont les qualités essentielles d’un photographe nature ?
– Il faut créer un projet, avoir un objectif précis, ne pas se promener un peu au hasard, en ayant en tête qu’il ne faut pas toujours aller très loin pour immortaliser une faune et une flore incroyables. Je crois qu’il faut aussi aller plus loin pour se distinguer, tenter de trouver l’exceptionnel, l’inattendu. Il est nécessaire d’apprendre des rudiments d’écologie. Et plus on aura des connaissances sur l’animal, son comportement, son mode de vie, plus grandes sont les chances de succès. Alors, bien évidemment, la patience reste une qualité essentielle sinon, pas besoin de commencer à photographier la nature. On s’installe et on ne bouge plus quitte à avoir des crampes et les animaux viennent parfois vers vous… et non l’inverse. Je pense qu’il faut pourvoir analyser l’animal et son comportement dans son environnement naturel. Cela s’applique également aux paysages d’une certaine façon. Attendre la bonne lumière, revenir autant de fois qu’il est nécessaire pour capter l’instant voulu. Le résultat obtenu n’en sera que plus apprécié si les efforts fournis furent conséquents. Ne jamais oublier de garder les yeux ouverts en permanence. Tant de gens recherchent la nature, mais si peu regardent autour d’eux avec attention. Le respect de l’environnement s’impose comme une notion essentielle. Nous sommes des invités dans la nature, et non l’inverse. Côté observation, soyez assuré que même avec le meilleur objectif, et certains coûtent jusqu’à 10.000 euros, si vous ne savez pas regarder, inutile de continuer. L’œil prime sur la lentille. Enfin, on ne peut nier que si on veut voir beaucoup de choses, il fait être seul. Malheureusement, la photographie animalière n’est pas le passe-temps le plus sociable. En groupe, on fait souvent trop de bruit et l’aventure tourne court. Il faut donc pouvoir apprécier une certaine forme de solitude.
– Avez-vous des régions préférées dans lesquelles vous aimeriez revenir ?
– L’Islande est un pays d’une beauté fantastique où l’on peut découvrir les paysages les plus fous, assortis de conditions d’éclairage phénoménales. Beau ou mauvais temps, c’est toujours spectaculaire. Et on a l’impression de n’avoir jamais terminé. Il y a toujours quelque chose en plus… un littoral tellement accidenté, des baleines qui soudain font surface, le sommet enneigé des montagnes…difficile de s’arrêter. J’apprécie aussi beaucoup l’extrême nord de la Scandinavie. La région est certes désolée mais l’atmosphère se révèle fantastique et introvertie. J’y ai étudié, rédigé ma thèse et inventorié les oiseaux nicheurs en solo dans la toundra pendant six mois. J’y viens encore souvent et j’ai toujours l’impression de rentrer à la maison.
Photo de couverture : © Wouter Pattyn
Livre
Wild Places of Europe
Auteur
Wouter Pattyn
Éditeur
Racine
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