Stéphane Lémeret
28 October 2025
Nos institutions ont beau donner l’impression de ne jamais être pressées, il y a pourtant un “truc” entre la Belgique et la vitesse. C’est ce que nous voulions évoquer en intro, par le biais de deux références. D’abord, la fameuse “Jamais Contente” de Camille Jenatzy, première automobile de l’histoire à franchir la barre des 100 km/h, en 1899. Plus récemment, une voiture belge a un temps détenu le record du monde du 0 à 100 km/h, avec 3,266 secondes : la Gillet Vertigo. C’était en 1994, année où la McLaren F1 a officiellement égalé ce temps. Mais pour qu’il soit vraiment battu, il a fallu attendre 2005 et les 1001 chevaux de la Bugatti Veyron ! Ce petit cours d’histoire nous amène à l’information du jour : la Belgique compte un nouveau constructeur de supercars. Bon, soyons francs, ces voitures ne vont pas être produites sur le sol belge. Car la vraie info est que des investisseurs belges ont racheté une marque automobile autrichienne.
© KTM
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Cette marque, c’est KTM X-Bow. Vous connaissez peut-être KTM, le constructeur de motos ? Eh bien, c’est ce constructeur qui a lancé, en 2008, une machine à quatre roues totalement insensée, redoutable. Une voiture presque totalement ouverte, qui ressemble à une F1 mais avec deux places. Bien des années plus tard, KTM s’est trouvé dans une situation financière extrêmement délicate et a été sauvé par le groupe indien Bajaj, qui a décidé de se défaire de l’activité automobile. On l’a appris tout récemment : cette activité a été rachetée par la famille de Mevius via la société Verlinvest. De Mevius est évidemment un nom bien connu dans notre pays, pour plusieurs raisons. Certains sont plus familiers avec le rôle de cette lignée dans le destin d’AB InBev, premier groupe brassicole au monde ; d’autres ont en mémoire les exploits du pilote Grégoire de Mevius, notamment en rallye et en rallye-raid. C’est l’un des fils de Grégoire, Guillaume, lui aussi pilote, qui devrait représenter la famille auprès du petit constructeur. Et d’imaginer disputer les prochains Dakar au volant d’une voiture badgée KTM X-Bow… Nous n’en sommes pas encore là, mais on peut toutefois penser que la marque se trouve désormais en de bonnes mains. Et l’on ne peut que s’en réjouir, surtout quand on a pu, comme nous, essayer le modèle le plus récent de la marque…
© KTM
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Le frisson commence lorsque la verrière de la KTM X-Bow GT-XR se soulève à la verticale. On ne monte pas à bord, on descend dans un cocon qui se referme comme la bulle d’un avion de chasse. L’accès demande un peu d’agilité, certes, mais une fois installé, on oublie les contorsions. Le volant carré se clipse comme dans une voiture de course, les harnais vous plaquent au baquet et l’on découvre un habitacle particulièrement dépouillé. Peu d’artifices, pas de luxe inutile : tout ce qui est là possède une véritable fonction.
Dès les premiers mètres, on comprend que cette machine n’est pas qu’une sportive de plus. La direction est instantanée, presque télépathique. Le moindre mouvement des poignets inscrit l’auto sur la trajectoire avec une exactitude étonnante. La route, elle, s’invite sans filtre. Chaque gravillon, chaque aspérité remonte dans les mains et les reins, mais jamais de façon désagréable, du moins si l’on a vraiment la passion du pilotage. Dans ce cas, ces “bruits” sont au contraire une manière directe d’entrer en communion avec la mécanique. Et quelle mécanique ! Les palettes métalliques claquent à chaque changement de rapport, et la sonorité du légendaire cinq cylindres Audi – rauque, ponctuée de sifflements de turbo et de décharges hurlantes – s’ajoute à ce qui est déjà un concert à sensations.
© KTM
Sur route ouverte, la GT-XR se montre moins sauvage qu’on ne pourrait le craindre. Les suspensions sont fermes mais jamais cassantes, et la climatisation ainsi que le chauffage rappellent que, oui, cette automobile est bel et bien homologuée pour la route. On pourrait presque la conduire comme une sportive “normale”… jusqu’au moment où l’on décide d’écraser l’accélérateur. Les 500 chevaux propulsent alors la coque de carbone avec une brutalité réjouissante. Avez-vous déjà franchi les 200 km/h en une dizaine de secondes ? L’exercice vous scotche littéralement au siège, mais très vite vient un autre exercice : tester la force de votre mollet sur la pédale de freins non assistée. Viril !
Cette KTM se conduit comme une voiture de course apprivoisée : brutale si on la malmène, redoutablement efficace si on la respecte. ESP (système anti-sortie de route) déconnecté, la KTM tombe le masque et révèle un tempérament rugueux, exigeant un vrai doigté. Avec les aides actives, elle avale au contraire les virages avec une sérénité qui la place au niveau des meilleures supercars contemporaines. Et puis, il y a ce plaisir enfantin qu’offre cette désormais “Austro-Belge” : lever le pied juste pour écouter le turbo soupirer, remettre les gaz pour sentir la poussée et recommencer. Chaque accélération est une invitation, chaque freinage une démonstration. La GT-XR ne cherche pas à séduire par des écrans ou des gadgets : elle offre une expérience pure, brute, qui ramène aux fondamentaux.
À l’heure où beaucoup de sportives s’assagissent, voire s’embourgeoisent, la KTM X-Bow GT-XR garde le sel de l’exclusif. C’est une machine rare – une centaine d’exemplaires produits par an – mais surtout une expérience unique, de celles qui marquent autant que les paysages traversés. On en sort décoiffé, impressionné et étrangement reconnaissant que ce genre d’ovni existe encore. Et l’on ne souhaite qu’une chose : que, sous la responsabilité de la famille de Mevius, la marque reste ce qu’elle est… et qu’elle se développe !
Photo de couverture : © KTM
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